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Porcs : la production sans antibiotiques

Pour produire des porcs sans antibiotiques, les Danois partent avec un petit avantage. Ils utilisent l’oxyde de zinc, interdit en France, dans l’aliment après le sevrage.

L’industriel danois Danish Crown a annoncé, le 22 octobre, qu’il lancera, à partir du 1er décembre, une production expérimentale de porcs charcutiers sans antibiotiques. « L’expérimentation porte sur cinq élevages et doit permettre d’évaluer ce que cela coûte de produire des porcs charcutiers sans antibiotiques », explique l’entreprise. Danish Crown va évaluer le coût d’un tel mode d’élevage sur l’engraissement des porcs, mais aussi sur la phase de naissage.

À dose médicamenteuse, le zinc protège contre certains pathogènes

À 2 500 mg/kg d’aliment, l’oxyde de zinc stabilise et accroît la diversité des bactéries intestinales. Il renforce la fonction de la paroi intestinale, limite l’adhésion des souches d’E. Coli aux cellules intestinales et agit sur les fonctions immunitaires selon des mécanismes non identifiés. Il peut donc être utilisé en prévention de diarrhées d’intensité modérée. Son utilisation a permis de réduire l’usage de la colistine dans les pays l’ayant autorisé. Le zinc est indispensable à l’organisme (à doses modérées). Une carence entraîne une baisse d’appétit, des retards de croissance, des diarrhées et de la parakératose (dermatose).

Phase délicate en post-sevrage

La difficulté réside essentiellement sur la phase post-sevrage. Il faut noter que les éleveurs danois, comme les Polonais, les Italiens ou les Espagnols, sont autorisés à utiliser l’oxyde de zinc, à des doses médicamenteuses (2 500 à 3 000 mg/kg d’aliment), dans l’alimentation de leurs porcelets en phase de 1er âge. Le zinc agit comme un pansement intestinal. La réglementation européenne impose un maximum de 150 mg/kg d’aliment pour tous les stades physiologiques, mais l’usage médicamenteux est possible dans le cadre d’une prescription vétérinaire dépendant de la réglementation nationale.

En France, la supplémentation à des doses médicamenteuses n’est pas autorisée, pour des raisons environnementales. La teneur en oxyde de zinc se limite donc à 150 mg/kg d’aliment à chaque stade de croissance. « À ce dosage, 94 % du zinc ingéré par l’animal pendant la phase sevrage-vente est rejeté par l’organisme », indique Didier Gaudré, de l’Ifip. « Il n’y a pas d’accroissement de la rétention par l’organisme lorsque l’apport augmente ». Autrement dit, la grande majorité du zinc se retrouve dans la nature, d’où son interdiction à des doses médicamenteuses.

La réglementation peut-elle évoluer en France ?

Dans son rapport de 2013 sur l’évaluation « bénéfice-risque » de l’utilisation de l’oxyde de zinc (dans le cadre de la lutte contre l’antibiorésistance), l’Anses considère qu’il est efficace sur les problèmes digestifs à la dose de 3 100 ppm et pour une durée maximale de 14 jours, en prémélange médicamenteux pour les porcelets en post-sevrage. Son utilisation impliquerait la mise en place de mesures de gestion et de surveillance de la résistance croisée avec certains antibiotiques, et d’une surveillance annuelle des quantités utilisées au niveau national. L’agence préconise de n’utiliser le zinc que dans des élevages avec ateliers d’engraissement, et ne traitant pas les lisiers avant épandage. La balle est dans le camp des pouvoirs publics.

Modérer l’apport de zinc en fonction de l’âge

Il serait pourtant possible d’utiliser des doses élevées dans l’aliment 1er âge, pour protéger le porcelet au moment du sevrage, puis de diminuer l’apport à 100 mg/kg dans les autres aliments, sans affecter les performances animales, selon le chercheur. Au total, les rejets sont équivalents (voir tableau).

[caption id=”attachment_4876″ align=”aligncenter” width=”300″]Rejets d'oxyde de zinc selon les doses contenues dans l'aliment Rejets d’oxyde de zinc selon les doses contenues dans l’aliment (aliment consommé sevrage-vente : 280 kilos)[/caption]

C’est la voie qu’ont choisie les Danois qui leur permet de limiter le recours aux antibiotiques à spectre digestif, voire même d’envisager de les supprimer après le sevrage. Ils devront également développer toutes les mesures préventives pour éviter les autres problèmes (respiratoires, boiteries..) qui peuvent nécessiter le recours aux antibiotiques, tout au long de la vie de l’animal. À noter qu’en  France, la Cooperl commercialise depuis juin des produits de porcs élevés sans usage d’antibiotiques, à partir de la fin du sevrage. Bernard Laurent


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