Une exploitation comme support pédagogique

Les exploitations des centres de formation poursuivent plusieurs objectifs. Celui de production, en premier lieu, pour assurer leur propre existence financière. Elles constituent aussi et surtout un support pédagogique de choix pour les formations, que ce soit en filière scolaire, en apprentissage ou en formation continue. De nombreuses séquences y sont réalisées (observations, démonstrations, travaux pratiques…), séquences complétées par des mini-stages. À cela s’ajoute une ambition d’innovation et d’expérimentation, pour adapter les techniques de production aux demandes sociales et environnementales de demain. Et elles ont toutes aussi un rôle d’acteur de développement et de vulgarisation, auprès des élèves et agriculteurs locaux, ainsi qu’une vocation d’animation du territoire, en s’impliquant dans les manifestations agricoles diverses avec leurs partenaires… À travers ce dossier, nous vous proposons de poursuivre le tour d’horizon commencé l’année dernière de ces écoles bretonnes où la ferme est au centre du projet d’établissement, un véritable outil pour assurer la réussite des élèves et former les producteurs et/ou techniciens de demain avec un savoir-faire pratique et des capacités d’analyse et d’adaptation. Carole David Outre l'outil pédagogique, l'exploitation est un lieu d'échange entre les jeunes, les salariés et les enseignants et où le lycéen peut se dévoiler différemment qu'en salle de classe. La formation est une période où le jeune se construit. Lors de leur cursus de formation, les élèves ont besoin de s'exprimer. En salle de classe mais aussi sur l'exploitation adjacente au lycée. « C'est un véritable outil pour les jeunes, un autre lieu pour acquérir confiance en eux et pour prendre des responsabilités », évoque Frédéric Morcet, directeur de l'exploitation du lycée de Caulnes. Et tout particulièrement à l'occasion de pratiques professionnelles permises par les référentiels de formation. Des jeunes mis en valeur Pour la troisième année consécutive, le lycée propose une option – au même titre qu'une option culturelle ou sportive – aux élèves de 1res et terminales de Bac pro CGEA et Bac STAV. Une douzaine de jeunes se retrouvent ainsi tous les mardis sur l'exploitation, à raison de 2 h/ semaine, pour monter des projets qu'ils ont eux-mêmes réfléchis. Finie l'exécution d'une tâche pratique définie et encadrée par un enseignant. Ici, ils deviennent acteurs. Depuis deux mois, ils travaillent par exemple sur l'aménagement d'un couloir de raclage dans la stabulation vaches laitières. Ils avaient remarqué son manque de fonctionnalité lors de leurs mini-stages sur l'exploitation. Réflexion, plans, étude de faisabilité et chiffrage financier, maçonnerie et bardage, ils ont élaboré eux-mêmes la mise en œuvre de ce projet en deux mois. 5 à 6 projets voient ainsi le jour chaque année. « Les jeunes sont fiers des réalisations diverses et ils sont mis en valeur par ce travail d'équipe, basé sur du concret, utile au quotidien ». Immersion dans l'atelier de production Les travaux pratiques renforcés, modules construits cette fois-ci par les enseignants, proposés aux secondes et 1res du Bac pro CGEA, incluent aussi des séquences pratiques. Les élèves participent par petits groupes aux travaux quotidiens des salariés de l'exploitation et apprennent les gestes et les pratiques d'élevage. Sur 3 semaines, ils y découvrent par exemple la production porcine : suivi de pesées, vaccinations, mesure de lard sur les truies, analyse des croissances… Et quand la production n'est pas présente sur l'exploitation, les exploitations locales servent de support, comme pour la production ovine cette année. « Notre objectif est de susciter l'intérêt des élèves, leur apprendre à être réactifs en travaillant avec du vivant et de leur apporter une ouverture d'esprit et un regard critique sur les résultats techniques et économiques de l'exploitation », insiste Frédéric Morcet. Carole David L'avis de Béranger Bedhomme, enseignant de zootechnie Régulièrement, on est jugé en tant que professeur car on n'est pas agriculteur. Si j'assure des permanences certains week-ends et jours fériés (25 jours en moyenne par an), c'est avant tout