- Illustration Porc : Complexe chantier de la castration à boucler d’ici 2022
Par un arrêté du 27 février, le gouvernement a officialisé l’interdiction de la castration à vif des porcs d’ici 2022. Un second texte donne accès aux éleveurs aux produits nécessaires.

Porc : Complexe chantier de la castration à boucler d’ici 2022

Avec l’interdiction de la castration à vif des porcs d’ici la fin 2021, les éleveurs devront anesthésier leurs animaux. Reste à lever certains verrous techniques et économiques.

La date butoir est désormais officiellement fixée : le 31 décembre 2021, la castration à vif des porcs sera interdite (Journal officiel du 27 février). Ce texte fixe les grandes lignes de la transition à venir, tout en laissant de nombreuses questions en suspens.
D’après l’arrêté ministériel, la castration devra se faire « avec anesthésie et analgésie » et « par d’autres moyens que le déchirement des tissus ». Pour extraire les testicules des porcelets, seule l’utilisation d’un scalpel sera donc autorisée (excluant la méthode par torsion aussi parfois pratiquée). L’anesthésie vise à réduire la douleur pendant la castration, tandis que l’analgésie s’attaque à la douleur post-opératoire.

Anesthésie locale ou générale ?

Le nouvel arrêté répond clairement à cette question : seuls les vétérinaires « peuvent pratiquer des opérations de castration ». Mais les éleveurs et leurs salariés sont aussi autorisés à la pratiquer « par dérogation » pour les animaux « âgés de sept jours ou moins ». D’après un autre arrêté également paru le 27 février au JO, les éleveurs peuvent aussi réaliser « l’application de tout traitement analgésique ou anesthésique local visant à atténuer ou supprimer la douleur ». Cette possibilité était réclamée par les représentants professionnels, qui ne souhaitaient pas devoir recourir aux vétérinaires pour effectuer l’anesthésie avant castration. Là où le cadre réglementaire est plus ouvert, c’est sur la question du ‘comment’. Par exemple, l’arrêté ne précise pas si l’anesthésie des porcelets devra être locale ou générale. Une différence de taille, car une anesthésie générale nécessite des investissements plus lourds. Cette technique est utilisée notamment en Suisse et le sera en Allemagne en 2021, d’après l’Ifip (Institut technique du porc).

Flou sur le mode opératoire

D’après Valérie Courboulay, en charge du bien-être animal à l’Ifip, la France s’orienterait plutôt vers « l’anesthésie locale par injection intra-testiculaire, plus facile à réaliser ». Une méthode déjà pratiquée et documentée dans les pays nordiques (Suède, Norvège et Danemark), ce qui ne veut pas dire qu’elle pourra être calquée telle quelle dans l’Hexagone. « Il y a eu beaucoup d’études dans ces pays, qui utilisent la lidocaïne. Mais en France, le produit à disposition des éleveurs est à base de procaïne. Il y a eu assez peu d’essais, mais il semblerait que la procaïne soit un peu moins efficace. » Autre inconnue : le mode opératoire précis – et notamment le « délai à respecter entre l’injection et la castration », ajoute-t-elle. Et de préciser que « l’Ifip n’a pas été sollicité pour préciser la méthode. »

Rémunération des producteurs

« Aujourd’hui, il ne faut rien s’interdire », estime au contraire François Valy, président de la FNP (producteurs de porcs, FNSEA). Au-delà de la méthode, cet éleveur morbihannais insiste sur la rémunération des producteurs et la répercussion des surcoûts : « On ne veut pas qu’il y ait de différence de rémunération entre éleveurs de mâles entiers et de mâles castrés. » Sur ce point, les entreprises rencontrées par son syndicat au Salon de l’agriculture 2020 ont fait preuve de « plus d’écoute qu’en 2019 ».

Un temps de formation incompressible

La filière porcine pourra-t-elle finalement tenir l’objectif d’arrêter la castration à vif d’ici fin 2021 ? « Deux ans, c’est loin… mais en même temps ça passe vite », résume François Valy. Pour l’Ifip, un point crucial sera la formation des éleveurs. « C’est très long de former tous les éleveurs », soupire Valérie Courboulay. Elle rappelle que les producteurs sont déjà en train de l’être sur la biosécurité et devraient l’être, à terme, sur le bien-être animal (en lien avec la création du rôle de référent bien-être animal en élevage). Et, comme s’inquiète l’experte de l’Ifip, « aujourd’hui, on ne sait pas clairement qui va avoir ce rôle. »

Un surcoût de 48 centimes par porcelet

La prise en charge de la douleur occasionnera un surcoût non négligeable, « chiffré à 17 centimes par porcelet pour l’analgésie et 31 centimes par porcelet pour l’anesthésie », rappelle Valérie Courboulay. Des sommes qui comprennent le produit utilisé et la main-d’œuvre. « Le temps de travail est doublé, poursuit-elle, car il faut prendre les porcelets deux fois. » Les éleveurs et l’amont de la filière pourront-ils faire répercuter ce surcoût à l’aval ? Le contexte n’est guère favorable : les industriels – de la charcuterie notamment – sont aujourd’hui pénalisés par la flambée des prix de la viande de porc, qu’ils n’ont pu répercuter qu’en partie aux distributeurs.


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