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Lait : fin des quotas, des changements en profondeur

Le directeur technique de Cogedis Fideor, Michel Hobé, estime que la fin des quotas est une chance à saisir mais doit inciter les producteurs laitiers à modifier leur mode de pilotage. Explications.

La fin des quotas, c’est une bonne nouvelle pour les producteurs ?

Oui, il s’agit d’une opportunité inédite de pouvoir développer les entreprises laitières et de produire plus de lait dans le Grand Ouest. Au niveau mondial, la demande en produits laitiers ne cesse d’augmenter, tirée notamment par l’Inde et la Chine qui voient leur pouvoir d’achat augmenter. L’installation des Chinois dans notre région va favoriser indirectement nos compétences dans les échanges commerciaux. Nous avons de nombreux atouts dans notre jeu : la météo, le fourrage, la filière, le savoir-faire. Nous sommes donc indéniablement dans un contexte favorable à la production laitière. Mais l’entrée dans cette nouvelle époque représente également une certaine menace pour le producteur. Il va devoir s’adapter à de plus grandes fluctuations des marchés.

En quoi ce nouveau contexte constitue-t-il un risque pour les éleveurs ?

Il va falloir passer d’un pilotage automatique à un pilotage manuel. Depuis 1984, le système des quotas a induit une certaine routine. Désormais c’est fini, chaque producteur de lait va dépendre de la politique de sa laiterie qui cherchera à s’adapter à des marchés de plus en plus spécialisés : poudre de lait, lait pour enfant, niches… Les volumes de production tout autant que les cours vont devenir fluctuants donc les revenus aussi… Le producteur devra donc être réactif et changer sa manière de gérer l’exploitation. Les éleveurs vont devoir endosser le costume du gestionnaire et passer plus de temps au bureau avec gestion prévisionnelle au menu dans un contexte de tension en termes de temps de travail. Pas simple !

Comment le producteur peut-il se préparer à cette nouvelle donne ?

La priorité : faire le lien entre la technique et l’économique de manière plus importante. Aujourd’hui, les producteurs laitiers ne sont pas encore assez nombreux à connaître et optimiser leur coût de production pour apprécier la rentabilité de l’atelier et le point d’équilibre pour anticiper les variations de trésorerie… Pourtant, ce sont deux outils de gestion indispensables, comme en porc, pour piloter l’entreprise… Pour ne pas commettre d’erreur sur les charges fixes, l’éleveur devra désormais raisonner en coût marginal du litre de lait. Autrement dit, combien coûte à produire le litre de lait supplémentaire ? Ensuite si l’éleveur est contraint d’investir pour produire plus, il faudra sans doute inventer un mode de contractualisation pour assurer l’entreprise. Il conviendra d’être vigilant sur l’endettement et de ne pas s’enflammer. L’exploitation laitière devra désormais être gérée comme une PME.

Quid de l’environnement dans ce contexte ?

A condition que la laiterie recherche du lait supplémentaire, c’est de fait, l’unique limite règlementaire à la production qui restera. Pour s’y adapter, il existe plusieurs manières d’optimiser la production : classiquement, on connaît la voie concentrés, la génétique, l’optimisation des fourrages et les investissements. Mais il faudra également innover, inventer de nouveaux modèles d’organisation et de production. Et, notre excellence en matière d’adaptation aux contraintes environnementales mériterait également d’être valorisée. Sachons en faire un atout.

Va-t-on assister à de nouvelles stratégies ?

4 % d’exploitations laitières disparaissent par an en France. Dans un contexte de baisse du nombre d’exploitants et de hausse de la demande, certains vont devoir se poser des questions stratégiques : dois-je m’agrandir ? Avec qui, comment ? La question de l’organisation du travail et des ressources humaines est cruciale également. Le choix de l’embauche ou de l’automatisation sera au cœur des préoccupations des éleveurs tout autant que l’internalisation ou l’externalisation de la mécanisation.

Il y a des chances que l’on voit également revenir des exploitations spécialisées avec seulement des vaches laitières et d’autres qui n’élèveront que des génisses… Le marché des génisses devrait d’ailleurs être dopé par cette nouvelle organisation. En outre, la gestion des grands troupeaux amènera inévitablement le développement du hors-sol. La question de la respécialisation en lait au détriment des cultures de ventes se posera également. Les éleveurs ont intérêt à prendre du recul pour bâtir leur stratégie à 3-5 ans. Il est nécessaire de prendre le temps pour se projeter et envisager plusieurs scénarios qu’il faudra arbitrer. Propos recueillis par Guy Lemercier / Cogedis Fideor


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