L’apport d’un regard extérieur pour oser évoluer

Ensilages de trèfles, simplification de la ration, remise à plat du renouvellement… Depuis 4 ans, Philippe et Olivier Le Houérou ont entamé un travail de fond pour améliorer les performances technico-économiques de leur atelier laitier. « À 50 ans, j’ai l’impression de m’être installé une 2e fois », sourit Olivier Le Houérou, associé en Gaec à son frère Philippe. Une manière imagée de résumer le plaisir pris à avoir remis tout son système à plat il y a 4 ans. « J’aime la génétique mais l’économie me passionne sans doute encore davantage. Je voulais à la fois réduire mes coûts et faire plus de lait. » Deux objectifs antinomiques sur le papier. Et pourtant. « À l’époque, j’ai rencontré au Space un conseiller indépendant ayant une vision globale de l’élevage. Parfois, il faut accepter d’être accompagné. Ce regard extérieur nous a remis en question tout en nous rassurant pour oser le pas du changement. » La priorité a été mise à la valorisation des fourrages de l’exploitation avec des analyses régulières des valeurs alimentaires. « Nous n’avons pas tout révolutionné, mais surtout augmenté la part d’herbe dans la ration », résument les deux éleveurs. Objectif MAT avec une association de trèfles Dans un contexte d’une protéine toujours plus chère, de la place a été faite dans l’assolement pour des parcelles dédiées à la fauche associant quatre types de trèfle et un peu de ray-grass servant de « tuteur ». Sur ces 9 ha, les coupes interviennent toutes les 5 semaines. « L’objectif est de récolter jeune pour viser un fourrage à 19 % de MAT ou plus… » Le gros est stocké sous forme d’ensilage et distribué pendant 6 mois sur la période hivernale. Le reste est ramassé en enrubannage, pratique pour ajuster la ration en fonction du pâturage. Et si par hasard le chantier intervient trop tard, si le taux de MAT descend à moins de 16 %, « les Charolaises sont là pour valoriser une coupe moins réussie », précise Philippe Le Houérou qui suit l’atelier allaitant. Désormais, un conservateur est systématiquement ajouté à l’ensilage des trèfles. « Nous avons essayé une coupe sans et eu des pertes… C’est finalement un petit investissement de 200 € par fauche pour ne pas gaspiller une miette d’un produit aussi jeune et aussi riche. » Maïs grain et orge de la ferme Le foncier facilement accessible étant limité, le troupeau ne dispose que de 10 ares / VL au pâturage. « À la pleine pousse de l’herbe, nous descendons à une demi-ration de maïs ensilage à l’auge… » Mais les fourrages maison riches en légumineuses ont permis de distribuer « près d’un kilo de tourteau de soja par vache et par jour en moins ». Plus globalement, toute la complémentation a été revue. « Côté correcteur azoté, nous n’achetons que du tourteau basique. Et nous n’utilisons plus aucun concentré de production du commerce au profit de matières premières simples. » Dans la ration mélangée à l’auge, du maïs grain de la ferme vient équilibrer les fourrages riches en protéines. De l’orge (séchée et granulée par Eureden pour 40 € / t) est distribuée au Dac. Hyper exigeant sur l’ensilage de maïs En arrivant, le conseiller (aujourd’hui retraité) avait aussi noté l’ensilage de maïs comme un point crucial à améliorer. Depuis, Olivier Le Houérou avoue ne pas bien dormir la veille de la récolte. « Comme beaucoup d’éleveurs, nous jouons un peu notre année laitière sur une journée. » Le Costarmoricain est ainsi devenu « hyper exigeant » sur la qualité de la prestation de son entrepreneur. « Généralement, je le rencontre avant le chantier. Je veux que les grains soient pulvérisés et que le hachage soit adapté, si nécessaire, au taux de matière sèche de chaque îlot. » Les associés ont aussi revu le choix des variétés : « Nous avons baissé de 30 points d’indice – indice 250 aujourd’hui – pour nous adapter aux nouvelles génétiques. Les maïs trop tardifs ne mûrissaient pas bien et le grain était trop dilué... » Dernière précaution au Gaec : avoir suffisamment de stock pour ne jamais débâcher un maïs avant deux mois minimum de fermentation : « Sans ça, un maïs trop frais est toujours synonyme de baisse de production et de reproduction qui patine. » Ensuite, au fil de l’eau, la qualité de la ration est surveillée de façon pragmatique par les éleveurs. « Régulièrement, à la traite, chronomètre en main, je compte le nombre de mastications par bol alimentaire. Objectif : 60 coups de mâchoire minimum. Tous les jours, j’ai aussi un œil sur l’aspect des bouses. » Un EBE en hausse de 45 000 € en deux ans Avec quatre ans de recul, Philippe et Olivier Le Houérou récoltent les fruits de cette approche revue et corrigée qui s’appuie sur la valorisation de « matières nobles » comme les fourrages maison. « Notre conseiller nous a suivis pendant trois ans. La première année, cela nous a coûté 1 200 €. Nous n’avons jamais calculé le retour sur investissement, mais il est clairement de plus d’un pour dix… », estiment les deux frères. Le niveau d’étable est ainsi passé de 9 500 kg à 10 800 kg / VL / an. Parallèlement, le coût alimentaire a reculé de 30 € / 1000 L et l’âge au premier vêlage a baissé de 27 à 24 mois en moyenne. « Désormais, nous ne tenons plus compte de l’âge mais du poids pour déclencher la mise à la reproduction des génisses. » Les vaches sont également inséminées plus tôt, « vers 50 jours après le vêlage peu importe la production de l’animal », pour travailler sur un follicule de qualité qui s’est développé pendant le tarissement. Les résultats sont au rendez-vous : 1,7 paillette pour gestation et 390 jours d’Intervalle vêlage-vêlage. Ces progrès sur les performances techniques se traduisent également dans les résultats économiques : l’exercice comptable bouclé en mars 2022 montre un progression de l’EBE de 45 000 € en trois ans de changement. « Grâce à cet appui, ces derniers mois, nous avons livré un lait payé à 450 € / 1 000 L produit avec un soja contracté à 385 € / t en moyenne. Par contre, aujourd’hui, difficile de se positionner sur l’achat de tourteau… » En attendant d’y voir plus clair sur les approvisionnements en protéines, les associés testent le colza fourrager (voir encadré). Et de conclure : « Finalement, une fois que la ration est bien calée, plus il y a de lait par vache, plus c’est simple à suivre. » Pâturage de colza fourrager en test Les associés du Gaec mènent pendant trois mois un essai sur 3 ha semés en colza fourrager. Le troupeau pâture ce nouveau fourrage depuis le 5 septembre. Les deux frères calculent : « Si ce pâturage permet d’économiser 0,8 kg de soja / tête / jour, en un mois, nous aurons distribué 1,6 t de tourteau en moins à nos 70 vaches à la traite. Au prix actuel de 550 € / t de soja, c’est une économie globale de plus de 900 € par mois. » À comparer aux 150 € / ha de coût d’implantation du colza (variété Diana, pâturable 60 jours après semis). « Étonnamment, en parallèle, l’ingestion à l’auge n’a pas vraiment diminué et la production quotidienne moyenne se maintient à 36 kg de lait / vache. »

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Gaec Le Houérou à Saint-Quay-Perros (22)

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