L’Armor a la cote

Longtemps, les pêcheurs ont été uniquement des « chasseurs-cueilleurs ». Avec l’arrivée de nouvelles techniques, les voici aussi désormais « cultivateurs ». Gros plan sur Symbiomer, société costarmoricaine qui marie pêche et aquaculture.

Quel est le point commun entre l’agriculture, la cosmétique et l’alimentation humaine ? Allez, un indice : c’est une matière première que l’on trouve en abondance sur le littoral breton où près de 800 espèces sont répertoriées. Vous avez deviné, il s’agit des algues. Capables de photosynthèse et dotés de propriétés multiples – fertilisant, gélifiant, valeur nutritionnelle… -, ces végétaux aquatiques ont aujourd’hui le vent en poupe. Et la demande va croissante. La France produit actuellement quelque 70 000 tonnes de macro-algues par an. Mais elle en importe aussi l’équivalent de 140 000 tonnes, les besoins des industriels n’étant pas satisfaits. C’est dire si le secteur est porteur.

Créée récemment, Symbiomer entend apporter une nouvelle forme de réponse à ce marché dynamique. La jeune société est, en effet, la première entreprise française à pratiquer les trois principaux modes de production des macro-algues, à savoir la cueillette d’algues de rive, la récolte d’algues de fond et l’algoculture via un procédé innovant.

Un équipage qui tient la marée

À l’origine de ce projet : Alexis Bouvet, un Costamoricain de 29 ans, passionné par les algues depuis toujours. À sa sortie du collège, le garçon s’oriente « logiquement » vers un BEP Cultures marines puis enchaîne par un bac professionnel et un BTS Productions aquacoles. Convaincu que « le côté technique ne suffit pas et qu’il est indispensable de s’intéresser parallèlement au territoire et à ses acteurs », Alexis complète son cursus par une licence et un master Aménagement et développement des territoires maritimes et littoraux.

Une solide formation qui le conduit à effectuer plusieurs stages dont l’un au Comité local des pêches de Paimpol, alors présidé par Yannick Hémeury. Patron-pêcheur, figure du milieu maritime – vice-président du Comité régional des pêches et des élevages marins depuis 1992, président de la coopérative maritime de Paimpol… -, ce quinquagénaire est aussi un féru d’innovations. Sa société, Breizh Marine Consult, a notamment planché sur un bateau de pêche du futur à motorisation hybride. Séduit par le projet d’Alexis autour de la production de macro-algues, Yannick embarque à ses côtés courant 2016. Entre les deux hommes, la complémentarité est évidente. À l’un les études de marché, la recherche et le développement, à l’autre l’intense travail de lobbying et d’acceptation sociétale d’une activité littorale.

[caption id=”attachment_31025″ align=”aligncenter” width=”720″]Symbiomer Les deux porteurs du projet Symbiomer, Yannick Hémeury et Alexis Bouvet, aux côtés de leurs salariés, Rémi Poizat et Raphaël Sohier, et de leurs partenaires bancaires, David Guélou et Olivier Monnier, du pôle d’expertise CMB de Paimpol.[/caption]

Ni pomme, ni poire mais un scoubidou

Dans son activité, Symbiomer joue la carte de la polyvalence. La cueillette des algues de rive, pratiquée directement à pied, à marée basse sur l’estran, permet de générer rapidement du chiffre d’affaires, le paiement intervenant dans les 15 jours suivant la livraison.

Soucieuse de préserver la ressource, la société se conforme à son propre cahier des charges qui prévoit une hauteur minimum de coupe et un arrêt volontaire de l’exploitation durant l’été pour certaines espèces particulièrement sensibles à cette période. Pour la récolte des algues de fond, réalisée à partir d’un bateau équipé d’un « scoubidou » (longue tige terminée par un crochet qui en tournant sur elle-même enroule et décroche les algues), l’entreprise costarmoricaine a eu l’opportunité d’acquérir L’Aube.

Âgé de près de 20 ans, ce robuste bateau en bois était, il y a quelques années encore, le meilleur goémonier du quartier maritime de Paimpol. Le rachat du navire, dernièrement armé pour la coquille Saint-Jacques, s’est accompagné de la reprise de sa licence pour cette pêche emblématique du département. « Pour nous, c’est une source de revenus appréciable, souligne Alexis Bouvet. Et c’est compatible avec nos autres métiers puisque la saison de coquille représente deux jours par semaine, d’octobre à avril ».

« L’exception culturelle »

Le volet algoculture est assurément le versant le plus innovant de Symbiomer. Si cette technique est aujourd’hui marginale dans l’Hexagone avec l’équivalent de 1 % de la production nationale, à l’échelle mondiale, elle s’est très largement imposée et représente 96 % des algues commercialisées. Une « exception culturelle » française qui s’explique à la fois « par des coûts de production trop élevés et la difficulté d’accès des espaces en mer, tant du point de vue administratif que des conflits d’usage ».

Une problématique que la jeune entreprise a parfaitement cernée. Et, avec le concours du Centre d’étude et de valorisation des algues de Pleubian, c’est un procédé novateur qu’elle propose, à base de petites unités de culture, minimisant l’impact environnemental. Un dispositif qui intègre, parallèlement, une production aquacole (truites de mer).

Au final : un cercle vertueux où la nourriture non consommée par les poissons ainsi que leurs rejets sont en grande partie assimilés par les algues. Une forme de symbiose avec la mer qui devrait intéresser d’autres professionnels du secteur.

[caption id=”attachment_31027″ align=”alignright” width=”165″]David-Guelou David Guelou, responsable de clientèle agricole, Paimpol[/caption]

Complémentarité et rigueur

Symbiomer propose une approche particulièrement innovante avec son système breveté pour la production d’algues dans le respect de l’écosystème marin. En tant que partenaire bancaire, nous avons été sensibles à la complémentarité existant entre les deux associés et à la diversité des activités de la société et à sa gestion rigoureuse de la ressource qui lui permet d’avoir un flux de trésorerie régulier tout au long de l’année.David Guelou, responsable de clientèle agricole, Paimpol


De l’Armor à l’Argoat

Parmi les entreprises ayant d’ores et déjà fait connaître leur intérêt pour la production de Symbiomer, Goëmar figure en bonne place. La société malouine est spécialisée dans les produits naturels, non toxiques, au service de la protection des plantes. Dans sa gamme à base d’algues, on trouve ainsi des biostimulants qui permettent à un plant de puiser plus de nutriments dans le sol et donc de produire davantage, ainsi que des « vaccins » qui stimulent les défenses des végétaux afin de les aider à résister aux maladies. Les bienfaits de la mer au profit de la terre, voilà qui résonne comme un condensé de Bretagne où l’Armor et l’Argoat s’entremêlent.

[caption id=”attachment_31026″ align=”aligncenter” width=”720″]Arkensol Ark’ensol, l’association des solidarités du Crédit Mutuel Arkéa, a octroyé un coup de pouce de 3 000 euros à Symbiomer pour l’aider dans sa phase de démarrage.[/caption]

 


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