- Illustration Viande bovine : Les morceaux arrière moins prisés

Viande bovine : Les morceaux arrière moins prisés

Toujours plus de haché et une consommation qui se renforce hors du domicile. L’équilibre se complique sur les carcasses des bovins. La segmentation du haché, le bio, le local sont des pistes creusées pour l’avenir.

« Nos concitoyens consomment désormais le bœuf en majorité sous forme de haché et délaissent steaks, filets, entrecôtes, côtes de bœuf et autres morceaux nobles. L’équilibre carcasse est mis à mal par cette tendance de fond », a constaté Louis-François Leconte, président de la section bovine Triskalia, lors de l’assemblée générale le 14 mars à Ploufragan (22). « La tendance s’est inversée. Aujourd’hui, les morceaux arrière sont plus difficiles à vendre que l’avant », ajoute Stéphane Levionnois, directeur de l’abattoir Socopa de Guingamp.

Le marché de la cheville pour l’élite

« Nous commercialisons 90 % des vaches et génisses de races à viande de moins de 8 ans en bêtes entières sur le marché de la cheville, auprès des artisans bouchers ou des rayons traditionnels de la grande distribution qui vont les valoriser au mieux. Les vaches plus âgées sont plus difficiles à commercialiser : 50 % de la viande va en haché. Pour les vaches laitières, le marché se fait en catégoriel : les avants passent en haché, les arrières du haut de l’animal vont vers des morceaux à rôtir et les arrières bas sont vendus en restauration hors foyer. Pour les jeunes bovins, les arrières vont sur l’Italie en majorité et les avants en haché. »

Alors que des prix plus élevés sont difficiles à faire passer sur le marché du haché, les opérateurs ont dans un premier temps eu recours à une hausse des prix des parties nobles. Mais cette piste trouve ses limites dans le pouvoir d’achat des consommateurs et face aux importations polonaises à bas coûts. En 2018, les volumes venus de Pologne ont représenté 10 % des importations françaises, en hausse de 12 % sur un an.

Ne pas décevoir le consommateur

Selon Stéphane Levionnois, « il faudra passer par une hausse de valorisation du haché. Et commercialiser de la viande de première qualité en piécé, de la viande avec zéro défaut pour que le consommateur se fasse vraiment plaisir, qu’il ne soit pas déçu. Dans le rumsteack par exemple, on ne proposera que le cœur, le reste ira en haché. Même en promotion, des morceaux qui ne seraient pas tendres ou de qualité ne devraient pas être vendus… »

La segmentation des produits est une voie déjà engagée par les acteurs de la filière. Sur le marché du haché, des différences de teneur en matière grasse ou sur le type de hachage sont proposées… Elles pourraient être développées en mettant en avant les races, des AOP, une alimentation spécifique par exemple. « Pour le consommateur, le facteur prix est plus important sur le produit brut par rapport à un produit “marketé” où il regarde moins », note Emmanuelle Dupont, directrice d’Interbev Bretagne.

« En restauration hors domicile, le “né, élevé, abattu en Bretagne” est porteur. Peut-être que des cahiers des charges spécifiques, sans OGM par exemple, pourront aussi y être valorisés. Avec les collectivités, nous organisons actuellement des rencontres pour leur proposer des produits en tenant compte de leurs contraintes de coûts des repas », ajoute Stéphane Levionnois. Pour mieux valoriser les arrières, Socopa réalise aussi des plats cuisinés ou des produits s’inscrivant dans la cuisine d’assemblage qui se développe aujourd’hui (voir ci-contre).

Le bio en plein boom

Autre piste, « le bio est un créneau que nous devons développer. En 2018, ce marché est en hausse de 12,8 % en viande bovine représentant 28 000 t équivalent carcasse et 317 millions de chiffre d’affaires. Nous avons mis en place une équipe technique dédiée sur le bio », précise Olivier Frayer, responsable du groupement bovin Triskalia.

Dans ce contexte de valorisation plus difficile de la viande bovine, un éleveur se demande s’il est encore intéressant d’engraisser les réformes laitières. « Oui ! », répond Stéphane Levionnois. « Les vaches finies seront toujours demandées demain. La plupart des steaks hachés contiennent 15 à 20 % de matière grasse. » Un gras qui sert à la cuisson et qui donne du goût. 

Plus de consommation à l’extérieur

De 2008 à 2018, le haché frais et surgelé a progressé de 24 % et représente aujourd’hui 52 % de la viande bovine consommée en France. Dans le même temps, les ventes aux ménages ont baissé de 8 % et la part de la viande piécée perd 25 %. « Sur 2018, les ménages ont baissé leurs achats de 3,2 %, avec une stabilité sur le haché. Pourtant, la consommation totale de viande bovine augmente de près de 2 %. Les consommateurs en mangent davantage hors domicile. Ce n’est pas forcément une bonne nouvelle sachant que ce secteur importe 2/3 de ses achats de viande », a souligné Olivier Frayer.

10 centimes par steak haché

De bonnes idées sont sorties des Etats généraux de l’alimentation et quelques vérités comme le simple fait que les prix doivent prendre en compte les coûts de production et être répercutés jusqu’au consommateur. Mais il faudra encore se battre pour que cela soit mis en application. Comme l’ont montré les indicateurs de coûts de production validés par l’interprofession, il manque 50 ct/kg de carcasse pour les producteurs. C’est moins de 10 centimes pour un steak de 100 g pour le consommateur, mais pour nous, éleveurs, c’est tout simplement notre revenu.

Louis-François Leconte, Président de la section bovine Triskalia


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