Le système herbager se veut indémodable

En décembre, à Plérin, le Cédapa fêtait ses 40 ans de recherche, de formation et de combats. Les présidents successifs sont revenus sur l’histoire de la structure avant de laisser la place aux témoignages marquants de jeunes adhérents comme Alan Goaziou.
En 2014, quand Alan Goaziou rejoint l’élevage familial à Ploubezre, ce dernier compte 70 laitières sur 100 ha. Installé en 1980, son père a vu la mise en place du régime des quotas et s’est engagé au fil du temps dans un modèle « très » intensif. « En rejoignant le Gaec, sortant tout juste de l’école, j’ai repris 50 ha et accepté 300 000 L de droits à produire proposés par notre laiterie. La plus grosse bêtise de mon début de carrière… », tranche, sans concession, le jeune homme. Le projet était alors de produire 950 000 L de lait à deux associés accompagnés d’un salarié. Rapidement confronté à la crise laitière de 2015 et au problème de santé de son père, le Costarmoricain, ébranlé tant sur le plan moral que financier, « ne voit pas le bout le bout du tunnel » et se questionne.
Accompagnement par les pairs
Une porte ouverte dans une ferme engagée en système herbager à Bourbriac va constituer un premier déclic. « Dans la foulée, des voisins administrateurs du Cédapa sont venus chez nous. Nous avons longuement discuté, mis les chiffres sur la table. Sans eux, je n’aurai sans doute pas pu convaincre mon père tant le pas à faire était énorme pour faire évoluer notre ferme. » Alan Goaziou intègre rapidement le groupe Trégor 2 rassemblant des éleveurs herbagers de son secteur. « À l’époque, je ne pensais pas que les routes étaient traversables par mes vaches. J’avais peur de les emmener à plus de 200 m du bâtiment. Le groupe est venu deux fois chez moi et m’a rassuré. Sans jamais me juger, les collègues m’ont tout de suite donné des solutions. Aujourd’hui, le troupeau pâture parfois à plus d’un kilomètre et le silo de maïs est fermé de début avril à début septembre », raconte-t-il.
En peu de temps, l’assolement du Gaec de Pen ar Stang – qui comptait 60 ha de maïs, 50 ha de céréales et 50 ha de prairies en 2015 – est bouleversé suite à la signature d’un contrat de Maec en 2016. 18 mois plus tard, l’herbe couvre plus de 100 ha de la SAU et le maïs plus que 15 ha. « Bien sûr, j’ai eu des craintes même si j’étais convaincu. Mon conseiller laitier et mon comptable me freinaient car cette voie était une rupture profonde par rapport au plan de développement sur 5 ans de mon installation alors que des investissements avaient déjà été faits… »
Une bonne assise économique
En 2018, la ferme a même été engagée dans une conversion à l’agriculture biologique. Elle emploie désormais 4,5 UTH (2 associés, 2 salariés, 1 apprenti) pour un troupeau de 120 vaches (700 000 L de lait produits) sur 180 ha de SAU. « Ce changement de système redonnant de la place au pâturage a changé nos vies. Sans cela, après le décès de mon père, je n’aurais jamais eu le moral de continuer », confie Alan Goaziou qui travaille désormais avec son frère Pol installé en 2021. « Aujourd’hui, nous avons trouvé un bon équilibre. Nous sommes d’astreinte seulement un week-end sur quatre. Nous arrivons à prendre des vacances. » L’EBE est stable depuis 3 ans autour de 220 000 € (pour 134 000 € d’annuités). « Notre exploitation est désormais bien assise économiquement », termine le jeune éleveur, administrateur à son tour du Cédapa « pour rendre ce que l’on m’a donné ».
Les prairies importantes comme les arbres
Le Cédapa compte aujourd’hui 185 adhérents et fête ses 40 ans. Quelle belle histoire ! Et pourtant le combat, rude, de notre réseau se poursuit face à des gens qui ne nous écoutent pas. Concernant la nouvelle Pac, nous sommes par exemple abasourdis de découvrir que les instances ont dessiné une carte avec des secteurs à « enjeu eau » : en zonant le territoire concernant l’accès ou non à certaines Maec, nous revenons en arrière ! Nous devons encore travailler la reconnaissance de la prairie : la société doit savoir que conserver des surfaces en herbe est aussi important que de planter des arbres. Fabrice Charles Président du Cédapa