pac - Illustration Une Pac de moins en moins « commune »

Une Pac de moins en moins « commune »

Offrant des marges de manœuvres croissantes aux États membres, la Pac devient « à la carte ». Les choix pris diffèrent selon les pays, traduisant des volontés nationales divergentes à propos de l’agriculture.

« Je pense que la nouvelle Pac n’aura pas une influence si importante sur le secteur de l’élevage. Les producteurs ne devraient d’ailleurs pas dépendre des paiements directs. En Allemagne, les éleveurs attendent avec impatience la fin des quotas pour ne plus avoir à payer de pénalités. » Le ton est donné par Simon Schlueter, représentant des éleveurs laitiers allemands adhérant au syndicat agricole DBV (représentant 90 % des exploitations). Il intervenait lors de la conférence « La Pac dans tous ses États », organisée par l’Institut de l’élevage, le 20 novembre à Paris. Pour la première fois, des acteurs des différents États européens (7 au total) ont pu échanger sur les choix faits aux niveaux nationaux.

Pas trop attendre des politiques

Et que pense l’éleveur allemand de la volatilité ? « Les marchés fonctionnent avec des hauts et des bas, c’est comme ça. Il ne faut pas attendre uniquement des politiques pour la diminuer. » L’objectif de rentabilité des exploitations est clairement affiché. Des mesures ont toutefois été prises par le gouvernement en faveur des petites exploitations et des jeunes installés dans le 1er pilier de la Pac, et des zones défavorisées, des ruminants, du bio, du bien-être dans le 2nd pilier…

Aux Pays-Bas, la volonté d’avoir des systèmes compétitifs est forte également. Le choix a été fait d’aller vers une convergence à 100 % des paiements uniques à l’hectare, qui aboutirait à un montant d’environ 380 €/ha. Rappelons que la France a opté pour une convergence à 70 %, avec une limitation des pertes à 30 %. « Nous ne souhaitions pas continuer avec les différences entre producteurs, et nous voulons nous préparer à l’après 2020. Nous n’avons pas non plus fait le choix d’aides couplées », détaille Nico Van Opstal, conseiller aux affaires agricoles à l’ambassade des Pays-Bas. « Nous avons par contre appliqué les 2 % possibles d’aides du premier pilier aux JA. Dans notre pays aussi, les éleveurs laitiers sont optimistes, nous prévoyons une augmentation de production d’environ 20 % en 2015-16. »

En parallèle, ces deux pays sont très attentifs aux attentes environnementales. « 20 millions d’euros du 1er pilier sont mis sur la qualité des eaux et seront doublés par les provinces aux Pays-Bas. » En Allemagne, les producteurs souhaitent lancer le débat avec les citoyens sur les méthodes de production (bien-être, pâturage, antibiotiques…).

La gestion des risques prise en compte en Irlande

Comme la France, l’Irlande a fait le choix d’une convergence limitée. « Cela aurait été trop brutal pour certains producteurs ayant des DPU élevés », explique Rowena Dwyer, économiste à l’Association des agriculteurs irlandais. Si le pays voit d’un bon œil la fin des quotas, il souhaite toutefois mettre en place des outils de gestion des risques comme des contrats à prix fixes. Les producteurs se positionnent sur l’export et souhaiteraient mieux vendre leurs produits, perçus comme haut de gamme.

Au Royaume-Uni, il existe 4 versions différentes de la Pac, une par région, y compris pour les paiements directs. En Angleterre, davantage de soutiens vont être apportés aux régions défavorisées (Upland). En Irlande du Nord, il n’y aura qu’un paiement de base, et en Écosse et Pays de Galles, trois régions de paiement. L’Écosse a par ailleurs fait le choix de maintenir des paiements couplés aux veaux et aux agnelles en 2015. Les différences entre producteurs vont donc être fortes au Royaume-Uni.

La Pologne, 5e bénéficiaire

« La Pac est très importante pour la Pologne. Elle nous a permis de renforcer notre agriculture et notre agroalimentaire, des secteurs qui créent de l’emploi », note Johanna Stachowiak, conseillère agricole à l’ambassade de Pologne. Sur la Pac 2014-2020, le pays va passer en 5e position des bénéficiaires, derrière respectivement la France, l’Allemagne, l’Espagne et l’Italie.

En Pologne, le transfert de 25 % de l’enveloppe du 2nd pilier vers le 1er pilier a été décidé dans le but de moderniser les exploitations familiales. Le taux maximal de couplage des aides a été choisi, concernant une longue liste de secteurs (bovins, brebis, chèvres, protéagineux, houblon, tomates…). « La moitié du 2e pilier va aller à l’investissement, 30 % aux actions agroenvironnementales et une grande partie également au développement de groupes de producteurs. »

Sur l’Italie, malgré un choix de convergence partielle et des aides couplées, la perte d’aides directes va être très importante pour les producteurs intensifs de viande bovine. Avec la crise économique qui pénalise la consommation, certaines exploitations pourraient arrêter l’engraissement.
En Espagne, la nouvelle Pac s’oriente vers l’abandon des zones défavorisées au profit des fermes plus intensives, ce qui pourrait entraîner une baisse du cheptel extensif. Les éleveurs font par ailleurs pression sur l’État pour que les paiements directs soient orientés vers les personnes actives, travaillant sur les exploitations. Un débat qu’on connaît également en France… Agnès Cussonneau

L’avis de Jean-Pierre Fleury, Président de la Confédération nationale de l’élevage

Plus on progresse dans la mondialisation, plus chacun reste chez lui, avec ses propres choix de Pac. L’UE a du mal à faire sa place. Pourtant nous devons déjà préparer l’après 2020 et resserrer les rangs pour maintenir le budget de la Pac. L’OCM pourrait aider à la genèse de la future réforme incluant des mesures fortes de gestion de crises. L’embargo russe actuel devrait être l’occasion pour l’Europe de construire des solutions et avancer sur les aléas. Ou veut-t-on simplement aller vers le modèle américain et laisser faire le marché ?


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