Le 9 juillet 1993 : un agriculteur sur trois s’installe sans aide

Texte tiré des archives de Paysan Breton : 

De plus en plus d’agriculteurs démarrent sans aucune aide. Le phénomène s’accroît et devrait déboucher sur une réflexion sur la politique actuelle d’installation. Analyse de la situation en Bretagne et Rhône-Alpes.
De plus en plus d’agriculteurs s’installent sans aide. Sur de petites structures et dans des conditions précaires. Souvent pour échapper au chômage. « Ils vivotent » en marge de toute forme d’organisation professionnelle, en marge de la collectivité aussi, de laquelle ils attendent peu, mais pour laquelle ils ne sont pas une charge.
Ce phénomène, alimenté par la mauvaise conjoncture, et appelé à se développer au cours de la décennie, fait de l’agriculture un secteur tampon à la crise de l’emploi. Il est aussi d’une certaine façon une garantie d’entretien de l’espace, car les installations non aidées se font sur des unités sans grand intérêt pour de véritables entrepreneurs.

En tout état de cause, le développement des installations non aidées va amener une remise en plat de la politique de l’installation. Les questions sont nombreuses quant à la validité de son cadre réglementaire. Et en particulier quant aux exigences en matière de formation, qui fonctionnent aujourd’hui comme « une mécanique d’exclusion ». L’enjeu est celui du devenir de l’installation. Il relève de décisions politiques et de choix économiques dans tous les cas assortis de conséquences sociales importantes.

En Bretagne et en Rhône-Alpes

On ne dispose pas aujourd’hui de rapport national sur la question des installations non aidées. En revanche certaines régions, Rhône-Alpes la première, puis la Bretagne, ont mené des études très précises sur le sujet. Et des chiffres circulent dans plusieurs autres départements. Une enquête complète sur l’ensemble du pays,
financée par le ministère de l’Agriculture et menée par l’Union nationale des caisses centrales de la mutualité agricole, sera rendue publique à la rentrée de septembre.

Les enquêtes régionales portent sur la période 1984-1988, significative parce que bornée par la mise en place des quotas laitiers en 1984 et celle de la nouvelle réglementation concernant l’installation avec le décret de février 1988. Elles ont été menées par les CRJA (Centre régional des jeunes agriculteurs), les Chambres d’agriculture, les Draf (Association départementale pour l’aménagement des structures des exploitations agricoles en collaboration avec la MSA (Mutualité sociale agricole). Il en ressort que près d’un agriculteur sur trois en Bretagne, un sur deux en Rhône-Alpes s’installe aujourd’hui sans aides. Et que le phénomène va s’accentuer au regard de la progression des chiffres sur la période observée. À cela s’ajoutent la conjugaison de la réforme de la Pac et le niveau des diplômes désormais requis pour s’installer.

Les nouveaux exploitants

Les agriculteurs qui s’installent sans aide sont plutôt plus âgés que ceux qui suivent un parcours classique. Ils ont près de 30 ans —les autres en ont en moyenne 26— et sont plus fréquemment mariés (en Bretagne, en Rhône-Alpes c’est l’inverse) que les autres exploitants. Pour deux raisons : ils ont souvent été aides familiaux, avant de reprendre l’exploitation de leurs parents. Ou ils ont eu une autre expérience professionnelle avant. Et c’est alors, suite à un licenciement, qu’ils s’installent en agriculture.

En Bretagne, s’y ajoute le fait que ce type d’installations concerne une très forte proportion de femmes (39 % contre 8 % pour l’autre catégorie). Leurs époux ont généralement une activité non agricole. Près de la moitié des ménages enquêtés (46 %) ont au moins une source de revenu extérieur. Ils sont tous d’origine rurale et une très grande majorité a des parents agriculteurs.

Le niveau de formation est faible. En Rhône-Alpes, 58 % des chefs d’exploitation ont seulement une formation agricole primaire ou pas de formation. En Bretagne, un tiers des agriculteurs n’a aucune formation, agricole ou autre. La moitié n’a pas de formation agricole. Cela n’est le cas que de 9 % des agriculteurs installés avec des aides.


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