60 hectares, 50 laitières, 1 UTH, un modèle dépassé ? - Illustration Trop petites pour être reprises ?
60 hectares, 50 laitières, 1 UTH, un modèle dépassé ?

Trop petites pour être reprises ?

Les fermes laitières de moins de 60 hectares affichent souvent de bons résultats économiques. Beaucoup de cédants les considèrent pourtant non transmissibles. Les repreneurs ne se bousculent pas pour les reprendre. Explications.

« Une partie des futurs retraités pensent que leur ferme n’est pas transmissible et n’effectuent aucune démarche pour les céder à un jeune ». Juliette Blanchot, du Civam 35, s’appuie sur une récente étude réalisée dans son département, présentée à des adhérents. « Nous avons tenté, au cours d’entretiens individuels avec des cédants de fermes laitières de moins de 60 hectares, de connaître leur perception de la transmissibilité ». Nombre d’entre eux sont résignés ; ils estiment leur ferme trop petite pour installer un jeune. Ils se sentent responsables de la réussite d’un éventuel repreneur. « Je ne veux pas lui mettre la corde au cou », dit l’un d’eux.

L’entourage et l’environnement sont souvent responsables de leur résignation. Beaucoup de futurs retraités subissent le phénomène de mimétisme : « Toutes les petites et moyennes exploitations dans le secteur partent à l’agrandissement, alors…. ». L’avis des professionnels du monde para-agricole ne favorise pas la transmission de ces fermes. « Les laiteries ne collecteront que les grosses fermes dans quelques années  ». Les responsables agricoles eux-mêmes tiennent souvent ce discours. Quant aux partenaires financiers, ils sont souvent pour le moins frileux…

Statut du fermage

Ces éleveurs, proches de la retraite prennent en compte – peut être trop – les images véhiculées par les médias : l’avenir est aux laits végétaux… D’autres explications sont avancées : « Les propriétaires se méfient. Beaucoup de paysans veulent vendre et ne cherchent pas à transmettre à un jeune via la location des terres. Le statut du fermage n’aide pas à la transmission et favorise les agrandissements », estime un agriculteur. « Les élus locaux et les politiques ne se mobilisent jamais pour conserver les fermes », déplore un collègue. Les cédants rechignent aussi parfois à transmettre à des jeunes qui ne sont pas issus du milieu agricole qui sont de plus en plus nombreux chez les porteurs de projets. Alors…, impossible de les vendre à des jeunes ces fermes qui pourtant tournent bien ? « Certains cédants considèrent, au contraire, que la taille limitée de leurs structures est une opportunité pour des jeunes repreneurs. Pour créer de la valeur ajoutée en transformant une partie du lait, pour produire du bio, vendre en circuit court. Mais ils ne sont pas nombreux », relate Juliette Blanchot.
De l’autre côté de la transaction, les jeunes sont-ils intéressés par la production laitière ? Notamment les nombreux « non issus du milieu agricole » ? Des entretiens ont été réalisés, dans une seconde enquête, avec nombre d’entre eux.

Repreneurs frileux

Leur représentation de la production laitière n’est pas très positive. « Ils sont guidés par des considérations éthiques et politiques. L’éleveur conventionnel a une image de pollueur. Ils veulent s’installer, bien souvent, pour proposer une alternative au modèle dominant », reprend la technicienne du Civam. Or, en Bretagne, la production laitière prime… « Ils veulent être indépendants des circuits industriels et incarner l’agriculture de demain ». Là encore, le lait en brique de grande consommation, ou la poudre exportée, ne les fait pas rêver. Certains ont un passé de salarié – vrai aussi pour les fils et filles d’agriculteurs – et veulent maîtriser la charge de travail. Ou l’organiser pour avoir une vie sociale. « Les astreintes en lait et la régularité du travail sur l’année rebutent plus d’un jeune ».

La perspective de travailler seul démotive, surtout dans des zones en déprise laitière ou à faible densité de population (Centre Bretagne) . Le niveau d’investissement, surtout pour ces « non issus du milieu », n’encourage pas la reprise individuelle d’une exploitation. « Ils s’orientent de préférence vers le maraîchage, plus accessible, mais à la rentabilité pas forcément plus élevée ». La pression de leur entourage citadin achève l’envie de reprendre un élevage : « Produire des légumes, c’est bien ; élever des vaches ou des cochons… ». L’enjeu est important ; le renouvellement des générations d’éleveurs ne peut plus s’imaginer dans le seul cadre familial…

Communiquer sur les avantages du système herbager

Les adhérents et sympathisants du Civam proposent quelques pistes pour encourager la reprise des fermes laitières de taille modeste, viables économiquement. Ils veulent promouvoir la qualité de vie des éleveurs dans ces systèmes autonomes, majoritairement herbagers, en communiquant, non pas au niveau technique, mais sur le métier. Ils envisagent de réaliser des vidéos pour montrer que leur choix, plus que d’autres, permet de concilier vie personnelle et vie professionnelle. Ils projettent d’intervenir dans les lycées généraux (dans les modules développement durable) pour viser un public plus large. Les éleveurs qui acceptent d’être tuteurs pour recevoir des stagiaires vont être recensés. L’objectif est de sensibiliser les jeunes à l’élevage laitier, de leur faire découvrir la noblesse du métier d’éleveur.


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