Ancien éleveur laitier à Pluvigner (56), René Esvelin mène désormais des brebis en estive, dans les Alpes. Il forme, en hiver, des chiens de troupeau dans le Morbihan.
Une vie à la montagne, une vie en Bretagne. Depuis 2016 et la vente de sa ferme, René Esvelin partage son année en deux périodes bien distinctes. En été, il garde les moutons dans les Alpes-Maritimes, au pied du Parc du Mercantour. En hiver, il effectue des remplacements dans des fermes bretonnes et forme*, à raison de 3 à 4 journées par mois, des Borders collies, des Beaucerons et des Kelpies australiens, accompagnés de leur maître, à la conduite des troupeaux.
[caption id=”attachment_80617″ align=”aligncenter” width=”433″] René Esvelin.[/caption]
Un pincement au cœur
« Je me suis, très tôt, passionné pour l’éducation et le dressage des chiens de troupeau. J’ai eu mon premier Border en 95 et bien d’autres ont suivi, que j’ai dressés et parfois revendus ». C’est l’un d’entre eux, vendu à l’essai à une bergère officiant en été en Savoie, qui sera à l’origine de sa reconversion professionnelle. « Je suis allé la voir pendant deux semaines, avec mon propre chien. J’ai eu un pincement au cœur en redescendant dans la vallée ». Pendant 4 ans, il file à la montagne pendant ses vacances estivales et rencontre des éleveurs et leurs bergers. « J’ai eu une dizaine de propositions d’embauche. C’est à ce moment que l’idée de vendre ma ferme s’est imposé ». Les premières années, il travaille pour un groupement pastoral d’Arles, avec ses propres chiens. « C’était une condition ». Au début, réticents, les éleveurs acceptent de lui confier leurs 1 600 brebis. « Je leur ai montré ce que mes Borders savaient faire », sourit le berger. Direction la Savoie ; un millier d’hectares d’estive à gérer selon la pousse de l’herbe, entre 1 700 et 2 300 mètres d’altitude, seul avec ses 4 Borders et les moutons. Ravitaillé toutes les 3 semaines par les éleveurs, en produits frais, dans sa petite cabane à l’intérieur sommaire.
Sous la menace des loups
Depuis trois ans, c’est dans les montagnes des Alpes-Maritimes que le quinquagénaire passe ses étés, de début juin à fin octobre, pour des éleveurs du Verdon. Au pied du Parc du Mercantour, où les loups sont nombreux. « J’ai été surpris par une attaque à laquelle j’ai assisté en direct lors du retour à l’enclos, un soir de brouillard. Les Patous étaient en tête du troupeau, pressés d’aller à la gamelle. Le loup, que j’ai d’abord pris pour un chien, a attaqué un agneau isolé. J’ai réussi à le mettre en fuite et j’ai récupéré l’agneau, toujours en vie ». Celle que son troupeau avait subie quelques années auparavant en Savoie était bien plus sévère : « 35 brebis tuées ; c’était la première attaque depuis 8 ans dans ce secteur. Je n’avais pas de Patous ».
L’envie d’une transhumance
La cohabitation entre les chiens des deux races, qui ne se connaissent pas au départ à l’estive, est cordiale, passés les premiers instants électriques. Chacun son boulot. La garde pour les 10 Patous ; la conduite du troupeau pour les 4 Borders collies. Avec les randonneurs, la cohabitation est parfois compliquée : « Ils peuvent prendre peur des chiens ; je dois être présent pour les rassurer ». La pression, constante, dépend du versant de montagne où paissent les animaux, du boisement, de l’escarpement. Elle ne redescend que début septembre quand les éleveurs viennent chercher, en camion, la majeure partie du troupeau, un millier de brebis environ, prêtes à agneler. « Après, jusqu’à la fin de l’estive, je savoure les moments de solitude ». Le retour dans la vallée, après cinq mois en altitude, est une autre étape ; « Pas la plus facile », avoue le berger, qui a un petit rêve : « Faire la transhumance à l’aller, avec le troupeau, du Verdon aux estives ». Dix jours de marche pour deux cents kilomètres, comme dans les temps ancestraux, histoire d’appréhender encore un peu mieux le travail du berger.
* Pour l’AUCTM (Association des utilisateurs de chiens de troupeau du Morbihan)