17460.hr - Illustration Un avenir pour le porc en Afrique ?
Les participants à un débat très animé sur l’avenir de la production porcine africaine organisé par AVe et Axiom, au Space.

Un avenir pour le porc en Afrique ?

La demande de produits carnés va s’accroître avec le doublement de la population africaine. Le porc espère se faire une place au soleil. De nombreux freins sont à lever.

La société de génétique Axiom et l’association AVe organisaient un débat sur la production porcine africaine au Space, en présence d’éleveurs, de techniciens et de vétérinaires de différents pays africains. L’entreprise, basée à Tours, exporte des animaux vivants et de la semence de ses lignées sélectionnées vers 11 pays subsahariens. « En 2023, nous avons triplé nos ventes de doses  », indique Sigrid Willems, responsable commerciale Afrique. L’utilisation de l’application WhatsApp n’est pas étrangère à cette progression. « Les éleveurs font partie de groupes, en fonction de leur région et d’un thème qui peut être technique. L’insémination par exemple. Cela leur permet de mutualiser les commandes. Isolés, ils ne pourraient pas avoir accès à notre génétique ». Des centaines d’éleveurs en profitent désormais. Un vétérinaire ivoirien acquiesce : «  Les importateurs ne prennent pas le risque d’acheter des produits pharmaceutiques sans commande et paiement préalables ; ils ne font pas de stocks. Les applications, qui permettent de grouper les demandes, sont un bon outil ». La partie n’est pas gagnée. Les aides à la création ou au développement d’élevages font défaut.  

Aides gouvernementales dérisoires

« Dans beaucoup de pays africains, les politiques agricoles n’existent pas. Avant, nous n’en avions pas besoin car les États comptaient sur les surplus agricoles des pays européens. Tout développement était, de fait, condamné », assure Charles Toko, éleveur béninois. « Actuellement, la priorité est de lutter contre le terrorisme. Les aides pour l’agriculture sont dérisoires. L’argent va à l’armée. Au Bénin, par exemple, les aides sont éparpillées, saupoudrées ; il n’y a pas de politique agricole structurée ». L’attendu Ipolo, éleveur congolais, ancien salarié d’un élevage breton, confirme : « Quand j’ai présenté mon projet de produire 1 300 porcs par an, pour obtenir des aides, on m’a dit que je rêvais. J’ai donc démarré avec 4 femelles. Aujourd’hui, j’ai 20 truies et la suite. L’objectif est d’arriver à 60 mères  ». 

17461.hr
Bernard Bernicot, en mission dans un élevage camerounais.

Un besoin criant de formation

La crise ukrainienne touche l’Afrique et rebat les cartes. Une lueur d’espoir, pour Charles Toko, également président d’un groupement de producteurs : «  Les politiques prennent conscience que nous devons absolument produire sur place, afin d’améliorer notre souveraineté alimentaire ». Les freins techniques sont nombreux : conduite, alimentation, sanitaire… « Chez nous, la génétique est trop souvent oubliée », reprend L’attendu Ipolo. « La stratégie de croisement de nos races locales avec des lignées d’Axiom est gagnante. C’est une réponse à la nécessité de réduire le coût alimentaire. Ces animaux poussent plus rapidement avec moins d’aliment ». Grâce aux inséminations, les éleveurs pratiquent l’autorenouvellement. Au risque de perdre les gènes des cochons du pays qui leur permettent de résister à la chaleur, au parasitisme ambiant. Inquiétude balayée par Charles Toko : « La place des races locales est dans les zoos ; elles disparaîtront, comme en France  ». 

La crise ukrainienne rebat les cartes ; les politiques prennent conscience que nous devons produire sur place

Le fléau de la peste porcine

Le plus gros frein est sans doute sanitaire. La peste porcine africaine (PPA) décime régulièrement les cheptels. Contre ce fléau, en l’absence de mesures de biosécurité efficaces, « la prière est le seul remède », plaisante Charles Toko. Bernard Bernicot, expert AVe, est un peu plus optimiste : « L’importation de semence évite les échanges de reproducteurs de race locale et la diffusion des maladies. Les éleveurs devraient faire pression sur les pouvoirs publics afin d’obtenir des indemnisations lors des crises sanitaires. Trop souvent, les éleveurs se dépêchent de vendre leurs animaux dès les premiers symptômes ».  La conception d’un vaccin contre la PPA permettrait aux éleveurs d’investir et de créer des filières pérennes. En attendant, le porc risque de voir la volaille s’envoler.

Un guide de l’éleveur de porc en Afrique

AVe (association de volontaires experts), ne compte que des retraités bénévoles qui travaillent en Afrique, en Chine et au Laos, essentiellement dans le domaine agricole et agroalimentaire. Quatre d’entre eux (Louis Jestin,
Bernard Bernicot, Alain Coupel, Gilbert Perez) se consacrent plus particulièrement à la production porcine. Ils
proposent des audits d’élevage, des actions de formation, des webconférences, du conseil de gestion. AVe a édité un guide de l’éleveur de porc en Afrique qui se décline en 40 fiches techniques détaillées, de la détection des chaleurs à la conception du béton (bâtiment) en passant par la protection sanitaire des élevages (clôtures, sas…) ou à l’enregistrement des données. Ce guide a été conçu en collaboration avec Axiom. Il est diffusé gratuitement pour les clients de la société de génétique et les éleveurs suivis par AVe ; payant pour les autres, au prix de 30 000 FCFA (45 €).


Fermer l'écran superposé de recherche

Rechercher un article