- Illustration Professionnaliser la reproduction
Sébastien Texier a fait appel à Jean-Marc Héliez en 2014 avec l’objectif d’améliorer les résultats de reproduction. La mise en place d’une approche méthodique « rassurante » et la révision de la conduite de troupeau (ration, santé des pattes) ont induit de nets progrès.

Professionnaliser la reproduction

Malgré une bonne détection des chaleurs, les performances de reproduction ont longtemps été très dégradées chez Sébastien Texier, de l’EARL La Boudrais, à Saint-Brieuc-des-Iffs (35). A partir de 2014, la mise en place d’un suivi régulier par Dr Jean-Marc Héliez a permis de tout remettre à plat.

A l’EARL La Boudrais à Saint-Brieuc-des-Iffs (35), l’exploitation est enclavée (route, ferme voisine) et la surface accessible autour des bâtiments est nulle. Cela a poussé Sébastien Texier vers la traite automatisée dès 2006. « Au robot, la production a toujours été au rendez-vous avec un pic de lactation moyen de 49 kg de lait chez les multipares. Mais j’avais des problèmes de reproduction. J’entendais qu’il ne fallait pas inséminer les hautes productrices avant 100 jours après vêlage…», confie le Brétillien.

Dans un cheptel où les vaches manifestaient peu leurs chaleurs, même la mise en place de la mesure de l’activité pour la détection n’a pas porté ses fruits : « Mon observation à l’oeil nu était plus efficace que la technologie. Je connais très bien mes animaux. Je note tout changement de comportement individuel : celle qui se rapproche des autres ou traîne contre la barrière, celle qui bouge davantage, celle qui change d’habitude par rapport au robot… » Mais cela ne suffisait pas. « J’avais besoin d’une méthode globale pour me guider. »

Réformes pour infécondité et boiterie

A l’été 2014, quand Jean-Marc Héliez débarque, le tableau est bien sombre : 441 jours d’intervalle vêlage – vêlage (IVV), 22 % de réussite moyenne à la l’IA première et seulement 23 % sur les génisses… « Et pourtant, le niveau d’étable dépasse les 10 000 kg par vache, l’état corporel des animaux est très convenable, l’incidence des métrites est faible et la mesure des corps cétoniques dans le sang ne révèle rien d’anormal… », se rappelle le vétérinaire qui propose du suivi de troupeau sur l’Ouest.

La fécondité dégradée engendrait des lactations longues : les animaux peu productifs encombraient le robot et la période sèche durait 3 mois à cause des vaches décalées. « Je gérais mal les taries. Elles avaient
tendance à engraisser », raconte Sébastien Texier. Le taux de réforme plutôt faible, 17 %, cachait des départs de vaches pour boiterie et infécondité. « Alors que mon cheptel présente un bon niveau génétique, je manquais de femelles de renouvellement et je devais faire quelques achats à l’extérieur. » Face à cette situation complexe, Jean-Marc Héliez avoue s’être bien gratté la tête, cherchant dans différentes directions.

Croiser dès la 3e IA pour ne pas perdre de temps

En 2014, le troupeau productif se situait à 7 mois de rang moyen en lactation. « A ce niveau-là, il y a une véritable perte de lait. Trop souvent, les éleveurs pensent que l’augmentation des taux quand le lait baisse compense économiquement, mais ce n’est pas vrai », estime Jean-Marc Héliez.
Le vétérinaire est adepte de l’insémination précoce. « Peu importe la vache maigre ou le TP bas, une reprise précoce de la cyclicité des ovaires est un bon signal pour la mise à la reproduction. » Dans son approche, la période d’insémination volontaire débute donc à partir de 50 jours après vêlage, voire même dès 42 jours. « Dès le 70e jour, pour beaucoup d’élevages, je recommande de placer en protocole une vache non vue en chaleur. On pourra faire une exception pour une vache très amaigrie ou forte productrice, mais les études montrent que la fertilité ne s’améliore pas à partir du 100e jour après mise bas. » Et de poursuivre : « Un professeur américain disait que si une vache fait une belle chaleur à 50 jours, c’est qu’elle est prête. Beaucoup laissent passer cette chance prenant le risque de ne plus la revoir en chaleur avant le 90e ou le 100e jour… En inséminant tôt, peut-être que la réussite à la première IA peut baisser de 5 points, mais au final on gagne 15 jours sur l’IVV. » Dans le cas présent, l’IA précoce n’a pas dégradé la fertilité.

[caption id=”attachment_43423″ align=”aligncenter” width=”720″] Pour se préparer à la traite robotisée, les génisses sont conduites en logettes.[/caption]

Parallèlement, toujours pour éviter que les lactations s’allongent, après deux échecs en semence Prim’Holstein, la 3e IA est réalisée avec une dose de Blanc Bleu et la 4e en Limousin. « Même si les mâles croisés se vendaient 350 € il y a 3 ans contre 280 € aujourd’hui, l’option précoce pour le croisement permet de ne pas perdre de temps pour les vaches moins fertiles. » Pour 80 vêlages, désormais 25 à 30 croisés sont vendus chaque année. « En raisonnant ainsi, on ne garde pas de descendance des vaches qui ont des critères de reproduction dégradés. Au contraire, sur les génisses, le génotypage permet de cibler des animaux annoncés fertiles pour recevoir de la semence sexée. »

Dans ce troupeau, comme la détection des chaleurs par l’éleveur est excellente, juge le spécialiste, les performances se sont améliorées peu à peu sans recours à la mise en place d’un protocole hormonal systématique. En 4 ans, l’intervalle vêlage – première IA est ainsi passé de 94 à 74 jours et l’IVV a chuté de 441 à 394 jours. « Ainsi le rang moyen de lactation est redescendu à 5 mois, ce qui est idéal en termes d’efficacité alimentaire. Améliorer la reproduction doit se traduire à l’arrivée par une amélioration de l’EBE », pointe Jean-Marc Héliez.

