17843.hr - Illustration Pousser les portes de la mémoire
Albert Pennec, photographe, et Pierrick Mellouët, historien.

Pousser les portes de la mémoire

Des mots et des photos. Depuis 22 ans, Pierrick Mellouët et Albert Pennec sillonnent la Bretagne rurale. Objet de leur pérégrination ? Collecter la mémoire des « 30 glorieuses agricoles » avant qu’elle ne s’évanouisse.

Le cahier et le micro pour l’un ; l’appareil photo pour l’autre. Depuis plus de deux décennies, l’historien du monde rural, Pierrick Mellouët, et le photographe, Albert Pennec, ratissent la campagne pour récolter ce que l’on peut qualifier de patrimoine immatériel de l’agriculture bretonne.

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Démonstration d’ensilage de maïs (secteur Pleyben, 1962).

Après nous avoir raconté la métamorphose de la société paysanne depuis la fin de la Guerre dans le premier tome « L’espoir des campagnes », le duo poursuit son travail en publiant le tome II consacré à la révolution technique des années 1950-1980. Ce bel ouvrage de collection de 220 pages et nombreuses photos d’époque est le fruit de longues rencontres avec celles et ceux qui ont été à la source de l’élan du progrès agricole impulsé après-guerre.

Alors leur regard s’allume…

Cette fois, le travail de collectage de la mémoire paysanne régionale s’est étendu à l’aire de la Bretagne historique, menant le binôme sur la route du vin des ducs de Bretagne et jusqu’aux confins sud-est de la Loire-Atlantique dans le vignoble du Muscadet. Mais le récit de ce que l’on peut sans exagérer appeler « l’épopée » de l’agriculture bretonne de la seconde moitié du XXe siècle s’attarde davantage sur la région administrative. « Ce que l’on souhaitait cette fois, c’est de mettre en avant le côté collectif et l’aspect technique qui ont forgé l’agriculture que l’on connaît », circonscrit Pierrick Mellouët.

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Voyage d’éleveurs en Hollande en 1963 au pays des Frisonnes.

Pour raconter ce pan de l’histoire agricole qui glisse peu à peu vers l’oubli avec la disparition des témoins de cette aventure collective, Albert Pennec et Pierrick Mellouët ont poussé la porte de ceux qui ont été acteurs de cette profonde transformation. « Au début, les personnes sont réservées, et après elles font une fête de raconter leur histoire », observe Albert Pennec. « Alors, leur regard s’allume. Car bien souvent plus personne ne les écoute, ne prête attention à ces « vieilles » histoires », s’émerveille le photographe qui, au détour de ces rencontres, en profite pour photographier ces yeux qui pétillent. « Je vous assure : on peut être dépaysé en Bretagne par la richesse des témoignages », s’enthousiasme-t-il.

Ce que l’on souhaitait, c’est de mettre en avant le côté collectif et l’aspect technique 

100 récits

Le livre rassemble 100 récits. Il débute par les prémices de l’enseignement agricole qui, à ses premières heures, concerne seulement des jeunes « recommandés » par l’instituteur qui avait réussi à convaincre les parents de l’intérêt de former leur fils – car les filles sont à l’époque hélas moins concernées –. Ce n’est qu’après les lois d’Orientation agricole du début des années 60 qu’une nouvelle génération de parents a ressenti un besoin de formation plus poussée pour ses enfants. Ces jeunes instruits vont alors démultiplier les connaissances acquises et entraîner les masses sur la voie du progrès technique. L’heure de la vulgarisation agricole a sonné. Avec, dès les années 50, les Ceta (Centre d’études techniques agricoles) basés sur une pédagogie de groupe dans lequel le « paysan prend ses affaires en main ».

Curiosité et voyages

À partir des années 60, la vulgarisation va largement déborder le cadre confidentiel des Ceta et des zones-témoins coanimées par les coopératives et les Chambres d’agriculture qui embauchent des conseillers agricoles à tour de bras. C’est l’époque des GVA (Groupements de vulgarisation agricole) et son cortège de rendez-vous de ‘bout de champ’ où les agriculteurs se forment lors d’une démonstration d’un nouveau type de semoir, d’une ensileuse 1 rang pour le maïs, etc.

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Dans la zone légumière du Nord-Finistère, l’usage du cheval a perduré longtemps (1978).

Dès les années 60, la curiosité aiguise l’envie d’aller voir ailleurs. C’est la période des voyages d’étude en Normandie, mais aussi en Hollande, en Angleterre, au Danemark, berceaux de l’élevage laitier et porcin intensif d’où les Bretons ramènent de la génétique (Frisonne et Pie Rouge de Hollande) et un savoir-faire technique qui accélèrent la spécialisation de l’élevage en Bretagne. Avec, désormais, ce prochain défi qui s’ouvre pour notre terre d’élevage : « Soit elle reste productive et vertueuse, soit elle devient une maison de retraite climatisée », résume facétieux Jean-Hervé Caugant, président de la Chambre d’agriculture du Finistère. Peut-être l’objet d’un prochain tome pour les compères Mellouët et Pennec ?

Où trouver le livre ?

L’ouvrage « L’espoir des campagnes bretonnes, une révolution technique (1950-1980) – tome II » est publié par Roudoù éditions. Ce livre à lire et à écouter (les personnes interrogées peuvent être écoutées au fil des pages, ainsi que des archives de l’Ina, via des QR codes) est vendu partout en Bretagne au prix de 35 € et sera dédicacé par ses auteurs :

  •   4 novembre, 15 h 30, librairie Liv in room, à Saint-Pol-de-Léon ;
  •   18 novembre, Centre Leclerc, à Landivisiau ;
  •   25 novembre, 10 h, Dialogues, à Morlaix.

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