evelyne-chambry-lait-robot-traite - Illustration Un robot de traite sinon rien

Un robot de traite sinon rien

Usée par l’astreinte des traites alors que son époux Philippe est beaucoup accaparé par l’ETA familiale, Évelyne Chambry a retrouvé le goût du lait. Cette animalière dans l’âme nous raconte ce pari du robot. 

« En septembre 2010, j’ai posé un ultimatum à mon mari : soit un robot de traite, soit l’arrêt du lait », raconte Evelyne Chambry, installée à Duault (22). « Je lui ai mis un peu la pression en lui laissant deux ans pour que le projet voie le jour. » L’éleveuse était lassée de l’astreinte : deux heures et demie par jour pour passer les 60 laitières dans la 2 x 7 postes. « Les trois-quarts de l’année, je gérais seule car Philippe était pris par l’entreprise de travaux agricoles. » Bras, épaules, poignets commençaient à grincer alors que le troupeau tendait à s’agrandir… « Les traites notamment étaient devenues trop contraignantes pour moi physiquement. »

[caption id=”attachment_9134″ align=”aligncenter” width=”300″]Morgane, Philippe, François-Louis et Caroline Chambry, trois générations de passionnés d’agriculture Morgane, Philippe, François-Louis et Caroline Chambry, trois générations de passionnés d’agriculture.[/caption]

Le couple a pris son temps pour penser au robot, en incluant à la réflexion la présence de leurs filles, Caroline, 16 ans et Morgane, 15 ans. « Le lait, c’est peut-être leur avenir », rappelle Évelyne. L’aînée, « qui a déjà fait une moisson » semble davantage branchée ETA. La plus jeune, plus animalière, « a le feeling avec les bovins. Elle me remplace facilement », témoigne la maman. Finalement, le délai imparti par madame sera respecté, le robot ayant été inauguré en septembre 2012. « Il aura fallu plus d’un an pour choisir », le temps, entre autres, de visiter une quinzaine d’élevages équipés. Au total, ce projet comprenant la stalle, le passage en logettes, les racleurs automatiques, des lampes spécifiques et l’aménagement d’une nurserie, s’élève à 250 000 €. « Arrivés au bout des annuités de la stabu qui date de 1996, c’était aussi le bon moment de réinvestir. »

La barrière d’apprentissage d’Évelyne

Je passe deux fois par jour à la stabulation pour observer les animaux et consulter l’ordinateur. Quand il y a un retard de traite, c’est-à-dire qu’un animal a passé 12 h sans fréquenter le robot, je vais le chercher pour le pousser vers le parc d’attente de la stalle. C’est rare, généralement des primipares. Si la vache conteste, a peur, je me sers de la barrière d’apprentissage qu’on m’a confectionnée. Dépliable, elle me permet en toute tranquillité de guider la jeune réticente vers le robot, à la voix et sans bâton. Tout se fait en douceur, sans brusquer. Chez les génisses, certaines comprennent du premier coup. D’autres ont besoin d’une semaine d’accompagnement, mais là, je commence à m’impatienter.

Réformes dues aux logettes, pas au robot

Avec un an et demi de recul, l’éleveuse apprécie beaucoup le nouveau système. « Physiquement, je suis moins fatiguée. Les horaires sont beaucoup plus souples. En été, s’il fait trop chaud, je décale mon passage à l’étable à 22 h. » La seule difficulté a été la transition. « Pour les animaux, passer du jour au lendemain au robot plus logettes représentait beaucoup de stress. » Cinq laitières ont dû être réformées. Non pas à cause de l’automate : « Son bras est tellement maniable qu’il peut aller chercher les trayons n’importe où, même pour de vieilles vaches au pis décroché. » Mais à cause du changement de couchage. Ces vaches ne se sont pas adaptées et se couchaient dans les couloirs. Par contre, depuis, les génisses qui intègrent le cheptel en production ne posent aucun problème d’apprentissage : « Elles se couchent dans les logettes par mimétisme. »

