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L’agriculture crée de l’emploi en zone rurale

Les JA du canton de Saint-Méen-le-Grand lancent un cri de désespoir aux élus locaux en leur expliquant la situation économique de leurs exploitations et leurs attentes.

Salle comble jeudi 19 février à Saint-Meen-le-Grand : les Jeunes Agriculteurs du canton, soutenus par les agriculteurs du secteur et les partenaires des exploitations agricoles, avaient invité les élus locaux pour leur exposer la réalité de la crise agricole sur leurs outils de production. « Nous sommes les premiers à subir cette crise, car nous venons d’investir, mais c’est toute l’économie du territoire qui peut tomber si rien ne bouge », explique Jérôme Guiblin, éleveur laitier à Gaël. Sur la communauté de Montauban- Saint-Meen, 425 sièges d’exploitation et 750 exploitants génèrent 3 100 emplois directs et indirects, rappelle Jérémy Lemaître, président des JA du canton de Saint-Méen-le-Grand.

Les politiques ne nous entendent pas

« Nous souhaitons être nombreux à travailler sur le territoire demain. Pourtant, avec des prix d’achat trop bas, les dettes fournisseurs augmentent, et nous ne pouvons plus payer nos partenaires », relèvent les jeunes agriculteurs. De plus, nos pertes de trésorerie vont freiner l’activité économique sur le secteur : ils ont chiffré à 380 000 € de perte de trésorerie chaque semaine, c’est autant d’investissement qui ne sera pas réalisé. Données économiques, démonstration de manque de traçabilité d’origine des produits transformés, de surcharge administrative… Les classeurs sont exposés sur la tribune et les chiffres s’amoncellent, renforcés par un état des lieux présenté par le Cerfrance. Une explication qui se veut concrète et pédagogique pour informer, sensibiliser les élus locaux aux actions de ces dernières semaines et les interpeller, en tant que premier échelon politique. « Aidez-nous à trouver des pistes ensemble et à faire remonter nos doléances et nos solutions auprès du président du Conseil régional, des députés et du Gouvernement… qui ne nous entendent pas. »

Des prix de vente déconnectés des coûts de production

« Le prix d’équilibre en 2015 en atelier laitier s’élève à 367 €/1 000 L. Dans ce contexte de manque de repère face aux aléas du marché, la trésorerie des exploitations laitières risque de se dégrader de 45 à 50 €/1000 L en lait en un an, soit une baisse moyenne de 22 500 € », prévoit le Cerfrance Ille-et-Vilaine. Ce constat entraîne dès à présent des difficultés face à l’avance des frais de mise en culture pour ce printemps. En porc, si la notion de compétitivité est souvent mentionnée liée à l’état du parc bâtiment, le centre de gestion souligne tous les ans des améliorations techniques. La rénovation des outils reste néanmoins à prévoir, « mais impossible actuellement avec un prix d’équilibre à 1,484 €/ kg net en 2015. » Carole David

L’avis de :

Damien Bizette, éleveur laitier à Saint-Onen-la-Chapelle

Associé avec mes parents depuis deux mois, je ne pouvais pas rêver pire comme période d’installation. Nous ne prélevons que 1 500 €/mois et par associé, une somme raisonnable pour des journées de 10 heures… Les premières livraisons de lait à 275 €/1 000 L – pour un chiffrage du projet d’installation à 307 €/1000 L, prix figé – me font craindre les mois à venir. Si rien ne change, ce sera 21 600 € de perdu rien que sur l’atelier laitier en 2016. Et avec la chute des cours du blé qui est en cours, j’estime à 10 000 €/UTH l’impact de la crise cette année, soit près de 45 % de nos revenus.

Gaylord Payou, éleveur de porc à Gaël

Installé depuis 2004, avec 185 truies sur 117 ha, je travaille avec un salarié. J’ai vendu mes 5 200 porcs en 2015 à 1,38 €/kg, pour un prix d’équilibre à 1,50 €, soit une perte nette de 57 000 €. Depuis le début de l’année 2016, avec un cours à 1,10 €/kg, je perds 23 €/porc, soit 10 000 €/mois… Pour combien de temps ? D’autre part, si le savoir-faire francais et breton et la sécurité alimentaire sont souvent mis en exergue, nous éleveurs, nous jouons le jeu de la traçabilité. Mais dès que les animaux quittent nos exploitations, tout disparaît. Pourquoi le consommateur ne sait-il pas où est produit la viande qu’il achète ?

Mickaël Delaroche, éleveur de vaches allaitantes à Muel

Pour 870 € de produits/UGB en 2006, le montant a baissé à 820 € en 2015. Par contre, le montant des charges est passé de 155 € à 424 €… Le prix des aliments a doublé et les charges ont monté en flèche. Mais on se bat. Par contre, je m’interroge sur la répartition des marges entre tous les acteurs de la filière, jusqu’au consommateur : il n’y a aucune transparence. Pour une génisse charolaise de 450 kg que je vends à 1 700 €, la viande de mon animal, vendue en GMS à 15,8 €/kg rapporte plus de 7 000 €. Nos produits de base qui ne sont pas valorisés à la sortie de l’exploitation deviennent un minerai dans les rayons de la GMS…


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