Terre d’essais cherche et trouve

La station d’expérimentation basée à Pleumeur-Gautier (22) lance plusieurs essais pour diminuer les fuites d’azote dans le sol, mais aussi pour favoriser le travail des insectes auxiliaires. Les études menées par la filière légume en Bretagne tiennent sans doute la première place en termes de travaux réalisés sur le continent européen. Que ce soit par le biais des différents organismes de recherche et des coopératives, les producteurs trouvent dans ces parcelles d’essai des réponses techniques pour la production des légumes de demain. Illustrant ces démarches de progression, Guillaume Rostoll, directeur de la station d’expérimentation Terre d’essais, basée à Pleumeur-Gautier (22), explique que « nos recherches sont en partie axées sur les engrais verts sur crucifères. Ainsi, nous expérimentons des cultures à précédent pauvre, où les reliquats d’azote peuvent être importants, mesurés à 120 unités/ha. Nous travaillons alors sur des couverts capables de capter cet azote, et qui le restitueront pour la culture suivante. Une des solutions pourrait passer par des mélanges céréales/légumineuses. Cette dernière, parfois qualifiée de fainéante, pompe l’azote du sol si cet élément est présent dans la terre avant de mettre en place ses nodosités pour capter l’azote de l’air ». Les couverts sont aussi étudiés pour leur faculté à étouffer les adventices, et pour leur effet agronomique. Si la station Terre d’essais est conduite 100 % en agriculture biologique pour les cultures de plein champ et pour moitié en culture sous abris, les techniciens souhaitent faire bénéficier de leurs résultats à tous les producteurs, quel que soit leur système. Un bilan de 6 années Concernant la protection des cultures, les essais sur le matériel végétal vont bon train, en comparant les variétés tolérantes voire résistantes aux attaques de maladies. L’enjeu est important, notamment sur les choux, atteint de mycosphaerella, « les choix variétaux ont un impact direct sur les indices de fréquence de traitements (IFT) ». En production biologique, les solutions sont rares et quand un produit existe, il est bien utile. « Nous terminons un 1er Dephy Écophyto initié en 2012 avec le Caté (1), avec 2 rotations comparées et 4 modalités différentes : la culture reçoit soit 1 pleine dose homologuée, soit ½ dose, soit un produit homologué en bio. Enfin, un témoin ne reçoit aucune protection ». Cet essai sur 6 années, dont les résultats sont en cours de décryptage, concerne une rotation avec 2 années de production d’artichaut Camus, suivie de 2 années de chou-fleur, puis une année d’échalote, une culture de chou-fleur. Un artichaut petit violet vient clore le cycle de la parcelle. L’autre rotation fait suivre des cultures de brocoli, chou-fleur, céréales, échalote, chou-fleur, et se termine par un Cipan. « Après interprétation de ces résultats, nous espérons repartir pour 6 années », témoigne le directeur de la station. Merci aux fleurs Les responsables de la station observent avec attention les solutions de lutte alternatives contre les insectes ravageurs. Une culture de salade a ainsi été conduite aux côtés d’une bande fleurie, capable de servir de réservoir d’auxiliaires. « L’essai a fonctionné, sans toutefois montrer des différences flagrantes avec le témoin sans fleurs. La station est conduite en bio depuis 20 années, les populations d’auxiliaire sont déjà fortement présentes ». Ces auxiliaires très présents en cultures sous abris ont été examinés avec 2 cultures cohabitant pendant un certain temps. « Nous avons testé une culture de courgette de printemps qui précédait un concombre d’automne. Petit à petit, nous avons diminué les plants de courgette pour basculer vers une production de concombre. L’objectif étant de faire migrer les auxiliaires d’un plant à l’autre. L’expérimentation a fonctionné 2 années sur 3 ». Cette réussite, ternie par une année où les insectes ennemis ont été plus importants, montre que les conditions de l’année sont aussi un facteur limitant. Le laboratoire puis le champ Pour expérimenter des solutions alternatives sur une culture, la case laboratoire est obligatoire. « Ce qui ne fonctionne pas en laboratoire ne fonctionnera pas au champ, inutile alors de se disperser dans des essais voués à l’échec. En revanche, ce qui peut être observé en laboratoire ne se vérifiera pas forcément en parcelle d’essais ». Le partenariat avec Végénov, centre de ressources technologiques, fait aboutir des tests de stimulation de solutions de biocontrôle. En cas de résultats positifs, « nous en sommes informés, pour démarrer une expérimentation ». Cette mutualisation des efforts conduit à un essai nommé Vigispore, qui vise à capter les spores de maladies fongiques sur les aliums. « Nous pourrons ainsi développer un outil qui conseillera d’anticiper une récolte d’échalote, attaquée par du botrytis alii, responsable de pourriture lors de la conservation des bulbes ». Des yeux et des oreilles partout Pour certaines cultures, les chercheurs se trouvent confrontés à des impasses. C’est le cas pour l’ail conduit en bio, où « nous n’avons pas de solutions pour lutter contre la rouille. Il ne faut cependant négliger aucune piste, en étant ouvert, avec des yeux et des oreilles ouvertes sur les nouvelles technologies. La robotique peut être une solution, mais nous attendons des procédés plus gros, capables d’intervenir sur des parcelles de petite taille ». Bien souvent, les solutions passent aussi par des idées et des pistes développées par les producteurs eux-mêmes. (1) Comité d’action technique et économique, basé à Saint-Pol-de-Léon (29).

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