Intégrer le « monde normal »

Travailler en élevage avec un handicap, c’est le défi relevé par Dimitri, dans un élevage caprin. Dimitri est dorénavant dans son élément. Voilà six ans qu’il vient travailler à mi-temps sur la ferme de Vincent Bourdon à Pontmain (53). « J’ai saisi une opportunité », raconte le jeune salarié à qui tout prédestinait une aventure professionnelle dans la menuiserie, dans les locaux de l’Ésat (Établissement ou service d'aide par le travail). Sauf qu’il avait une envie irréductible d’aller travailler dans le « monde normal », selon ses dires. Après une demande refusée pour ses problèmes physiques dans les espaces verts, le voilà à l’essai pour 15 jours en élevage de chèvres. Un séjour de découverte qui se prolonge depuis 2016 par une mise à disposition du salarié de l’Ésat et qui devrait déboucher courant 2022 sur une embauche. « La demande d’embauche vient de Dimitri. Depuis 6 ans, on a évolué ensemble sur nos besoins collectifs. On s’entend bien. Et quelle que soit la difficulté, il a toujours été présent », note son futur employeur. « Jamais je n’aurai pensé avoir un CDI en agriculture… », avoue le jeune homme. Des outils adaptés Et pourtant, dès 7 h chaque matin, il investit la salle de traite et soigne les animaux… Une présence 5 jours sur 7, avec une permanence un week-end sur deux. « Jamais je ne suis venu ici au travail en reculant, au contraire ! Je pensais que je ne pourrais pas traire, à cause de mes tremblements aux mains, que je subis depuis la naissance sans en connaître la cause, ou mes problèmes de dos. Mais non. J’aime tout faire, sauf peut-être le paillage. Difficile à jauger si c’est assez ou pas », analyse-t-il. Les gestes se sont affinés avec le temps, avec l’acquisition d’un vrai savoir-faire. Côté suivi du troupeau, un tableur Excel a été mis en place avec des menus déroulants pour décrire les tâches que Dimitri entreprend quand Vincent Bourdon vaque à ses responsabilités professionnelles. « Il n’a pas besoin d’écrire, il sélectionne directement un onglet et peut se servir de Google vocal pour détailler ses actions. Je reçois aussitôt une notification sur mon portable qui me permet de suivre tout ce qui se passe sur l’élevage à distance », précise Vincent Bourdon. Un outil conçu spécialement à l’origine pour Dimitri et qui sert dorénavant aux 5 intervenants sur l’exploitation, jusqu’à y intégrer aujourd’hui toutes les informations pour le registre sanitaire. « Dimitri n’est pas encore autonome pour la préparation et la quantité des aliments à distribuer, même s’il a pourtant compris la problématique de la fibrosité et des concentrés sur les animaux ». Un prérequis indispensable pour la gestion en lots d’un élevage caprin. Alors, avec l’Ésat, un second tableur est en cours de réflexion. Permis Caces en ligne de mire « Je suis une personne assez nerveuse, j’avais peur d’être brutal. Mais finalement, la chèvre a un effet calmant, reposant », explique Dimitri, fier d’avoir atteint son objectif. À savoir travailler dans une entreprise, se voir confier des tâches malgré son handicap. « Dimitri a gagné en compétences en s’appropriant les consignes et en autonomie sur un maximum d’opérations, tout cela en respectant un temps de travail adapté à ses aptitudes et selon ses compétences physiques », fait remarquer son chargé d'insertion professionnelle de l’Ésat. Avant de poursuivre : « Car tout peut devenir un handicap pour tout un chacun quand l’environnement n’est pas adapté. Quand le milieu s’adapte, le handicap s’estompe… » Et Vincent Bourdon de rajouter : « Dimitri n’est en effet pas en situation de handicap sur l’élevage. Je connais ses limites, il faut les lui rappeler parfois. » En effet, il est toujours demandeur. Aujourd’hui, il vise de nouvelles tâches à savoir le curage du bâtiment, la conduite du tracteur… Pour ce faire, se rassurer lui et les autres, il va prochainement passer le permis Caces.

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