En Bretagne, les cultures intermédiaires à vocation énergétique (Cive) s’installent discrètement, mais sûrement. Seigle, triticale, mélanges méthanogènes : ces cultures semées entre deux récoltes principales trouvent aujourd’hui un débouché attractif dans les unités de méthanisation.
Sur le papier, les Cive cochent toutes les cases : couverture des sols, valorisation de la biomasse, diversification des rotations, revenu complémentaire. Mais dans les fermes, une question émerge : peuvent-elles, vont-elles, concurrencer l’élevage ?
Les Cive vont-elles concurrencer l’élevage ?
Dans une Bretagne historiquement construite sur un modèle animal, ces cultures énergétiques, pensées comme secondaires, deviennent parfois plus rentables que la polyculture-élevage ou la vente de céréales. Peu de main-d’œuvre, récolte et épandage du digestat souvent réalisés par les méthaniseurs, prix de rachat sécurisé : la tentation est réelle.
Or cette dynamique croise un autre phénomène : la déprise en élevage, notamment bovin, qui, rappelons-le, met déjà les filières agroalimentaires sous tension. Disons-le clairement : le modèle breton pourrait vaciller si la transformation des fourrages par l’animal est moins rentable que leur transformation en gaz.
Derrière la promesse d’une énergie locale et circulaire, c’est un modèle de production qui pourrait se redessiner. La question est politique : quel type d’agriculture voulons-nous pour demain ? Une production tournée vers l’énergie ? Ou une agriculture qui continue de produire du lait, de la viande, des emplois, du lien au sol ?
Les Cive ne sont pas le problème. Mais leur succès impose une réflexion collective. Si la Bretagne veut garder ses étables ouvertes, elle ne peut ignorer la concurrence silencieuse qui s’installe entre le digesteur et la mangeoire.
