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Les leviers pour améliorer le revenu en aviculture

De l’intérêt de la polyvalence

En 2014, Thomas Couëpel a bouclé une « bonne année » en s’appuyant sur un roulement des espèces dans ses deux poulaillers. Il met notamment l’accent sur la production de pintade.

Éleveur de poulets exclusif au départ, qu’est-ce qui vous a conduit aux autres espèces ?

En 2009, le poulet marchait moins bien. Ce marché moins porteur m’a poussé à la diversification. Je venais de bétonner le sol des poulaillers facilitant l’accueil d’autres espèces. Parallèlement, via la résorption au niveau du canton, j’ai saisi l’opportunité de récupérer 5 000 unités d’azote gratuites pour augmenter la capacité de l’atelier. Cela m’a contraint à déposer un nouveau dossier ICPE. Tant qu’à dépenser 4 000 € en démarche administrative pour une autorisation d’exploiter supérieure à  22 poulets / m2, j’en ai profité pour y faire inscrire le maximum d’espèces : dinde, coquelet, pintade…

Thomas Couepel, éleveur à Andel (22)
Thomas Couepel, éleveur à Andel (22)

À l’époque, le groupement Savel cherchait à placer de la pintade. En 2010, vous tentez l’aventure. Quelle différence par rapport au poulet ?

D’abord, en pintade, le temps d’élevage est de 77 jours, soit la durée pour mener 1,5 bande en poulet. Cela signifie donc moins de démarrages et moins d’enlèvements. Doublé d’une gestion sanitaire plus simple. Ensuite, la pintade est démarrée en double densité, dans un seul des deux bâtiments. Dans le second, il est ainsi possible de mener en dérobée une bande de coquelets ou de poulets aux cycles plus courts. Avec à la clé, l’idée d’améliorer la rentabilité en limitant les périodes de vide.
Depuis ce coup d’essai, j’ai élevé un ou deux lots de pintade chaque année. En marge PA, on parle de 12 ou 13 € / m2 en pintade. Au départ, j’ai suivi les conseils du technicien et j’ai eu la chance de ne pas avoir de problèmes sanitaires.

La pintade réclame aménagements et savoir-faire…

En effet. Il faut par exemple compartimenter l’espace. Dans 1 200 m2, à l’aide de cloisons grillagées d’1 m de haut, je crée 4 zones séparées, recevant chacune 5 000 poussins. Cet animal à l’instinct grégaire se déplace en masse. En formant ainsi des groupes plus petits, on réduit les risques de griffure et de tassement quand on entre dans l’enceinte. Car une pintade griffée, c’est une saisie à l’abattoir. Au démarrage, l’abreuvement réclame aussi un petit matériel adapté : abreuvoirs siphoïdes, minidrinks, alvéoles … Sans oublier les perchoirs. Au final, j’ai investi 2 000 euros par poulailler.

Au démarrage, les pintadeaux réclament une attention particulière.
Au démarrage, les pintadeaux réclament une attention particulière.

L’expérience montre que les poulets ou coquelets élevés derrière des pintade ont de meilleurs résultats.

Au début, je ne voulais pas le croire. Mais j’ai constaté de meilleures performances sur la bande qui suit : plus de GMQ, moins d’indice de consommation… Avec l’espèce, le microbisme évolue : après pintade, la pression sanitaire est moindre pour le poulet qui suit. Comme s’il entrait dans un bâtiment neuf. À l’arrivée, ce phénomène compense une production de pintade qui peut paraître moins rémunératrice au premier abord. Quand je regarde tout, la pintade vaut le coup.

La diversification pour limiter les vides sanitaires

« Plus souvent les portes des poulaillers sont fermées, mieux un aviculteur se porte. Or, en poulet, à raison de 6 bandes par an pour des vides sanitaires de 15 jours minimum, un bâtiment n’est plein que 9 mois sur 12. Pour abaisser ces périodes improductives, la polyvalence de l’atelier permet de se rabattre sur une autre chose quand la rémunération d’une espèce n’est pas au rendez-vous, ou comme c’était le cas l’année passée avec les turbulences du poulet export.
En 2014, j’ai bouclé une bonne campagne basée sur cette diversification : poulet lourd, poulet export, pintade et coquelet. Auparavant, on nous demandait d’être spécialiste d’une production. Aujourd’hui, la polyvalence en aviculture est devenue stratégique.
Malheureusement, depuis janvier, je n’ai pas encore réussi à rentrer de pintades. La Savel, leader du créneau, ne voudrait plus alimenter les outils des Côtes d’Armor, trop loin des abattoirs. Décevant mais sans recours car nos poulaillers ne sont pas sur roulettes… La lumière pourrait venir, peut être, si d’autres acteurs s’intéressaient à la pintade. Affaire à suivre. »

Pourtant, beaucoup restent focalisés sur le poulet…

C’est vrai. La pintade a souvent été placée chez des éleveurs de dinde ou dans des bâtiments plus âgés, moins fréquemment chez les éleveurs de poulet. Il y a bien sûr l’obstacle de l’investissement en matériel, mais le plus gros frein est dans la tête des aviculteurs qui n’osent pas faire le pas, les préjugés ont la vie dure.
Il faut dire que le démarrage de la pintade est différent du poulet. Elle réclame davantage d’attention. Pendant 3 semaines, il faut disposer l’aliment sur des alvéoles. Réduire l’espace pour que les poussins trouvent aisément les points d’eau et leur nourriture. En fait, ça se rapproche du démarrage de la dinde. J’apprécie car cela nous ramène à notre métier d’éleveur. En plus du côté économique, cette production est stimulante pour l’animalier. Changer d’espèce, c’est casser la routine et se remettre en cause. Propos recueillis par Toma Dagorn

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