par goût car je suis intéressé par le milieu agricole. Mais cela m'apporte aussi au quotidien une plus grande autonomie dans ma pédagogie. Cette expérience assoit ma crédibité technique : j'ai toujours des exemples concrets pour illustrer les parties théoriques en lait et en porc. Elle permet aussi plus d'échange avec les jeunes, suite à leur passage sur la ferme, car je sais en temps réel ce qui s'y passe. Je suis ainsi plus à l'aise, je connais bien l'exploitation et cela me permet d'être plus réactif pour anticiper les travaux pratiques sur l'exploitation. Cet atout me permet d'être en phase entre les besoins des élèves et les contraintes de l'exploitation et de l'organisation du travail. Tout cela me permet d'optimiser l'utilisation pratique de l'exploitation du lycée. Lait conventionnel, porc bio, nombreuses cultures, labour, semis direct… Grâce à sa diversité technique, l’exploitation du lycée Les Vergers répond aux attentes variées des élèves. Dans la stabulation en logettes paillées, la soixantaine de vaches laitières Prim’Holstein mangent du maïs, de l’ensilage d’herbe et sont complémentées au Dac. Matin et soir, elles passent dans la salle de traite 2 X 5. Deux racleurs entraînent les déjections vers la fumière. Classique. Certes, la salle de traite est plus large pour accueillir 2 à 3 élèves à chaque traite. Les aménagements des abords sont plus vastes. Mais l’atelier laitier du Lycée Les Vergers à Dol-de-Bretagne (35) se fond dans le paysage agricole local. « Donner plusieurs recettes » À deux pas, dans leur bâtiment, les porcs mangent de l’aliment bio et gambadent sur la paille. Moins classique. Créé en 2001, l’atelier porc compte 80 places de post-sevrage et 240 places d’engraissement, et accueille des panneaux photovoltaïques depuis juin 2010. « Nous souhaitons proposer aux élèves une multitude d’apprentissages, leur donner plusieurs recettes… », explique Roger Robinault, le président du lycée. Quatre personnes (3 UTH) travaillent sur la Ferme du Petit Gué. Sur les 138 ha de SAU aussi, la diversité est de mise. « 30 ha sont conduits en bio avec des céréales (triticale, orge de printemps), de la féverole et de l’herbe pour les rotations », précise Jean-Paul Lecoulan, responsable porc et machinisme du site. Sur les 108 ha en conventionnel, poussent 30 ha de maïs (dont 5 ha en grain cette année), 9 ha d’orge d’hiver, 22 ha de blé, 5 ha de colza et 42 ha d’herbe. « Avant maïs, nous labourons. Sur céréales, la moitié des parcelles sont en semis direct. Pour valoriser l’herbe, un atelier d’élevage de génisses a été mis en place en partenariat avec Eilyps. Elles arrivent à 10 jours et repartent à 23 – 24 mois », ajoute Pascal Leconte, responsable de l’exploitation. Ceta, Cuma, ETA, partenaires… Les partenariats avec les acteurs locaux sont nombreux. Participant à un groupe Ceta lait, l’exploitation fait aussi partie d’une Cuma d’une quarantaine d’adhérents, pour des équipements tels que la tonne à lisier, la faucheuse, le broyeur d’accotement, le round baller… Les moissons, ensilages, enrubannages et épandages de fumier sont faits par ETA. Les deux tracteurs de l’exploitation servent de support aux travaux pratiques (conduite, entretien, réglages…). Les élèves ont aussi du matériel qui leur est spécifiquement dédié, stocké dans un hangar : deux tracteurs, charrue, semoir, herse… « Sur trois parcelles pédagogiques de 1,5 ha au total, ils cultivent du maïs, du blé, du colza. » Audit lait, bilan de reproduction, documents comptables… Toutes les données de l’exploitation – qui est économiquement viable – sont à la disposition des enseignants et apprenants. La Ferme du Petit Gué est un bel outil pédagogique, capable de transmettre aux élèves un large panel de techniques, qui les aidera à trouver leur voie dans l’agriculture de demain. Agnès Cussonneau L'atelier porc de 170 truies du lycée La Touche, à Ploërmel (56), se veut représentatif des élevages de la région. 80 élèves y défilent chaque semaine… en bon ordre. Si les bâtiments de l'élevage sont conformes à ceux que l'on trouve dans la campagne bretonne avec des salles rénovées jouxtant des parties plus anciennes, le tout sur caillebotis, l'affluence de visiteurs dénote et interroge. L'élevage sert de support pédagogique aux élèves du lycée mais aussi aux stagiaires du centre de formation de Kérel à Crédin (56). 