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Les Américains pourraient produire de la viande sans hormone

Le consultant Jean-Christophe Debar, directeur de Agri US Analyse, était l’invité de la Journée partenaires de CerFrance Côtes d’Armor. Il a répondu à quelques questions qui taraudent les acteurs des filières agricoles bretonnes. Extrait.

Vous avez peu parlé d’environnement. Est-ce que les considérations environnementales pèsent de plus en plus ou de moins en moins aux Etats-Unis ?

La prise en compte de l’environnement est réelle, forte, même si ça se situe toujours à un niveau en deçà de l’Europe. L’assurance récolte, qui est en fait une assurance chiffre d’affaires, est le nouveau grand pilier de la production de grandes cultures aux Etats-Unis. Comme c’est un système subventionné à hauteur de 60 % par l’Etat, ce dernier a pu aisément inclure des contraintes d’ordre environnemental. Cette sorte d’éco-conditionnalité porte par exemple sur la lutte contre l’érosion des sols en interdisant de les laisser nus, sur la conservation des zones humides… Toutes ces mesures agri-environnementales interviennent suite au boom des cours des céréales ces dernières années qui a poussé les farmers à mettre en culture des milliers d’hectares fragiles. Et d’une manière générale, cette prise de conscience touche peu à peu le consommateur moyen.

Alors que les accords bilatéraux renvoient à la question de la viande US qui atterrirait dans nos assiettes, les Américains sont-ils capables d’abandonner le recours aux hormones ?

Je pense que les Etats-Unis ont compris que l’Europe ne reviendrait pas sur sa position concernant l’interdiction de l’usage d’hormones. Alors comment va se solder cette question ? Comme toujours, avec un contingentement. Dans toute négociation bilatérale, il y a toujours 15 à 20 % de produits dits sensibles. Parmi eux, on retrouve beaucoup de produits agricoles…

Mais attention, il ne faut pas sous-estimer les Américains dans leur capacité à produire de la viande sans hormone. Aujourd’hui, par exemple, leur production de viande bovine est en déclin. Mais si demain, les accords leur permettent d’exporter quelques dizaines ou centaines de milliers de tonnes de viande vers l’Europe et que le débouché « non hormoné » est substantiel et solvable, ils s’y engouffreront. Ce sont des pragmatiques.

Alors qu’on entend beaucoup parler de problèmes de sécheresse, quelle est aujourd’hui la capacité des Etats-Unis à produire du lait ? Effectivement, plusieurs régions dont la Californie notamment souffrent. Les cultures légumières sont très impactées. 40 % des bovins se situeraient également dans des zones touchées par cette forte sécheresse.

Pourtant, concernant la production laitière, le rendement par tête continue de grimper depuis plusieurs années. Les volumes de lait augmentent régulièrement depuis 10 ans. Il existe aussi une marge de manœuvre sur le nombre de vaches. Donc le pays dispose encore d’une capacité de production importante. Le secteur marche bien actuellement et mise beaucoup sur l’Asie considérée comme un formidable débouché durable.

Pourrait-il y avoir un débat type « fermes des 1 000 vaches » là-bas ?

Aux Etats-Unis, deux modes de production avec des tailles d’élevages foncièrement différentes cohabitent. Ce genre de débat, souvent très local, est confiné à la zone Est ou Nord-Est du pays où sont implantées les petites fermes. A l’Ouest, on trouve les gros élevages qui pèsent de plus en plus. Pour la viande bovine ou le porc, la polémique est moins marquée qu’ici, beaucoup de grands ateliers ont été implantés dans des zones où ils ne gênent pas trop, où il y a de faibles densités de population.

Est-ce les lobbys qui font la politique agricole américaine ?

Dans ce pays, c’est le Congrès qui fait la loi. Le ministre ou même Obama pèsent peu en fait. Le Congrès est donc la cible prioritaire de tous les lobbys. D’ailleurs, il y a un an tous les garde-fous ont sauté et le pouvoir des lobbyistes est désormais énorme, quasiment sans limites financières. Engager les meilleurs avocats coûtent très cher mais rapporte au final énormément. Cela doit aussi être une leçon pour nous, Européens. Propos recueillis par Toma Dagorn


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