17174.hr - Illustration Une idée dans le vent
Quelques passagers volontaires hissent la grand-voile, sous les yeux de Léon Passuello, skipper et fondateur de la compagnie Îliens.

Une idée dans le vent

Chaque année, des centaines de milliers de visiteurs se rendent à Belle-Île en ferry, navette rapide et autres bateaux à moteur. Mais il existe désormais une alternative décarbonée pour rejoindre le joyau morbihannais. Embarquement immédiat à bord de Saona, le catamaran à voiles de la toute jeune compagnie Îliens.

D’après le calendrier, pas de doute possible, nous sommes bien en été… La météo s’obstine pourtant depuis plusieurs jours à jouer une partition automnale sur fond de ciel plombé et crachin d’un autre temps. Mais pas de quoi entamer l’enthousiasme parmi les personnes qui font la queue à Port-Maria pour embarquer sur le catamaran Saona et rejoindre Belle-Île. Voici d’ailleurs le voilier qui entre dans le port quiberonnais et accoste le long du quai. Une fois les bagages – vélos, valises et autres sacs à dos – entreposés dans le cockpit, les plus téméraires se déchaussent et vont s’installer sur les trampolines de la plage avant. « Au-delà de 48 passagers, nous devons être trois marins à bord », précise Léon Passuello, skipper et fondateur de la compagnie maritime Îliens qui fait aujourd’hui équipe avec Jean-Philippe Alizon et Ségolène Mingant. 

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Avec son catamaran Saona, la compagnie Îliens propose depuis 2021 des liaisons à la voile entre Belle-Île et Quiberon.

Trois coups brefs de corne de brume pour annoncer la manœuvre et le navire se dégage du quai en marche arrière. Une fois sorti du port, le voilier se met bout au vent pour hisser les voiles. Quelques passagers volontaires viennent prêter main forte à l’équipage sous les applaudissements du bord. Le solent (voile d’avant) et la grand-voile sont désormais à poste mais la légère brise matinale ne permet pas au catamaran d’avancer suffisamment vite, alors Jean-Philippe appuie légèrement la marche du bateau au moteur. « Nous sommes une navette, avec un temps de trajet de 1 heure 30 à respecter, rappelle Léon. Mais sur une année, 70 % des traversées sont effectuées entièrement à la voile ». En moyenne, la consommation de gazole par passager s’établit ainsi à 30 cl. Soit, très concrètement, une décarbonation de plus de 80 % par rapport à une traversée « classique » !

Un concept qui séduit

« C’est la mère de mes enfants qui, en 2019, a eu l’idée de cette navette à la voile entre Belle-Île et le continent », se souvient Léon. Avec une liaison orientée nord-sud et un régime dominant de vent d’ouest, les conditions sont, il est vrai, des plus favorables. Mais reste à trouver le navire adapté au projet. C’est finalement au Cap d’Agde, en Méditerranée, qu’il déniche la perle rare : Saona, un catamaran de 64 pieds (19,50 m) aménagé pour le transport de passagers. Acheté avec le concours financier du Crédit Mutuel de Bretagne, le bateau est convoyé en Bretagne. Son exploitation débute en 2021. « Nous avons transporté 14 000 passagers dès la première année, 18 000 la suivante et nous sommes à + 20 % de fréquentation sur le début de saison 2023 ». Preuve que le concept de cette « navette qui met les voiles » séduit. Compagnie à taille humaine, Îliens emploie aujourd’hui deux salariés permanents. L’effectif monte jusqu’à huit personnes durant la haute saison où elle propose trois allers-retours quotidiens tous les jours de la semaine, à des tarifs raisonnables (49 euros l’aller-retour pour un adulte).

Motivations variées

Les motivations des passagers qui choisissent de traverser avec Îliens sont variables : « Pour certains, il s’agit de leur baptême en voilier, note Jean-Philippe. D’autres ont envie d’une transition en douceur pour rejoindre ou quitter Belle-Île. Et puis il y a aussi le côté écologique de ce mode de transport qui séduit de plus en plus ». La compagnie planche d’ailleurs sur un nouveau voilier, plus grand et doté d’une motorisation électrique. 

Depuis le cockpit central où elle sert café, viennoiseries et produits locaux, Ségolène annonce « Sur votre droite, la Pointe des Poulains. À votre gauche, la pointe de Taillefer avec l’ancien sémaphore ». Matelot, hôtesse et guide à la fois, la jeune femme n’hésite pas à partager ses connaissances avec les passagers, agréable mise en bouche à la découverte de Belle-Île. Niché dans une échancrure de la côte, se profile Sauzon, petit port aux allures de carte postale, terme de la traversée. Quel plaisir que de prendre son temps et de voyager « vert » sur la grande bleue. Assurément le meilleur moyen de profiter de la palette des couleurs belliloises !

Jean-Yves Nicolas

Un enjeu majeur (opinion)

La décarbonation de la filière maritime constitue un enjeu majeur pour les années à venir. Avec son offre de navette qui met les voiles entre Quiberon et les îles, le projet porté par la compagnie Îliens est à la fois écoresponsable et bien structuré en termes de modèle économique. Il s’appuie sur des professionnels du milieu maritime avec un solide ancrage territorial et des valeurs humaines fortes. La Filière maritime du CMB, par l’intermédiaire du Pôle professionnel d’Auray, les accompagne depuis la création de la compagnie.

Sylvie Le Hein,
responsable Filière maritime du CMB pour le Morbihan


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