80 personnes y entrent chaque semaine et les weekends sont assurés par des élèves triés sur le volet. On tremble pour le statut sanitaire du cheptel. « Nous n'avons pas de problèmes particuliers », rassure Éric Chapel, responsable de l'atelier. Le troupeau, indemne de SDRP, a un protocole vaccinal minimal et l'aliment 1er âge n'est pas supplémenté en antibiotiques. Les frais vétérinaires sont en dessous des moyennes. « Attention, nous ne faisons pas n'importe quoi. Les règles de biosécurité sont bien définies et nous veillons à ce qu'elles soient respectées ». La douche est obligatoire. À l'entrée, mais aussi à la sortie pour le respect des autres élèves. Pédiluves, tenues dédiées à chaque partie de l'élevage, lavage des mains et des bottes, brassage des fosses pour faciliter les vidanges après les départs… Les visiteurs sont priés de mettre la main à la pâte. De nombreuses tâches leur sont confiées, des inséminations à la surveillance des mises bas. On s'inquiète alors des résultats techniques. Les chiffres de la GTTT nous rassurent : 12,29 sevrés par truie. « Nous sommes globalement dans les 10 % meilleurs de notre groupement (Prestor) et notre objectif est de nous y maintenir ». De la pratique dans l'élevage Élèves en BTS productions animales et en bac professionnel se relaient autour des truies et des porcelets. 2 heures de travaux pratiques par semaine pour chacun. Une semaine dans l'année (en matinée) et un travail pratique à restituer (inséminations, castrations, vaccinations...) avec analyse de l'atelier. Voilà pour les BTS. Un rythme qui convient parfaitement à Robin Montel qui souhaite, à terme, s'installer en production porcine. « Je trouve que la production porcine offre un bon rythme de vie - par rapport au lait et ses traites du dimanche - toujours à l'abri dans les bâtiments ». Lorsqu'il aura fait un petit tour du monde, après l'obtention de son diplôme en juin prochain. « Je souhaite partir et travailler comme porcher à l'étranger avant d'envisager une installation ». Sa camarade de classe, Marie Caillon, apprécie également les interventions pratiques et les stages en élevage mais n'envisage pas de faire sa vie professionnelle dans le monde du cochon. « Je n'aimerais pas travailler en bâtiment et je préfère le contact avec la vache laitière ». Support pédagogique de pointe Sylvain Pacheux et Maxime Lehé, élèves de seconde Bac pro n'ont pas ces états d'âme. Le premier se verrait bien, plus tard, salarié en élevage de porcs. Le second reprendrait volontiers l'élevage familial. « Mes parents adhèrent à une maternité collective. Il n'y a que les engraissements chez moi. Travailler dans l'élevage du lycée me permet d'apprendre la conduite des truies et les soins des porcelets ». Les deux heures hebdomadaires de pratique et la semaine annuelle en binôme ne lui suffisent pas. Il assure également les remplacements certains weekends, seul sur l'atelier porc, avec l'appui éventuel du salarié responsable de l'élevage laitier, présent sur l'exploitation. Les élèves bénéficient également des relations entre le lycée et les organisations partenaires. Bernard Laurent Actions de recherche, essais de nouvelles pratiques… Les exploitations définissent aujourd’hui leurs objectifs dans un Contrat d’autonomie et de progrès. Si les exploitations se doivent d’assurer leurs budgets et d’être viables avec la vente de leurs productions, depuis 2013, dans le cadre de sa Nouvelle alliance agricole, la Région soutient les établissements scolaires agricoles dans la mise en œuvre de Contrats d’autonomie et de progrès (CAP). Objectif : faire en sorte que les exploitations agricoles des lycées, véritables ateliers pratiques pour les agriculteurs de demain, soient exemplaires en termes d’agriculture durable et d’autonomie. Ces contrats s’articulent autour de 4 volets. Le premier con-cerne l’amélioration de la performance économique des exploitations. En second lieu, ils visent l’amélioration des pratiques agronomiques. La reconquête de l’autonomie énergétique, alimentaire et vis-à-vis des intrants est aussi ciblée, en recherchant la qualité des produits et en assurant une meilleure traçabilité des aliments. Et, enfin, le thème de la valorisation du métier d’agriculteur reprend le volet social du plan agro-écologie dont on parle peut-être le moins souvent. Il s’agit d’améliorer les conditions de travail, d’innover sur la gestion des ressources humaines et de renouveler l’image de l’agriculture dans le territoire, en montrant la complexité du métier, sa technicité et les capacités d’adaptation nécessaires pour l’utilisation des nouvelles technologies. 