Dessine-moi un cheval

La célèbre phrase « dessine-moi un mouton » du Petit prince de Saint-Exupéry s’est appliquée à l’univers du cheval au lycée agricole de Kernilien. L’artiste graveur Nicolas Lambert a quitté sa base de Douarnenez pour établir son atelier durant quatre jours au lycée de Kernilien, à Plouisy (22). Quatre jours de résidence pour faire découvrir son art de la gravure à bois perdu. Avec les élèves de terminale de CGEH (Conduite et gestion des entreprises hippiques), le cheval sera roi et modèle pour tous ces artistes en herbe. « J’essaie de leur transmettre ma passion. Le bestiaire rural et la nature en général sont le centre de mon inspiration », s’exprime-t-il. Diverses techniques de gravure Ce graveur s’est d’abord exprimé, pendant de nombreuses années, à travers la technique de la taille-douce sur des plaques de métal gravé, pratique développée depuis le XVe ou XVIe siècle. Aujourd’hui, il s’appuie plutôt sur la taille d’épargne. Ici, l’artiste creuse à côté du trait du dessin en faisant apparaître la gravure en relief. Durant l’impression, seuls ces reliefs de la matrice seront encrés. C’est en quelque sorte le principe du tampon. La technique en taille d’épargne la plus ancienne et la plus répandue est la gravure sur bois. En effet, de telles gravures sur bois ont été retrouvées en Allemagne, datées de 1400. Cette technique a permis de produire un nombre d’exemplaires importants, sans presse, et a été très utilisée à la fin du XIXe siècle pour l’édition de volumes et l’illustration de la presse. Une seule plaque pour plusieurs couleurs « Avec les élèves, nous avons travaillé la gravure à bois perdu sur du linoléum, support plus souple que le bois », détaille Brigitte Volders, professeur d’éducation socioculturelle, responsable de l’activité. « Je ne sais pas dessiner. C’est compliqué de faire un cheval ! Pourtant, je suis contente du résultat », avoue Anaïs Le Saulnier, élève participante après avoir élaboré l’ébauche d’un cheval figuratif en instantané au centre équestre. Les traits sont reproduits sur la plaque de linoléum, la matière sera petit à petit creusée avec l’aide de gouges, petits ciseaux à bois. L’histoire raconte que la technique de la gravure à bois perdu aurait été inventée par Picasso, pendant la Seconde Guerre mondiale, du fait de la difficulté à trouver de la matière première… « J’apprends aux élèves à décomposer l’image de façon à réaliser une gravure, non plus avec une plaque par couleur (estampe japonaise), mais avec la même plaque, évidée au fur et à mesure des impressions, en travaillant des couleurs les plus claires aux plus sombres ». La technique requiert une encre d’imprimerie, de viscosité importante, apportée à chaque étape. Par pression avec un tampon recouvert de feuilles de bananier, le dessin est reproduit sur une feuille appliquée sur la gravure encrée. La plaque de linoléum, au vu des évidements successifs, se retrouve bien allégée en fin de travail… L’impression est inversée au dessin initial. « Pour l'anecdote, les paysagistes s’installaient autrefois de dos face au décor qu’ils voulaient reproduire. Un miroir devant eux les aidait à reproduire ce paysage ‘aplati’ . À l’impression, les paysages se retrouvaient dans le bon sens », note au passage Nicolas Lambert. « Se laisser porter » « Dans un monde où le numérique et la vitesse prennent toute la place, revenir à l’art et au travail de la matière permet de prendre son temps, de s’interroger sur l’image… On apprivoise la technique petit à petit, on avance donc dans l’inconnu. On apprend aussi à se laisser porter, par les incidents, l’image ainsi se transforme, par choix ou pas ! », précise l’artiste pédagogue. Et Brigitte Volders de préciser : « Et, en donnant aux élèves la parole ou plutôt le pinceau, ils apprennent aussi à travailler différemment ensemble ». « Moi, j’y ai aussi ajouté de l’imaginaire, la technique n’est pas si facile, elle requiert de la patience. Mais grâce à cette activité pratique via la réalisation de notre œuvre, cela nous a permis de démystifier l’art dont nous avions une vision faussée, nous le limitions à la peinture classique, au musée… », plaide Gladys Picot. Elles auront découvert toutes les deux, comme tous les participants, un autre moyen pour exprimer leur passion autour du cheval.

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