Hors des sentiers battus

En plus de leur exploitation, Joël et Brigitte Vincent gèrent des chambres d’hôtes, un gîte et un restaurant… Une diversification bien pensée où chacun a sa place et où les différentes activités s’apportent mutuellement. Rencontre avec cette famille d’agriculteurs costarmoricains.

« Avec le Covid, tout s’est brutalement arrêté à la mi-mars, constate Brigitte Vincent. Notre activité de gîtes a repris progressivement à partir de la mi-juin. Et, au final, nous devrions réaliser une belle arrière-saison, beaucoup de groupes ayant reporté leurs réservations. Pour le restaurant, nous avons rouvert le 3 juillet, dans le respect des mesures de distanciation sociale. Cela a redémarré sur les chapeaux de roues, nous étions très attendus ! »

[caption id=”attachment_46397″ align=”aligncenter” width=”720″] Située en plein centre de Gommenec’h, « L’Auberge de l’Aubrac » peut accueillir jusqu’à 38 couverts.[/caption]

Tournée vers l’action, cette dynamique agricultrice costarmoricaine n’est pas du genre à se plaindre. Des vents contraires, elle et son époux Joël, en ont affronté à plusieurs reprises depuis l’installation de ce dernier sur la ferme familiale de Gommenec’h, en 1992. « Nous avons commencé par un atelier porcs en naisseur-engraisseur. Les premières années, nous avons connu quelques galères avec des crises à répétition ». Mais en 2000, le cours du porc remonte. Le couple en profite pour rénover une longère. Brigitte, qui apprécie le contact avec la clientèle et veut avoir sa place sur l’exploitation, commence alors à réfléchir à un projet de gîtes et chambres d’hôtes. « Je ne voulais pas que ce soit juste de la valorisation du patrimoine bâti, mon but était d’en vivre ».

Une fois son dossier peaufiné, elle sollicite différents partenaires financiers. « Les banques que je rencontrais n’étaient pas convaincues, pourtant moi j’étais persuadée que cela allait fonctionner. Un jour, j’ai frappé à la porte du CMB de Lanvollon. Et là, enfin, un conseiller a cru en notre projet et il nous a suivis ».

Une pincée d’insolite

La nouvelle aventure démarre en 2004. Des bâtiments d’exploitation rénovés avec goût — « nous avons beaucoup fait par nous-mêmes » —, une touche d’insolite avec des hébergements aménagés dans des roulottes et une cabane perchée dans un arbre, la recette concoctée par Brigitte plaît d’emblée au public. D’autant que celle-ci se met en quatre pour recevoir ses hôtes, n’hésitant pas à jouer l’office du tourisme pour faire découvrir les charmes du secteur. « J’ai même repris la course à pied avec mon chien pour repérer les circuits de randonnée des environs ».

Doté d’une piscine couverte chauffée, l’ensemble des « Écuries de Kerbalan » propose jusqu’à vingt-huit couchages, ce qui permet l’accueil de groupes. « Nous sommes ouverts toute l’année, souligne Brigitte. Et d’avril à octobre, c’est vraiment plein pot ! » Preuve de sa satisfaction, la clientèle comporte 40 % de « récidivistes »…

[caption id=”attachment_46398″ align=”aligncenter” width=”720″] Les bâtiments de l’exploitation ont été rénovés avec goût et transformés en gîte.[/caption]

« T’as de beaux yeux »

Outre les cochons et les chevaux de trait bretons, les vacanciers peuvent découvrir sur l’exploitation des bovins de race Aubrac. Plus habituées aux plateaux du sud du Massif Central, ces vaches aux yeux soulignés de noir, à la robe froment et aux cornes majestueuses en forme de lyre sont la passion de Joël Vincent. « Il y a quelques années, lors d’une fête de Noël, se souvient Brigitte, j’ai offert à mon mari un livre sur les différentes races de vaches en France. Et en couverture, il y avait une Aubrac ». Ce sera l’élément déclencheur. Trois premiers animaux dénichés dans le Finistère rejoignent alors les pâturages de Gommenec’h. Petit à petit, le cheptel s’agrandit et un troupeau acheté dans l’Aveyron vient encore le renforcer. « Nous sommes montés à 40 animaux, précise Joël Vincent. C’est une race rustique, robuste, facile à vêler ». Et dont la viande tendre et persillée est appréciée des gourmets.

Après avoir débuté en commercialisant des colis en vente directe, les Vincent sont passés à la vitesse supérieure avec l’ouverture, fin 2017, de leur propre table : « L’Auberge de l’Aubrac ». « Il y avait cet établissement au centre de Gommenec’h qui était à vendre. Ouvrir un restaurant dans une commune de 550 habitants, c’est un pari. Mais, là encore, j’étais sûre que ça marcherait ! » Le succès est, en effet, au rendez-vous. Ouverte le vendredi soir, le samedi soir et le dimanche midi, l’auberge peut accueillir jusqu’à 38 couverts, dans un cadre agréable et une ambiance familiale. Au menu : de la viande cuite sur plancha. De l’Aubrac, bien sûr, l’élevage de bovins étant situé à 300 mètres de là. Quant aux desserts, ils sont fabriqués « maison » par Brigitte. Le circuit court prend ici toute sa signification.

Emmanuel, le fils aîné, qui partage la passion de son père pour l’Aubrac, s’est installé en début d’année. « Il a repris le troupeau et a racheté 20 animaux, pour arriver à 60 bêtes ». Entre les 300 truies, l’élevage de chevaux de trait, les Aubrac et la centaine d’hectares de cultures, le travail ne manque pas. « Cela demande de l’organisation, reconnaît Brigitte. Mais toute la famille met la main à la pâte. Et, au final, je constate que les différentes activités profitent les unes aux autres. Notre récompense, c’est quand les gens nous disent : Qu’est-ce que c’est bon ! Là, nous avons la fierté d’être agriculteurs et de maîtriser toute la filière jusqu’au produit fini ! »

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Savoir évoluer suivant la conjoncture

Joël et Brigitte Vincent font partie de ces agriculteurs « précurseurs » qui ont su évoluer en fonction des conjonctures agricoles. En effet, producteurs de porcs, ils se sont diversifiés en développant un élevage d’Aubrac — race peu présente sur notre secteur — et en misant sur des chambres d’hôtes au caractère atypique : roulottes, cabane dans les arbres. Aujourd’hui, forts de ces expériences, ils innovent à nouveau avec la création d’un restaurant au concept novateur qui pourrait se résumer à la maxime « De la ferme à l’assiette ». Nous avons affaire à des personnes attachantes qui se donnent les moyens de vivre de leur passion.

Christelle Le Gonidec, responsable de clientèle agricole au CMB, Pôle professionnel de Paimpol[/box]

En savoir plus
. Hébergements insolites à la ferme : www.lesecuriesdekerbalan.com
. Vente de colis de viande Aubrac : www.fermedesaubrac.fr
. Restaurant : www.aubergedelaubrac.fr

Jean-Yves Nicolas


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