13 CAP validés Aujourd’hui, 13 établissements ont défini leur CAP et bénéficient d’un soutien régional de 3,32 M € (hors investissement immobilier), pour le déployer. Les réflexions se poursuivent pour les 6 autres exploitations des lycées bretons concernés. Le lycée Le Gros Chêne, à Pontivy (56), exploite un poulailler de poules pondeuses bio depuis 2005. Cette 3e production animale vient en complément du lait et du porc. L’objectif est de ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier, sur le plan économique et pédagogique. « En 2005, nous avons construit un poulailler de 560 m2 pour créer un atelier avicole de poules pondeuses bio sur le site d’exploitation de l’école », témoigne Daniel Le Couviour, responsable de l’exploitation du lycée Le Gros Chêne, à Pontivy (56). Les 3 000 poules pondeuses profitent d’un parcours de 1,2 ha soit 4 m2/poule. Environ 10 % des œufs sont vendus en direct au magasin de producteurs sur le site de l’école. Le reste de la production est repris par la société Lann Bodiguen. Au total, ce sont 850 000 à 900 000 œufs qui sont produits chaque année. 3 productions animales sur l’exploitation « L’arrivée d’une 3e production animale après le lait et le porc permet de sécuriser l’exploitation au point de vue économique. Il est important de ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier », ironise Daniel Le Couviour. C’est aussi une demande des équipes pédagogiques car il est enrichissant pour les élèves de pouvoir découvrir plusieurs productions animales ainsi que l’agriculture biologique. « Des élèves s’inscrivent spécialement chez nous car nous avons une diversité des productions. » Le responsable de l’exploitation reçoit aussi des candidats à l’installation qui viennent visiter le bâtiment, échanger sur les aspects économiques et la conduite d’élevage. Si les élèves de BTS s’attachent plus à l’analyse technico-économique des différents ateliers de l’exploitation, d’autres classes se consacrent à la production. Découverte de l’atelier avicole sous forme de mini-stage « Par exemple, les élèves en bac pro CGEA vont sur l’exploitation sous forme de mini-stages répartis sur 4 périodes de 2 jours et demi. » Ils apprennent le métier aux côtés des salariés et réalisent les tâches du quotidien. Ils font les relevés de températures, de consommation d’eau et d’aliment. Ils observent que tout se passe bien dans la salle d’élevage et qu’il n’y a pas de problème sur la chaîne d’alimentation ou sur les abreuvoirs. Ils ramassent les œufs qui ne sont pas pondus dans le pondoir automatique. Enfin, ils réalisent un tri manuel des œufs et les placent en alvéoles dans le local technique du bâtiment. « La production bio nous permet de mettre l’accent auprès des élèves sur la prévention et les traitements par phytothérapie et huiles essentielles. Depuis 2005, nous n’avons jamais eu recours aux antibiotiques ni aux antiparasitaires. » Pour autant, le chef d’exploitation n’oppose pas les modes de production puisque le porc, le lait et une partie des terres sont en conventionnel. Nicolas Goualan Le lycée de l’Aulne forme des apprenants sur les productions horticoles et maraîchères, du semis à la mise en valeur des produits. Les 350 élèves du lycée de l’Aulne, à Châteaulin (29), ont l’embarras du choix en ce qui concerne leur orientation : que se soit sur les métiers de l’horticulture, de l’aménagement paysager, du commerce ou des services, chacun trouve sa voie. Grâce à une exploitation au service de la pédagogie, les étudiants disposent d’un outil de production de 3 000 m2, dédié aux plants maraîchers biologiques et aux cultures ornementales. « La part de productions de plants bio est passée de 5 à 40 %, le secteur ornemental