9652.hr - Illustration Valentin remet l’assiette à fleurs au goût du jour !
Si la notoriété médiatique de Valentin Moricet doit beaucoup à son gingembre made in Breizh, il se définit d’abord comme maraîcher spécialisé dans les fleurs comestibles : capucines, bourrache, pâquerettes, pensées, œillets… Il les vend essentiellement aux chefs cuisiniers bretons.

Valentin remet l’assiette à fleurs au goût du jour !

Paysagiste et maraîcher atypique, Valentin Moricet a misé à la fois sur les fleurs comestibles et les plantes exotiques. Un choix audacieux qui plaît aux restaurateurs… Reportage en terres dinannaises.

Quand on lui demande si un jour il a douté de parvenir à vendre ses fleurs comestibles, Valentin Moricet répond sans hésiter : « Je pars toujours la fleur au fusil ! ». Pas du genre à mâcher ses mots, ni à couper les cheveux en quatre, ce solide gaillard de 27 ans inspire bien des sentiments, sauf l’indifférence. Sous une petite serre, empotant des plants de curcuma, il raconte son parcours et comment lui est venue l’idée de proposer ses fleurs aux chefs cuisiniers bretons, non pas pour les mettre sur leurs tables mais au cœur des assiettes !

« Tout le temps dehors »

Il faut remonter à l’enfance de Valentin pour comprendre son choix professionnel : « Daniel, mon grand-père maternel a toujours jardiné. Avec lui, je ramassais les échalotes, les haricots, les petits pois… Parfois il me disait : va faire un bouquet pour ta grand-mère… Des moments simples, on était tout le temps dehors ». La graine est plantée !

Après un Bac pro aménagement paysager, il enchaîne avec un BTS production horticole validé en 2014. Mais déçu par ses premières expériences salariées, il comprend qu’avec son caractère bien trempé, mieux vaut pour lui avoir les cartes en main : « J’ai créé mon exploitation maraîchère en 2016 sur un demi-hectare, derrière la maison de mes parents ». Valentin achète une première serre de 80 m² : la ferme de Saint-Daniel est née (1), l’aventure peut commencer. « Mon idée était d’investir un marché de niche, celui des fleurs comestibles. J’avais fait mon mémoire de BTS là-dessus ». Lui-même végétarien, il sait que les fleurs constituent un bon complément alimentaire et qu’elles peuvent apporter une touche originale aux plats. « Pour que les gens s’y intéressent, j’avais en tête de les vendre en barquettes à des magasins bio et de les proposer à mes clients en même temps qu’une production maraîchère classique : tomates et salades cultivées sous serre ». Mais Valentin abandonne vite ce système pour développer une polyculture : « Aujourd’hui, je produis environ 300 espèces ».

[caption id=”attachment_57556″ align=”aligncenter” width=”720″]9653.hr Julien Hennote, chef étoilé à Dinard, découvre l’ail du Pérou. De quoi l’inspirer pour apporter de nouvelles saveurs à sa cuisine.[/caption]

Identifié « d’Ici Delà »

Il choisit donc de se faire connaître autrement : « Un jour, j’ai frappé à la porte de l’Esat (2) des Quatre Vaulx à Corseul ». Valentin est venu y proposer ses fleurs et autres plantes aromatiques. Objectif : compléter l’offre de l’établissement qui travaille en maraîchage et fournit déjà plusieurs tables de la région.
Séduit, le responsable de l’Esat le met en contact avec un premier restaurant le “D’ici Delà” à Dinan ». Adeptes de la cuisine végétarienne, les restaurateurs se mettent à agrémenter quelques plats avec les fleurs et aromates de Valentin. Ça y est, l’agriculteur est identifié, son nom circule sur les réseaux et d’autres chefs lui font bientôt appel : « Aujourd’hui, les restaurants constituent 90 % de ma clientèle (lire encadré) ». Une réussite bientôt plombée par la crise sanitaire. Heureusement, Valentin peut s’y adapter en troquant, un peu plus souvent qu’à l’habitude, sa casquette de maraîcher pour celle de paysagiste : « Je me lève très tôt pour récolter et préparer mes commandes, puis je pars livrer les restaurants. Ensuite, je peux tondre une pelouse, entretenir un jardin ou travailler sous mes serres. Il m’a fallu jongler avec l’une et l’autre de ces activités pour continuer à joindre les deux bouts ».

