La première mission du MPB est de « faire le prix dans la transparence ». - Illustration Le marché du porc, si utile et si fragile
La première mission du MPB est de « faire le prix dans la transparence ».

Le marché du porc, si utile et si fragile

Chahuté, le marché du porc a vacillé en 2015. Il est reparti sur de nouvelles bases. Retour dans les coulisses du MPB, créé par et pour les éleveurs.

11 h un jeudi matin d’avril, à Plérin. 31 600 porcs sont proposés à la vente par 207 éleveurs ce jour-là. Bien loin des 60 000 porcs mis à la vente il y a 10 ans. Ce « marché directeur » du jeudi comme on dit dans le jargon du MPB déterminera pourtant le prix de presque tous les 440 000 porcs charcutiers vendus cette semaine en France. Mais ce jeudi d’avril, l’ambiance n’est pas des plus enthousiastes. Depuis plusieurs séances, les acheteurs appuient à la baisse. Ou tout simplement ne s’empressent pas à presser le bouton qui permet de faire monter les enchères, comme le veut la loi du commerce. La fin des enchères sonnée, il va falloir attribuer des lots de porcs sans enchères aux acheteurs. C’est la règle. Une règle écrite dans la convention de marché et signée par les acheteurs et les éleveurs.

Un lieu où se fait le prix

Mais ce jour-là, si certains acheteurs font mine de ne pas avoir besoin de marchandise, ce n’est pas qu’ils ont assez de cochons. Le MPB est d’abord une instance où se fait le prix. Ou plutôt, un lieu où se bataille le prix en toute transparence. Donc un endroit où s’exercent des pressions entre abatteurs et éleveurs. Assister au marché du porc prouve, pour celui qui en douterait encore, que le partage équitable de la valeur ajoutée au sein des filières est une vision idyllique des discours feutrés prononcés en tribune. Les marges ne se partagent pas, elles s’arrachent. Un centime est un centime. Surtout quand il s’applique à chaque fois sur des milliers de cochons.

Observer le déroulement des chiffres digitaux qui défilent sur le cadran du MPB de Plérin au fil des lots mis à la vente rappelle en effet que tout marché n’a rien d’un monde de bisounours. Cela, des éleveurs bretons éclairés le savent depuis les années 70. C’est ce qui les a poussés à créer le marché au cadran du porc, à l’instar de ce qui s’est fait dans le légume et le bovin. Ces éleveurs, lucides sur la formation d’un prix dépendante de la confrontation de l’offre et de la demande, n’ont pas attendu les EGA (États généraux de l’alimentation) de 2018 pour comprendre que l’organisation des producteurs est la clé de voûte pour défendre le prix à la production. Car que proposent aujourd’hui les EGA censés réorienter davantage de valeur vers les agriculteurs ? De créer des organisations de producteurs (OP) pour être plus fort. En Bretagne, ces OP existent depuis 1961 avec la création de la Sica de Saint-Pol-de-Léon.

Les EGA proposent également de fixer le prix de vente en rapport avec le coût de production. « Cet outil est déjà à la disposition des éleveurs à Plérin via le marché à livraison différée, aujourd’hui en dormance, démontrant ainsi toute la complexité du système tant pour l’amont que pour l’aval », note au passage François Pot, président du marché du porc. Sauf qu’en bientôt 60 ans, les agriculteurs « ont tendance à perdre ce sens collectif », se désole encore le président. En témoigne le nombre « trop réduit » d’éleveurs qui passent par le MPB pour commercialiser leurs cochons : 750 sur les 3 500 éleveurs bretons.

Transparence dans la formation des prix

Quarante-six ans après sa création, le MPB fonctionne avec les moyens qui sont les siens. De l’extérieur, il semble porté par une poignée d’éleveurs qui, pour mieux convaincre et alerter leurs pairs, ne cessent de répéter les deux missions fondamentales du MPB : « Faire le prix dans la transparence et informer la filière des tendances ». Sont-ils entendus ? « Les jeunes éleveurs, investis dans la gestion de leurs élevages, ne s’intéressent pas assez à la commercialisation de leurs animaux. Se rendent-ils compte qu’une absence de transparence de la formation des prix est la porte ouverte à l’opacité ?», s’interroge François Pot. Il ajoute : « Le MPB, avec Uniporc, protège la filière dans son intégralité. Tout d’abord les élevages, quelles que soient leur taille et leur situation géographique ; les abattoirs qui partent sur un même pied d’égalité à l’achat et la vente de la viande ; et les salaisonniers qui se positionnent dans la transparence des prix en amont ».

Des propos appuyés par Philippe Bizien, président du CRP, rappelant que « le marché, en fixant un prix identique pour tous, et dans la transparence, protège les éleveurs et notamment les plus faibles et les plus éloignés des abattoirs. Ce qui n’est pas le cas ailleurs en Europe. La problématique actuelle est que les deux principaux abattoirs ne participent pas – ou très peu – à la construction du prix ; que le prix n’est pas respecté par tous ». Et de conclure : « Nous sommes une génération qui n’a pas connu l’avant-marché, mais qui ne sait surtout pas ce que pourrait être l’après… ». 

Un baromètre très important pour les éleveurs

Certains discours politiques ont eu tendance à faire penser pendant la crise de 2015 que la production porcine était mal organisée. Je m’inscris en faux contre cette idée : les éleveurs sont adhérents aux OP de leur choix dans 95 % des cas et peuvent en changer s’ils le souhaitent. L’outil technique qu’est le MPB a été politisé en 2015, c’est vraiment dommage. Aujourd’hui, même si le marché est parfois critiqué, il reste un baromètre très important pour les éleveurs. Néanmoins, je crois qu’une amélioration serait possible grâce à une meilleure stratégie collective entre les OP vendant des porcs par le MPB.Michel Bloc’h, président UGPVB


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