étant en difficulté. La serre chauffée approvisionne en plants primeurs les professionnels et les particuliers, en circuit court », précise René Vaudouer, directeur de l’Établissement public local d’enseignement et de formation professionnelle agricole (EPLEFPA), qui regroupe les sites de Morlaix, Hanvec et Châteaulin. Ce thème de commerce local, cher au directeur et à l’ensemble de l’équipe enseignante, se traduit par des productions de fruits et légumes consommés dans un secteur proche du lieu de production. « Nous travaillons avec des cuisines centrales, des cantines, des maisons de retraite. Nous sommes capables de répondre à des demandes particulières, comme des légumes anciens au goût caractéristique pour les maisons de retraite ou encore des pommes de petites tailles pour les enfants ». L’association production de plants du site de Châteaulin et des lieux de production de Morlaix et d’Hanvec sont ainsi complémentaires. Être au goût du jour Stéphane Corre, directeur de l’exploitation châteaulinoise, s’oblige à former les élèves sur des outils à la pointe, avec une forte implication des enseignants. « Le défi à relever est de garder un outil pédagogique tout en conservant un objectif financier. Cet état d’esprit nous incite à être exemplaire, avec des outils au goût du jour ». En témoigne cette volonté d’apprentissage en conditions réelles, l’ordinateur climatique, la multichapelle équipée de tablettes en subirrigation pour les plantes fleuries, ou encore la production de chaleur, réalisée à l’aide d’une chaudière à bois. Une production de fraises « colle à la réalité terrain : c’est une culture commune dans la région, qui correspond aux plannings scolaires, avec une plantation en décembre pour une récolte de mi-mars à juin ». Pour familiariser les élèves aux débouchés proposés par l’établissement, des stages dans les exploitations de l’EPLEFPA sont proposés dès la seconde. Le choix de l’orientation se fait ainsi par élimination. Rendre les projets possibles Romain Jaouen, élève de terminale, pense préparer un BTS technico-commercial une fois son baccalauréat en poche. « J’aime les conditions de travail en culture sous serre ». Même son de cloche pour Dorian Keroullas, qui pense déjà installation. « Attiré par les productions végétales, je pense travailler en pépinière ou en maraîchage, pour enfin me lancer. Mon projet se construit, j’ai déjà un terrain appartenant à mon grand-père qui pourrait convenir ». Pour Amélie Moulin, c’est le commerce qui l’attire. « Je me formerais avec un BTS technico-commercial en jardinerie sur le site d’Hanvec. La vente me plaît, de par le contact avec la clientèle, avec de fortes connaissances sur les produits vendus ». Des aspirations différentes qui trouveront sur leur parcours une richesse de métiers possibles en agriculture. Fanch Paranthoën Plantes en pot, pépinières, maraîchage de plein champ ou en serre, expérimentation horticole… Les productions végétales spécialisées s’apprennent mieux les mains dans la terre. À quelques encablures de la mer, l’école de Saint-Ilan, à Langueux (22), jouit de 10,5 ha pour « mettre en pratique les enseignements de ses filières axées sur les productions spécialisées ». Avec la particularité, depuis 1999, d’avoir noué des partenariats avec des professionnels : « Ils louent les surfaces et, en contrepartie, accueillent des élèves, seul, en groupe, en binôme ou avec un professeur, pour que ceux-ci puissent mettre la main à la pâte en conditions réelles », explique Jacky Frogerais, enseignant responsable de l’exploitation qui organise les séances de travaux pratiques de l’école. « Le maraîcher Pascal Baudet mène ainsi 7,5 ha de cultures, pour une trentaine de légumes différents qu’il vend sur les marchés. Laurent Gageot exploite 1,5 ha de pépinières et 7 000 m2 de containers et propose en vente directe de très nombreuses espèces d’arbres et arbustes produits en pleine terre, en pot ou en hors-sol… Avec ces deux partenaires, ce qui nous intéresse pour les élèves, c’est la diversité et la biodiversité pour varier les supports de travail : arbres, arbustes, cultures hors-sol, en pot ou en plein champs… » Appréhender la rigueur de l’expérimentation À quelques pas de là, l’extrémité