Parées pour les logettes

Depuis le passage au système robot-logettes, « nous sommes beaucoup plus vigilants sur la prévention des boiteries. » Le pareur passe désormais deux fois par an et tous les pieds du troupeau y passent. « Avant, on ne faisait que du curatif. »

Les cellules ne sont plus un problème

D’un point de vue général, l’élevage a progressé. Le niveau moyen de production est passé « de 31,5 à 34 kg de lait » par vache et par jour. Évelyne y associe plusieurs explications. D’abord, l’augmentation grâce au robot de la fréquence des traites qui atteint 3,2 passages par jour. Ensuite, une « complémentation en propylène glycol dans la stalle réservée aux fraîches vêlées évite la perte d’état » liée au déficit énergétique de début de lactation. Ainsi qu’une diminution de l’incidence des mammites, notamment « grâce à la propreté des vaches en logette. » La qualité du lait est d’ailleurs très satisfaisante depuis l’arrivée du robot. « Avant, on avait vraiment du mal à gérer. On frôlait toujours les pénalités », se rappelle-t-elle. « De septembre à décembre dernier, les résultats sont même descendus jusqu’à 160 000 cellules. »

Il faut dire aussi que, connaissant leur talon d’Achille, le couple Chambry a opté en terme de prévention pour la technologie OCC de DeLaval. Ce compteur de cellules somatiques effectue une analyse pour chaque vache, à chaque traite. Quand le taux d’un animal grimpe trop, Évelyne demande au robot de passer en mode parking et de garder l’animal. « J’interviens alors manuellement. Je tire les premiers jets. Une fois le quartier touché vidangé, j’administre le traitement. Ensuite, avec l’OCC, je peux suivre l’évolution jusqu’à la guérison complète, c’est-à-dire le retour de l’animal à son taux leucocytaire initial. » Et grâce à la fosse confort attenante à la stalle, la mamelle est à hauteur « de la main et du regard ». C’est vraiment pratique « pour soigner, tarir et surtout traire une primipare réticente qui a besoin d’être rassurée, voire brancher manuellement », apprécie Évelyne qui a complètement repris goût à la production laitière. Toma Dagorn

L’avis de :

Evelyne Chambry

C’est drôle mais avec le robot je trouve que j’ai beaucoup plus de connivence avec mes vaches. Certaines vont s’oublier en fin de lactation et zapper le passage au robot. Le matin, quand je passe entretenir les logettes, dès qu’elles me voient, elles se lèvent et filent se faire traire… Le troupeau est plus zen, plus calme. Et quand un animal est en chaleur, je demande à l’automate de l’isoler pour éviter qu’il ne perturbe les autres… Franchement, le robot, c’est un bonus pour les animaux et pour la vie de famille. « Désormais, le dimanche, nous avons le droit à une grasse matinée jusqu’à 8 h 30. Et surtout, je suis plus disponible pour les activités des enfants : avant, il fallait souvent s’organiser en covoiturage ou parfois rater le rendez-vous…

Jean-Marie Le Du, Ets Elevage Services à Grâces (22)

Concernant le robot, il n’y a pas une semaine sans que des éleveurs qui font 5 heures de traite par jour n’appellent pour se renseigner. Là, ce n’est plus une astreinte, mais une contrainte. Dans un métier si prenant, des jeunes peuvent avoir envie de mettre leur énergie et leur temps ailleurs que dans la traite. Et puis, on se rend compte que la confier à un automate qui recueille énormément d’infos sur les animaux permet de révéler encore davantage la qualité d’animalier d’un éleveur. De toute façon, il faudra moderniser les outils. Alors avec mon budget, j’opte pour un roto ou une TPA avec beaucoup d’argent mis dans la maçonnerie ou est-ce que je parie sur deux ou trois stalles robotisées sans contrainte physique ou horaire ? Le robot, c’est le présent, mais aussi l’avenir.


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