Des cerfs dans la brume de Noël

Tous les cerfs vivent ensemble dans un seul et même groupe de 170 individus, sur une trentaine d'hectares. - Illustration Des cerfs dans la brume de Noël
Tous les cerfs vivent ensemble dans un seul et même groupe de 170 individus, sur une trentaine d'hectares.
Christine et Hervé Allain ont créé l’auberge de Kerfulus à Cléguérec (56). Leur cuisine fait la part belle à la viande de cerf, produite sur la ferme.

« Je vous assure, Monsieur, que vos cerfs ne sont pas des cerfs. Ce sont des chevreuils ! ». À chaque fois qu’Hervé Allain prononce le mot « cerfs » devant son auditoire d’une vingtaine de visiteurs, le spécialiste animalier autoproclamé, sûr de lui et fier de son savoir, le reprend… « Il m’a pourri la visite », en rigole encore l’éleveur, pourtant solide gaillard, pas du genre à s’en laisser conter… « En rentrant dans le bus, au moment du départ, il se retourne et me lance : ce sont des chevreuils ! Mais…. de beaux chevreuils ! ». L’honneur est sauf, mais, ce jour-là, il n’y aura pas de « à la prochaine »… Les 170 cervidés qui s’ébattent sur la trentaine d’hectares de prairies vallonnées de Kerfulus sont bien des cerfs. Le visiteur peut découvrir, tout au long d’un parcours aménagé, des petits troupeaux de daims, de sangliers, de poneys, de chèvres et de lamas. Mais, pas l’ombre d’un chevreuil !

Pas touche aux petits

Dans la brume matinale de la fin novembre, le troupeau est relativement calme. La présence des vieilles biches, moins farouches, rassure les daguets intrigués et les faons de l’année apeurés. « La période du brame est plus délicate », explique l’éleveur. « Les mâles en rut me voient comme un rival ». Pas question de flâner dans le parc au début de l’automne. Les naissances ont lieu l’été suivant. « Les biches s’isolent un peu pour mettre bas dans des endroits aux herbes hautes. Elles abandonnent leur petit après la toilette, rejoignent le troupeau, puis reviennent allaiter ». La prédation est faible ; les mères défendent les faons en groupe et repoussent les renards alléchés sans difficulté. Elles savent y faire, les plus âgées ont une douzaine de gestations au compteur.

[caption id=”attachment_38237″ align=”aligncenter” width=”720″]Christine et Hervé Allain, dans leur auberge, ouverte en 1990 Christine et Hervé Allain, dans leur auberge, ouverte en 1990.[/caption]

Craintifs

Les mâles (trois dans le troupeau) sont achetés (ou échangés) chez des éleveurs de l’Ouest. « La consanguinité commence à être un problème. Nous ne sommes pas nombreux », déplore-t-il. L’importation d’individus est interdite, sécurité sanitaire oblige. De temps à autre, un mâle adulte sauvage s’agite à proximité des clôtures. Las, ces rustres campagnards dédaignent les demoiselles embourgeoisées de Kerfulus. Pas de nouveaux gènes dans la génération future… « Le bruit et l’animation autour de la ferme et de l’auberge les éloignent rapidement. Et, nous ne sommes pas à proximité immédiate de la forêt ». C’est peu dire que les cervidés sont craintifs. Le troupeau ose à peine consommer le foin mis à sa disposition dans le hangar, en hiver. « Les gouttes de pluie sur le toit suffisent à les effrayer ». Le suivi de l’élevage n’est pas vraiment compliqué. La totalité du cheptel reste toujours en groupe et consomme l’herbe des prairies, mélange de trèfles et de graminées. Des déchets de pomme de terre ou de légumes produits dans le voisinage varient leur menu, à l’occasion. Le travail quotidien consiste essentiellement à observer les animaux et à vérifier l’état des clôtures.

Marchés de Noël

Vers 15-16 mois, bichettes et daguets sont abattus. Les carcasses sont découpées au laboratoire de la ferme. À l’auberge Christine cuisine et Hervé assure le service. Après le repas, une visite gratuite de l’élevage est proposée à la clientèle. La majorité de la viande est écoulée dans le restaurant ou en vente directe à la ferme. Rôtis, cuissots, filets, terrines et saucissons sont également vendus sur les marchés locaux et de fin d’année. « Les marchés de Noël nous permettent de vendre mais surtout de promouvoir l’auberge. Nous distribuons des recettes. Un cuissot de cerf, c’est comme un rosbeef, pas trop cuit ! ». Quelques grossistes achètent des carcasses entières et permettent d’élargir la clientèle. Une clientèle suffisamment nombreuse pour imaginer une suite heureuse à l’entreprise. L’une des filles du couple pourrait reprendre le flambeau au départ en retraite des parents, dans trois ou quatre ans.

Le cerf sauvage dans les massifs forestiers bretons

Introduit en Bretagne dans les années 1950, le cerf a connu une forte augmentation de ses effectifs depuis le milieu des années 1980 ; la surface occupée par l’espèce est passée de 594 ha en 1985 à 2 161 ha en 2005. Actuellement, 850 à 1 050 cerfs sont présents en Bretagne, soit à peine 1 % des effectifs français. Le cerf occupe les grands massifs des Côtes d’Armor, où il est le plus présent (forêts de la Hardouinais, de Loudéac, de la Hunaudaye, etc.), du Morbihan (forêt de Lanouée, massif de Quénécan, etc.) et d’Ille-et-Vilaine (forêt de Paimpont). Parmi les grands animaux sauvages, l’espèce la plus présente est le chevreuil. Depuis le milieu des années 1980, le contrôle des prélèvements de cette espèce par la chasse a entraîné une augmentation continuelle de ses effectifs. Longtemps peu abondant, cet animal est maintenant bien présent dans l’ensemble de la région.

Contact : 02 97 39 68 99. Auberge ouverte toute l’année, notamment au moment des fêtes de fin d’année,
sur réservation (individuels, repas de famille, d’entreprise…)


Tags :
Fermer l'écran superposé de recherche

Rechercher un article