Les manifestations et les revendications agricoles de cette fin d’année l’ont montré. Le mythe de la « Ferme France », cette vision d’une agriculture unifiée et homogène, n’a jamais semblé aussi fragile. Entre la diversité des exploitations agricoles et l’effritement de la représentativité syndicale, le tableau d’ensemble se fissure. Pourtant, certains acteurs s’accrochent encore à cette unité de façade, nourrissant l’illusion d’une agriculture qui parlerait d’une seule voix.
Le rôle des syndicats agricoles, piliers d’une cogestion avec l’État, est remis en question. À l’instar de ce qu’il se passe dans la société civile, les revendications alternatives grignotent peu à peu les pouvoirs traditionnels. A l’image du bipartisme politique, le socle de la représentativité syndicale vacille aussi sous l’effet de la montée en puissance des collectifs non syndicaux propulsés par les réseaux sociaux. La montée de ces mouvements alternatifs souligne les divergences conceptuelles sur les modèles de production. Ces nouveaux porte-parole témoignent également d’une rupture générationnelle et d’un besoin de parler autrement de l’agriculture.
Pour autant, le fond du problème reste inchangé et partagé : l’agriculture ne parvient pas à créer assez de valeur pour se projeter. Tant que cette question restera sans réponse, le cycle des crises agricoles continuera de tourner. Le vrai défi des pouvoirs publics est d’apporter de la visibilité sur le long terme pour une agriculture rentable, capable d’appréhender les transitions économiques et environnementales. Rien à ce jour ne laisse entrevoir que l’on en prenne le chemin. Plutôt que de s’attaquer à la racine du problème, toute la classe politique et syndicale préfère crier au loup en désignant, par exemple, le Mercosur. Place à la facilité : détourner le regard plutôt que repenser son avenir…