L’histoire racontée par ceux qui l’ont faite

Pierrick Mellouët, professeur d’histoire, et Albert Pennec, photographe, nous conduisent sur le chemin de femmes et d’hommes éclairés qui ont contribué à la « bascule » de l’agriculture bretonne à partir des années 50. Trois cents pages de récits, de témoignages, d’anecdotes, de photographies et d’archives audio et vidéo inédites grâce à la magie du QR code. À l’heure où les témoins du développement agricole de la deuxième partie du XXe siècle commencent à tirer leur révérence, les deux auteurs de l’ouvrage « L’espoir des campagnes bretonnes » livrent aux lecteurs la substantifique moelle d’un travail de collecte de mémoire qui s’est étiré sur plus de 4 ans. Vingt-cinq ans même si l’on remonte aux premières enquêtes de terrain de l’historien finistérien pétri d’une profonde « envie de transmettre pour que les paysans bretons se réapproprient leur histoire, somme toute fabuleuse ». Car le progrès mené au pas de charge dans les campagnes n’a pas seulement transformé l’agriculture bretonne quasi moyenâgeuse en agriculture moderne et technique ; il a surtout contribué à l’émancipation de toute une génération de ruraux qui ont radicalement changé leur façon de vivre. Comme un réveil de toute une génération Quatre-vingts rencontres, des enregistrements uniques – dont plusieurs en breton –, des témoignages éclairants avec ce parler-vrai qui est une des marques de fabrique du Breton, constituent le socle du présent ouvrage ; le 6e d’une série de beaux livres édités depuis une dizaine d’années par les deux compères de l’écrit et de l’image. « Un 2e tome est prévu dans 2-3 ans », prévoient-ils. « L’espoir des campagnes bretonnes » qui sort actuellement en librairie retrace l’aventure humaine et professionnelle extraordinaire de toute une génération de paysans bretons qui se sont affranchis du joug de la tradition, refusant l’exode vers les villes et mus par une farouche volonté d’ascension sociale. « Il y a eu comme un réveil de toute une génération très entreprenante qui voulait rester au pays », résume Pierrick Mellouët qui décèle un facteur-clé de cet élan : « La disposition des Bretons à apprendre. L’importance donnée à l’éducation, à la scolarisation dans l’Ouest – l’instruction comme on disait à l’époque – a en effet joué un rôle important dans cet essor ». Le savoir, l’envie de savoir et l’envie de faire savoir ont contribué à allumer et répandre la flamme d’un changement radical qui s’est propagé pendant près d’un demi-siècle. Les auteurs parlent même de « bascule » à laquelle a contribué la Jac dans « cette région très traditionnelle en religion et en même temps très progressiste ». Avancer les horloges Dans leur périple de « collecte de mémoire », Pierrick Mellouët et Albert Pennec conduisent le lecteur sur le chemin de femmes et d’hommes éclairés, parfois contestés, mais toujours déterminés à entraîner dans leur sillage les volontaires du progrès. Si un tel livre se penche évidemment sur l’essor des coopératives, l’élan mutualiste, le passage en force des marchés au cadran et l’expansion des productions hors-sol pour garder une population nombreuse dans les campagnes, il emporte surtout le lecteur dans les pas de femmes et d’hommes pénétrés du bien-fondé du progrès, rarement brouillés de regrets… sauf parfois celui de ne pas avoir davantage forcé le sillon du bouleversement qu’ils ont traversé. Car il s’agit bien de bouleversement qu’a vécu « La traditionnelle vie rurale bretonne (qui) se retrouve dans ces contrées où l’horloge du temps retarde », comme le formulait André Cholley, doyen de la Sorbonne, en 1954. La sagesse et la fougue Au fil des pages, on y trouve aussi des propos de sagesse pour construire l’avenir. Comme ceux distillés par Jean Tromeur, de Pleyben (29), pionnier de l’aviculture : « Avec un contrat d’intégration, tu ne vas pas gagner des fortunes, mais normalement tu ne vas pas en perdre. Je pense que quand les marges sont bien réparties, le système n’est pas mauvais. Il faut que chaque maillon ait son dû ». Cette leçon de l’expérience résonne particulièrement en 2021 alors que l’agriculture s’interroge sur la pertinence de la contractualisation – proche parent de l’intégration – pour se sortir de l’ornière des prix bas. Pour les jeunes générations « L’espoir des campagnes bretonnes » constitue bien plus qu’une rétrospective sur l’œuvre collective de leurs aînés. Ce livre ouvre les pages d’un horizon nouveau que la génération montante doit imaginer, dessiner et peindre aux couleurs de son temps. Avec comme trait d’union solidement noué avec les bâtisseurs d’hier : compter sur soi-même, avec les autres, comme l’a fait la génération précédente.

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