Lanvallay (22)
Mathilde Jouault s’est installée le 1er mars 2022 comme productrice de fleurs sur 1 ha appartenant à la mairie de Lanvallay (22), près de Dinan. Trois ans plus tard, l’endroit est métamorphosé. À l’arrivée de la jeune femme, un couvert jonchait ce terrain longtemps exploité en rotation courte blé – maïs. Aujourd’hui, la parcelle est occupée par des rangées de plantes et 900 m2 de tunnels. Un décor bucolique et chamarré. « Aussitôt, j’ai clôturé l’espace car l’endroit était fouillé par la faune sauvage. Sangliers, chevreuils et lièvres apprécient de croquer les petits boutons floraux. » Suite aux analyses de sol, la fille de maraîchers mayennais a effectué un labour, fait des apports d’amendement, de fumier de bovin et de compost de déchets verts. « Pour obtenir des fleurs nombreuses et de la longueur de tige, il faut des plantes bien nourries et donc un sol vivant, bien fertilisé et structuré. »
En France, 80 à 85 % des fleurs sont importées
Les fleuristes passent chercher leurs fleurs
En préparant son installation en mode accéléré (un pied en BTS horticole en un an à la MFR de Saint-Grégoire, un pied dans son parcours 3P avec la Chambre d’agriculture), la jeune femme a réalisé une étude de marché en rencontrant des dizaines de fleuristes du secteur pour collecter leurs besoins et présenter son projet de fleurs coupées produites localement et en bio. « Plus jeune, j’ai fait les marchés le week-end avec mes parents. En créant mon entreprise, je voulais au contraire des horaires de travail vraiment compatibles avec la vie de famille. » Ses fleurs sont donc en grande majorité vendues à des professionnels, une trentaine aujourd’hui. « Le jeudi, je liste ce qui sera disponible la semaine suivante : fleurs, couleurs, tarifs… En fonction, mes clients passent commande », explique la productrice. La récolte en bottes a lieu les lundis et mercredis. Les fleuristes passent les mardis et jeudis en matinée récupérer les fleurs réservées. « C’est un peu le nœud du problème : pour avoir de la fleur locale, le commerçant doit sortir de sa zone de confort et faire l’effort de venir la chercher. » Quelques fleuristes jouent à plein la carte de la fleur locale en communiquant par exemple « Ces fleurs sont bretonnes ». D’autres, la majorité, intègrent la production d’ici plutôt comme une diversification de leur offre.

Relocaliser la production
« En France, 80 à 85 % des fleurs commercialisées sont importées. C’est une situation très difficile à faire évoluer », regrette la Costamoricaine. Le gros du marché concerne des fleurs produites à l’autre bout du monde – avant de prendre l’avion et d’être stockées en chambre froide – ou parfois plus près, comme aux Pays-Bas dans des serres chauffées et éclairées, pointe l’observatrice alors que l’enjeu de la décarbonation ne quitte pourtant plus le débat public.
« Une production désaisonnée comme pour les fruits et légumes dont le consommateur n’a pas conscience. Offrir des roses à la Saint-Valentin a toujours été une aberration par exemple. Chez moi, en février, c’est l’arrivée des premières anémones… »
Des fleurs et des feuillages
En tant que productrice locale, Mathilde Jouault est « une alternative » proposant de mars à novembre une gamme variée et différente de celle des grossistes. « Des fleurs du terroir qui ne sont pas cultivées par les gros producteurs internationaux car ce sont des espèces – comme le rudbeckia par exemple – qui ne supportent pas le transport, le frigo ou dont la production n’est pas assez homogène pour un commerce très standardisé. »
Durant la saison, plus d’une centaine d’espèces (dont environ 60 annuelles) comprenant parfois plusieurs variétés sont récoltées sur la parcelle. Des fleurs mais aussi « du feuillage et des branches d’arbustes » qui apportent du volume et d’autres couleurs et formes aux bouquets, des plantes parfois communes auxquelles on ne pense pas forcément : framboisier, cassis, millepertuis (« pour ses fleurs et ses baies »), eucalyptus, pittosporum et même des aromatiques comme la menthe ou le basilic.
La culture sous abri permet d’étirer la saison. Un nouveau bi-tunnel vient d’ailleurs d’être inauguré « apportant de la souplesse pour allonger les rotations ». Enfin, pour s’adapter à l’absence de production de décembre à début mars en Bretagne, Mathilde Jouault sèche des fleurs l’été pour avoir des produits à commercialiser dès septembre.
Toma Dagorn
Contact : www.cueilliestoutpres.fr





Gagner en visibilité auprès des fleuristes
« La fleur est une activité chronophage et aussi physique que le maraîchage », confie Mathilde Jouault avec trois ans de recul. Alors qu’elle va créer un temps plein salarié, son but est désormais « d’augmenter la production et le volume de fleurs commercialisées et de trouver le bon équilibre en développant les espèces qui ont la meilleure rentabilité ». Elle adhère à l’association « Les Fermes florales bio » qui rassemble une trentaine de producteurs. Objectif : « Gagner collectivement en visibilité et crédibilité autant auprès des fleuristes que des fournisseurs de semences pour stimuler le développement de l’offre. »