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Le breton au rythme du kan ha beat box

Le duo Krismenn et Alem, qui allie le chant traditionnel rural au beat box plus urbain, apporte de la fraicheur dans le paysage de la musique bretonne.

Fin novembre, Krismenn et Alem se produisaient à Saint-Servais (22), commune de résidence du premier cité. Devant une cinquantaine d’habitants, au fond du bistrot le Ty Gwenn. Drôle de concert intimiste contrastant avec leur prestation remarquée aux Vieilles Charrues en juillet devant 40 000 personnes. Un grand écart moins étonnant quand on connaît mieux les convictions des deux jeunes hommes.

[caption id=”attachment_10891″ align=”aligncenter” width=”300″]Sur la scène de la Citrouille à Saint-Brieuc Sur la scène de la Citrouille à Saint-Brieuc.[/caption]

« Faire vivre la campagne »

« Commencer à s’exporter à l’international n’empêche pas de privilégier aussi les circuits courts. Jouer à Saint-Servais est un acte militant pour faire vivre la campagne. C’est important de jouer pour les gens du pays qu’on représente à l’extérieur », explique Christophe Le Menn, alias Krismenn, qui chante « 100 % en breton ». À ses côtés, son compère Alem, champion du monde de beat box, « discipline qui consiste à imiter les instruments avec sa bouche » (voir encadré), poursuit : « Notre démarche est justement de transmettre notre pratique dans de nouveaux contextes, le beat box hors des rendez-vous traditionnels du hip-hop ou encore le kan ha diskan hors des fest noz… C’est l’idée de surprendre, de proposer notre forme de langage à de nouvelles oreilles. »

Le beat quoi ?

« Beat box » se traduit littéralement par « boîte à rythme ».  « Cela consiste à faire de la musique avec sa bouche en imitant des instruments, en particulier la batterie. Mais aussi trompette, scratch, voix… », explique Alem. Un défi majeur associant talent d’imitateur et notions de rythme et de musicalité. Il a attrapé le virus il y a 9 ans en écoutant un disque : « J’ai pris conscience que c’était un vrai instrument… » Puis il a travaillé inlassablement jusqu’à briller aux championnats du monde organisés tous les trois ans à Berlin : 2nd en 2012, champion en mai dernier… Le beat box est devenu central dans sa vie. « Aujourd’hui, c’est beaucoup de choses : un moyen d’exprimer ma personnalité. Ça reste du langage, une forme d’expression qui parle à tout le monde. » Dans tous les pays, « les gens peuvent le ressentir ». Le beat box, « c’est bio, ce sont les sons de la bouche sans transformation… » Immédiat et abordable à tous dans la pratique comme dans l’écoute.

Exode urbain et breton parlé

Ces deux-là se sont bien trouvés. Curieux destins croisés pour deux univers, a priori, bien différents… Krismenn a grandi dans un HLM à Plougastel-Daoulas (29) et Alem, dans une ferme pédagogique en Isère. Mais ils ont en commun la notion « d’oralité ». Pour apprendre le beat box, « on ne fait pas de solfège », explique Alem. « De même, Krismenn a appris le kan ha diskan au contact des anciens. » Le Finistérien revient sur son parcours : « Comme la plupart des gens de ma génération, je ne parlais pas breton alors que c’était la langue maternelle de mes grands-parents. » Il s’est interrogé très tôt sur la manière dont toute une population est passée d’une langue à l’autre en si peu de temps : « Devant ce constat fou, j’ai voulu apprendre le breton parlé par les gens. » Pour cela, il s’est s’installé en Centre-Bretagne, « où la langue et le chant étaient les plus vivants. » Même s’il se dit « toujours en apprentissage », il pratique le breton « tous les jours » à Saint-Servais où « tous les plus de 40 ans le parlent ». Comme sa compagne issue d’une famille où il n’y a pas eu de rupture linguistique. Krismenn a surtout passé beaucoup de temps aux côtés de chanteurs référence du kan ha diskan, ce chant à répondre et à danser. Des gens comme Bastien Guern ou Jean-Yves Le Roux. « Le kan ha diskan, c’est une culture paysanne, rurale », rappelle-t-il. « Je vis ici pour reconquérir une culture en train de disparaître et en faire quelque chose. C’est un véritable acte d’enracinement de se poser dans un endroit que tous les jeunes fuient, un exode urbain. »

[caption id=”attachment_10892″ align=”aligncenter” width=”300″]Tangui Le Cras, Alem et Krismenn au Ty Gwenn à Saint-Servais (22) en toute complicité Tangui Le Cras, Alem et Krismenn au Ty Gwenn à Saint-Servais (22) en toute complicité.[/caption]

Autour du monde en 2016

Parallèlement à ce collectage des chants traditionnels, il rappe en breton. « Mes textes racontent le côté obscur du Centre-Bretagne… Ces jeunes qui quittent nos campagnes pour soigner leur peine de cœur sur la côte. Au départ militantes, mes chansons, qui racontent des histoires, deviennent plus poétiques avec le temps. » Il veut surtout composer « dans un breton que les gens du coin comprennent et pas seulement les néo-bretonnants… La langue a des accents toniques très forts, comme l’anglais, et convient bien au rap. » Avant leur rencontre il y a 2 ans, Alem ne connaissait pas la musique ou la langue bretonnes. « Mais ça me ressemble d’aller vers ce que qui m’est inconnu. Krismenn m’a invité à la fête du chant à Poullaouen (29). J’ai découvert sa musique, le kan ha diskan, et ensemble nous avons créé le kan ha beat box… » Depuis, le projet a tourné en France. « Maintenant, nous allons traverser les frontières. » En 2016, le groupe se produira en Suisse, Belgique, Angleterre, Vietnam, Québec et même à New-York. Krismenn qui voulait parler breton va aussi faire parler du breton… Toma Dagorn

Pour en savoir plus

  • Krismenn & Alem à Carhaix le 18 décembre. Au programme aussi : Débruit et El Maout. Espace Glenmor. Carhaix, 21 h, 5 €. (www.glenmor.bzh / 02 98 99 37 50),
  • Découvrir et écouter
    krismenn.com / facebook : krismennalem. Contact : Route 164, Rostrenen,06 20 81 54 06

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