Parage plus fréquent et pédiluves plus réguliers

Cette révision du calendrier de reproduction s’est accompagnée d’autres changements dans le management général du troupeau. L’alimentation a été reconsidérée (voir encadré 1). Jean-Marc Héliez profite aussi toujours des suivis pour observer l’état locomoteur du troupeau. « Si ce dernier est dégradé, cela a un impact sur la reproduction. La douleur et l’inflammation d’une boiterie impactent la fertilité et limitent les chevauchements. J’alerte les éleveurs sur l’incidence de la dermatite ou un besoin de parage fonctionnel. Cela peut aller jusqu’au relevé individuel des animaux à parer ou à traiter. Souvent, je vais décréter la prise en charge d’un animal boiteux bien plus tôt que l’éleveur ne l’aurait fait. » A l’EARL, la question n’a pas été négligée. Un passage plus fréquent du pédicure et un traitement régulier au pédiluve ont permis de contrôler les boiteries. L’élevage des génisses sur sol dur (voir encadré ci-contre) a limité les problèmes chez les primipares. Sébastien Texier constate que « les chaleurs sont plus visibles grâce à l’amélioration de la santé des pattes ».

Aujourd’hui, à l’EARL, le moral est bon. « Je suis plus serein vis-à-vis de la reproduction car j’ai une méthode de travail. Si je vois une vache en chaleur 50 jours après vêlage, même si elle produit 40 L de lait quotidiens, je l’insémine sans hésiter. Même chose pour une génisse de 13 mois si elle atteint le poids-repère. » D’autant que le taux de réussite à l’IA est désormais meilleur en utilisant de la semence sexée qu’à l’époque avec des doses conventionnelles. La période sèche, recalée à 6 semaines, est désormais maîtrisée… Et malgré une hausse du coût alimentaire après l’abandon de l’affouragement en vert, l’éleveur apprécie en contrepartie que tout le lait produit aille dans le tank et la plus-value liée à la hausse du TP.

Des pics de lactation écrêtés

En 2016, l’arrivée d’une mélangeuse a permis de peser précisément les ingrédients et d’apporter une ration constante. « Avec l’intégration de maïs grain pour augmenter la densité énergétique à l’auge, les vaches paraissaient mieux retenir et le TP a augmenté. » L’affouragement en vert a été abandonné pour obtenir un régime plus stable (« La valeur de l’herbe était trop fluctuante dans le temps »). En abaissant le plafond de correcteur azoté tanné apporté au robot, Jean-Marc Héliez a ensuite fait le « choix osé » d’écrêter les pics pour améliorer la fécondité et au final raccourcir les lactations. « Au-dessus de 45 L de lait par jour, les animaux n’ont plus d’aliment supplémentaire. C’est l’augmentation de l’ingestion à l’auge qui doit alors permettre de répondre aux besoins. Cela n’a pas dégradé le niveau d’étable pour autant, car si on a perdu au pic, on a gagné sur la production en fin de lactation. » Sébastien Texier a d’abord craint la difficulté de tarir des vaches produisant encore beaucoup de lait. « Heureusement, le robot est un outil efficace. 2,5 mois avant le tarissement, nous baissons l’aliment plus rapidement que le plan de rationnement ne le faisait. A 10 jours de la fin de la lactation, le système est programmé pour que l’animal ne passe plus qu’une fois par jour par la stalle. Cette monotraite passagère limite le risque de mammite par rapport à un arrêt brutal chez une vache produisant encore 30 à 35 kg de lait. Le robot facilite le tarissement des VHP. »

Dès 12 mois, les génisses se préparent à la traite robotisée

Au départ du suivi de troupeau en 2014, il y a un véritable problème d’adaptation « des primipares de la maison comme des animaux venant de l’extérieur » qui entrent dans le troupeau productif. « Dans un système en circulation guidé, nous nous sommes rendus compte que les jeunes passaient beaucoup de temps debout et ne se rendaient que deux fois par jour au robot et à l’auge contre 8 à 12 passages des barrières anti-retour pour le reste du troupeau. Regarder la fréquence de traite est intéressant, mais grâce à l’identification, l’observation des passages de barrières apportent aussi des informations », rapporte Jean-Marc Héliez. La fertilité des primipares étaient même inférieures à celle des vieilles vaches. « ça devrait être l’inverse ! »

Dès 2015, à partir de l’âge de 12 mois, les génisses changent d’environnement pour mieux préparer leur intégration. Pour faire leur apprentissage tranquillement, elles sont maintenant conduites en logettes dans un espace où deux barrières anti-retour séparent la zone de couchage de la table d’alimentation. « Finies également les babouches sur la litière paillée, elles construisent tôt leurs sabots sur un sol dur en faveur de la résistance et de la santé des pieds plus tard. »


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