[caption id=”attachment_57780″ align=”aligncenter” width=”720″]val moricet 3 Empotage de curcuma : les épices et fruits exotiques font également partie
des 300 espèces cultivées par Valentin Moricet.[/caption]

Camembert !

Voilà pour la réalité de son quotidien, un peu biaisée, il faut bien le dire par son prix obtenu en 2018 au salon « Ohhh la Vache » de Pontivy : « Je voulais y présenter un taboulé végétal, mais on m’a conseillé d’y aller avec mon gingembre ». Bonne pioche ! Il remporte le coup de cœur du produit fermier innovant, véritable rampe de lancement médiatique… Son gingembre se révèle un excellent ambassadeur !
Depuis, sa production exotique ne cesse de s’étoffer : mangue, curcuma, taro et même ananas… Toujours fleur au fusil, le jeune maraîcher s’ingénie – sans artifice – à cultiver ces plantes sous le climat breton, en commençant toujours par les installer sous serre : « On a assez de lumière et de chaleur en Bretagne, et l’humidité n’est pas un problème, par contre les variations de températures peuvent compliquer les choses ». Résultat : un exotisme légumier et fruitier aux saveurs « gwenn ha du » : « C’est le terroir qui fait le caractère de la plante. La terre d’ici donne à mon gingembre un petit goût citronné et un jaune bien vif, il est racé ! ». Dernière idée en date : fournir à une brasserie locale sa plante au goût de camembert (3) pour parfumer une bière… C’est sûr, on va encore entendre parler de lui !

Pierre-Yves Jouyaux

(1) En hommage à son grand-père
(2) ESAT : Établissement et service d’aide par le travail
(3) Paederia lanuginosa, originaire du Vietnam

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À la carte des meilleures tables !

On dit que les crises accélèrent les changements… Dans la restauration, la nécessité de travailler en local a encore marqué des points et les choses évoluent vite. Un chef ne doit plus se demander : qu’est-ce que je vais commander à mon producteur, mais comment vais-je pouvoir travailler ce qu’il a à me proposer ? La démarche de Valentin Moricet s’inscrit tout à fait dans cette dynamique comme en témoigne Julien Hennote, Chef étoilé du « Pourquoi pas » à Dinard. « Ça fait deux ans qu’on travaille ensemble. Les fleurs, j’en avais déjà en cuisine, mais on les recevait comme ça, sous plastique, arrivant d’on ne sait où. Ça ne m’inspirait pas vraiment… Valentin, lui, apporte quelque chose de local avec un vrai intérêt gustatif. Chaque semaine, il m’envoie sa liste de plantes disponibles et je fais un choix par rapport à ma carte. Je lui prends souvent de la mertensia, qu’on appelle aussi l’huître végétale. Elle s’accommode bien à ma cuisine iodée de bord de mer. Mais on peut aussi la servir avec un tartare de bœuf : une seule feuille relève le plat ! Valentin peut m’amener 25 à 30 fleurs pour la journée. Avec certaines, je n’utilise que les pétales. Ça peut être une salade accompagnant une viande d’agneau : quelque chose de printanier avec des copeaux de légumes crus, des herbes et des pétales… Mais la fleur peut aussi être l’élément central de l’assiette comme avec l’hémérocalle, fleur de lis qui ne dure qu’une journée. Je peux la proposer en assiette d’été végétale en la mariant à un cœur d’artichaut, des haricots verts, des noisettes et un sorbet au vinaigre balsamique. L’idée, c’est de mettre en valeur les plats, pas de mettre des fleurs pour mettre des fleurs ! ».


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