d’une serre de verre abrite le troisième partenaire, la Station d’expérimentation Stepp de l’Institut technique de l’horticulture Astredhor. « Notre structure est gérée par les producteurs indépendants de la région qui décident des essais à mettre en place en fonction des problématiques qu’ils rencontrent dans les entreprises : par exemple le travail sur l’éclairage Led, la diminution des produits phytosanitaires dans les cultures florales avec des spécialités naturelles à base de microorganismes, d’insectes bénéfiques ou de stimulateurs de défense des plantes… », explique Anne Pennaneac’h, ingénieur d’expérimentation. Les élèves suivent chaque projet de recherche lancé, étape par étape : « Mise en place, rempotage, repiquage, distançage, taille, éboutonnage, entretien, arrosage… Et surtout, nous insistons bien sur la notion de rigueur indispensable dans le suivi de microparcelles sur lesquelles se base la collecte de données statistiques. » Toutes les classes participent. Et plus particulièrement les BTS, « pour les prises de mesure et notations », qui ont un module « expérimentation » au programme. Jacky Frogerais insiste sur l’intérêt de la présence de la Stepp : « Cela a beaucoup de sens puisque enseignement, production et recherche agricoles sont sous l’égide du même ministère. Nous sommes quasiment la seule école où il y a un accès à la recherche dès la classe de CAP. Cet outil permet aussi aux enseignants de se maintenir en éveil sur les nouvelles techniques ou technologies et d’être capables d’en parler ou de les transmettre… » Travaux pratiques même l’hiver L’équipe pédagogique gère également en direct 2 500 m2 de cultures de plein champ et 8 000 m2 de serre verre. Grâce à la variété des supports pédagogiques, l’activité pratique est continue. « Nous enseignons sur le terrain même l’hiver. Nous avons des fleurs, ainsi que 250 m2 en tomate et 300 m2 en fraise… Ces cultures chauffées sont intéressantes car elles permettent de proposer un travail concret d’apprentissage des gestes aux élèves, même en hiver période où ils sont tous présents à l’école, avant de partir en stage à partir de mars… », explique Laurent Beunel, enseignant. Intensive, bio, plein champ, hors-sol… Le but est de montrer aux étudiants, au cours de leur cursus, tous les modèles d’exploitation qui existent en horticulture, pépinière et production légumière. Et l’immersion professionnelle va jusqu’à la commercialisation en vrai par la filière commerciale : « Élèves et professeurs organisent à l’école une vente de la production tous les vendredis. Il y a de 80 à 150 clients réguliers en fonction des saisons… » Toma Dagorn L'avis de Jacky Frogerais, enseignant Ici, les étudiants touchent à tout. Par exemple, en section horticulture, on se frotte à la pépinière, aux fleurs et aux légumes. Objectif : ouvrir les élèves à toutes les situations et sortir des gens polyvalents, capables de changer leur fusil d’épaule si une filière emploie davantage que les autres. Donc on tient à toutes nos microparcelles qui sont bien sûr sans commune mesure avec les rythmes et productivité chez les producteurs. Mais cela, ils le découvrent en stage. On forme de la main-d’œuvre qualifiée qui sait bouturer, repiquer… Il y aussi besoin de futurs responsables, profil BTS ou Bac pro qui continuent à se former, des chefs d’équipe qui savent communiquer. Car aujourd’hui certains producteurs limitent leur activité en Bretagne : ils ont des difficultés à recruter et s’inquiètent à propos de la reprise de leur entreprise. Au CFTA de Montfort-sur-Meu (35), les jeunes sont confrontés directement à la réalité du terrain. Ils tirent bénéfice de nombreux stages et expériences au contact des professionnels agricoles et para-agricoles. La pédagogie de l’expérience est la valeur centrale des centres de formations du réseau MFR (Maisons familiales rurales). Au CFTA (Centre de formation technique par alternance) de Montfort-sur-Meu, que ce soit en Bac pro ou en BTS, les élèves sont en contact direct avec le monde professionnel sur la moitié de leur temps scolaire. « Dans la partie agricole, les jeunes effectuent plusieurs stages sur des exploitations, ou se rendent en groupes avec les enseignants chez des agriculteurs