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La culture des « bouchots » en famille

L’alternance des fortes marées confère aux moules de bouchot de la baie du Mont-Saint-Michel leur goût finement iodé et leur chair orangée. Visite d’une entreprise où le savoir-faire se partage en famille.

Quand la mer se retire, les bouchots se découvrent, élégants alignements habillés de leurs coquillages noirs. Dans l’estran, les moules accrochées aux pieux sont chahutées par les marées, tantôt immergées, tantôt à l’air libre. Mieux qu’un spa… Au bout d’un an, elles ressortent fortifiées de ce « centre de remise en forme » bénéficiant des plus importantes marées d’Europe. « Les muscles adducteurs sont entraînés à fermer et ouvrir la coquille. Après la récolte, les moules restent fermées – contrairement à celles qui sont tout le temps immergées – et se conservent mieux », explique Patrick Delaunay, mytiliculteur au Vivier-sur-mer (35), au cœur de la baie du Mont-Saint-Michel. Après avoir été salarié chez un producteur de moules, ce fils d’agriculteur s’est mis à son compte en 1997 en achetant une concession à Hillion dans les Côtes-d’Armor.

Près de 3 km de bouchots et 5 ha d’huîtres

« Nous avons ensuite eu l’opportunité de revenir au Vivier-sur-mer, ce qui nous rapprochait de nos parcs à huîtres de Cancale », retrace Marie-Jeanne Delaunay, la femme de Patrick qui s’occupe plus particulièrement de la comptabilité et de la vente. Chaque producteur dispose de concessions réglementées par les Affaires maritimes. « Nous allons travailler sur les bouchots à marée basse. C’est la mer qui nous commande, chaque sortie dure 5 heures en moyenne », explique le producteur. La passion de leur métier, Marie-Jeanne et Patrick l’ont transmise à leurs deux fils Xavier (28 ans) et Julien (25 ans) qui se sont installés avec eux en 2007 et 2010, après avoir obtenu des Bac pro conchyliculture. Aujourd’hui, l’entreprise familiale gère près de 3 km de lignes de bouchots et 5 ha de parcs à huîtres.

Les moules de bouchot sont apparues dans les années 50 dans la baie du Mont-Saint-Michel, développées par des mytiliculteurs charentais connaisseurs de la technique. Si les forts courants de la Manche sont très favorables à la production de moules charnues, ils ne permettent pas la reproduction. « Nos naissains proviennent de la région de Noirmoutier et Oléron. L’ensemencement s’étale de juin à octobre », expliquent les producteurs. La mytiliculture est aujourd’hui beaucoup moins physique, mais demande de lourds investissements. Les moules sont retirées des bouchots grâce à une pêcheuse qui enserre les pieux. Les producteurs disposent d’un bateau amphibie, d’une yole et d’une ligne de préparation comprenant une laveuse, une calibreuse et une ensacheuse. La débyssusseuse permet de proposer des moules prêtes à cuire. Elle élimine les « byssus », faisceaux de filaments qui permettent à la moule de se fixer à un support. « Sur les 120 tonnes que nous produisons en moyenne par an, plus de la moitié est aujourd’hui commercialisée en prêt à cuire. » La vente directe en marchés et magasin de producteur (voir ci-contre) absorbe environ 20 % de la production Delaunay, 10 % sont commercialisés auprès de poissonneries, 10 % de restaurants et 60 % de grossistes.

Nouveau magasin de producteurs à St-Malo

« Nous avons mis sept ans à monter ce projet de magasin 100 % fermier, le premier de la côte d’Emeraude. Il était difficile de trouver un terrain à St-Malo. Finalement, la ville nous en a vendu un en 2011 », souligne Marie-Jeanne Delaunay qui est associée avec 9 autres producteurs dans le magasin « Les Fermiers de la Baie ». Ces dix producteurs du pays de St-Malo et de la baie du Mont-Saint-Michel ont investi dans un bâtiment flambant neuf qui a ouvert ses portes en février dernier.

Les rayonnages en bois confectionnés par un ébéniste local et les vitrines réfrigérées accueillent plus de 1 500 références. Des produits des 10 associés, mais aussi d’une cinquantaine d’autres producteurs en dépôt-vente. « Ils peuvent venir d’un peu plus loin que le nord du département, cela permet de compléter la gamme », souligne Sarah Leménager, vendeuse dans le magasin qui emploie près de 5 UTH.

AOC depuis 2006, puis AOP

Depuis 2006, la qualité des moules de bouchot de la baie du Mont-Saint-Michel est reconnue au travers d’une AOC (Appellation d’origine contrôlée). L’AOP, équivalence européenne, a été obtenue en 2011. Le cahier des charges impose plusieurs obligations aux producteurs, comme un nombre maximum de pieux, une taille des moules de 4 cm minimum, la chair doit peser au moins ¼ du poids total. Des contraintes qui permettent de garantir la qualité et d’éviter la surpopulation. Car les moules se nourrissent du plancton, minuscules végétaux et animaux, que leur apportent les courants marins. Une ressource qu’elles doivent se partager. « Pour favoriser le plancton, il faut de l’eau douce qui apporte les nutriments, surtout en janvier et février. Et de la lumière. » La production de moules est donc tributaire de la pousse du plancton. Selon les années, elle peut varier de 20 à 30 %. Agnès Cussonneau

Les Fermiers de la Baie

1 rue Christophe Colomb 35400 Saint-Malo
Tél : 02 99 19 90 74
www.lesfermiersdelabaie.fr


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