partenaires, à proximité du centre. Ils y abordent des thématiques diverses : le troupeau, les pratiques culturales, les bilans techniques, le dossier Pac, la gestion à partir du BTS », explique Virginie Malle, formatrice et responsable du domaine professionnel au CFTA. « Toutes ces expériences sont ensuite largement partagées entre eux. » Des cas concrets Lors des déplacements à proximité, les jeunes apprennent par exemple à manipuler les animaux en sécurité, à con-duire, entretenir, régler des équipements agricoles, à observer les différentes techniques culturales… Au total, une vingtaine d’exploitations situées à quelques dizaines de km reçoivent régulièrement des groupes. Pascal Moizan, trésorier de l’association qui gère la MFR et ancien élève de l’établissement, en fait partie. « Les jeunes peuvent ainsi étudier des cas concrets sur le terrain, au contact des animaux, en observant les cultures, en analysant les documents de gestion, les projets de l’exploitation… », explique l’éleveur laitier installé à Talensac (35) sur 60 ha avec 320 000 L de lait. L’agriculteur reçoit également des stagiaires de tous horizons depuis son installation en 1995. « Cela demande une certaine disponibilité, mais j’apprécie tous ces échanges qui me permettent aussi d’avancer, de me remettre en question. Il faut s’adapter à chaque stagiaire. Je leur apprends progressivement les techniques jusqu’à l’autonomie complète. » Tout le monde part à l’étranger Au CFTA, à Montfort-sur-Meu, l’apprentissage sur le terrain n’a pas de frontières : tous les élèves partent à l’étranger. « Nous avons cette volonté forte d’ouverture internationale et culturelle », expliquent Brigitte Jego et Nathalie Mounier, responsables de l'organisation des stages à l’étranger. Les expériences se font progressivement, sur la durée et la distance. « Les élèves en seconde partent hors de la région en stage, les “premières” vont un mois en Europe : au Royaume-Uni, en Finlande, en Grèce... Et les BTS font un stage de 4 à 6 mois à l’international, souvent hors d’Europe. » C’est en Suède que Julien Chevillard et Matthieu Gourdel, en 2e année de BTS Acse, sont allés pendant 5 mois, logés chez les maîtres de stage et participant aux différents événements familiaux. Julien était sur une ferme de 120 VL avec 225 ha, et Matthieu sur une structure plus petite (60 VL, 80 ha tout en herbe), mais entièrement automatisée (robot, alimentation). « Nous avons visité d’autres fermes suédoises avec nos maîtres de stage. » De quoi revenir avec un bel aperçu de l’agriculture du pays. Avec plus de maturité et de sens des responsabilités également. Les voyages forment la jeunesse, c’est bien connu. Après son BTS, Matthieu repartira, pourquoi pas, à l’étranger… Agnès Cussonneau De la technique tous azimuts En terminale Bac pro CGEA, Yohann Corvaisier a, lors des trois dernières années, cumulé les expériences auprès des agriculteurs. « J’ai énormément appris sur le plan technique et économique », apprécie le jeune homme. Son stage d’examen, il va le réaliser sur l’exploitation sur laquelle il se rend régulièrement depuis trois ans : chez un producteur de lait, de porcs en engraissement et de céréales à Pleumeleuc (35). « Mon maître de stage m’a progressivement confié la traite et l’alimentation des vaches. En étant présent avec moi au départ, il m’a aussi appris à réaliser des travaux des champs tels que le labour, les semis de couverts, le déchaumage… J’ai conduit la remorque à l’ensilage », souligne le petit-fils d’agriculteur. « J’ai aussi pu participer au bilan du contrôle laitier, à l’élaboration du plan d’accouplement... » Le jeune homme a également fait un stage en Savoie (lait) en seconde, et en Finlande pendant un mois en mai-juin 2015. « J’étais sur une exploitation en lait (50 VL rouges scandinaves) et céréales, sur 200 ha dont 30 ha de forêts. Elle faisait également ETA. Je réalisais la traite, le soin aux vaches et les travaux des champs. Les producteurs lançaient des essais en maïs, peu implanté dans le pays. » Ce stage a aussi permis à Yohann Corvaisier de s’améliorer en anglais. Rien de tel que l’immersion…

Une exploitation comme support pédagogique

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