- Illustration Itinéraire d’un paysan breton
Libéré de ses principaux mandats, Christian Péron va pouvoir maintenant profiter davantage de ses proches, de son potager et des parties de boules entre amis qu’il affectionne.

Itinéraire d’un paysan breton

Durant des années, il aura incarné l’attachement agricole du Crédit Mutuel de Bretagne. Fervent partisan du modèle coopératif, défenseur acharné de l’agriculture bretonne, Christian Péron a porté la voix de la profession au plus haut niveau. Avec passion et conviction. Retour sur le parcours hors norme de celui qui « ne s’est jamais pris pour un banquier ! »

Grands champions de lutte bretonne, son père et son oncle ont donné leur nom à une prise, le « Taol Peron » ou « Coup de Péron », que les écoles de Gouren enseignent toujours aujourd’hui. Logiquement, la tradition familiale aurait donc dû le conduire à s’exprimer sur les palens de Bretagne. Mais c’est finalement sur un tout autre terrain que Christian va donner libre cours à son esprit combatif : celui de la promotion de l’agriculture et du modèle coopératif.

Devenir agriculteur a toujours été une évidence pour cet enfant de Bannalec issu d’une longue lignée de paysans. Dès ses années de lycée, effectuées au sein de l’établissement du Nivot, à Lopérec, il prend quelques responsabilités et devient ainsi président de sa classe en terminale. « J’étais pourtant très sujet au trac mais j’ai appris à le gérer au fil des ans ». À 25 ans, il s’installe sur la ferme familiale, épaulé par son épouse Marie-Paule. Quelques années plus tard, à l’occasion d’un achat de terres, le couple décide de faire jouer la concurrence et sollicite une banque qui cherche à s’implanter auprès des agriculteurs : le Crédit Mutuel de Bretagne. « L’approche était différente, elle nous a paru plus humaine, avec une vraie relation de confiance ».

Cette première expérience est concluante, il devient sociétaire. Puis au milieu des années 80, Christian franchit un nouveau pas en étant élu administrateur de la Caisse locale de Bannalec. Il ne le sait pas encore mais c’est le début d’une histoire au long cours qui va s’étaler sur près de quatre décennies. Rapidement, il rejoint en effet le comité de section territoriale de la Caisse de Bretagne de Crédit Mutuel Agricole (CBCMA), la branche spécialisée du CMB où ne siègent que des agriculteurs. Une Caisse de Bretagne dont il va gravir les différents échelons avant de succéder à l’emblématique Amand Denieul au poste de président, en 2006. « J’ai énormément appris aux côtés d’Amand. C’est lui qui m’a expliqué les rouages du CMB. Il fait partie de la génération des pionniers, de ceux qui se sont battus pour que les agriculteurs aient le choix de leur partenaire bancaire ! Moi, j’ai toujours été un partisan de la saine et loyale concurrence. Cela tire tout le monde vers le haut. Et au final, cela bénéficie aux agriculteurs ! »

Une exigence morale

L’année 1990, date à partir de laquelle le Crédit Mutuel de Bretagne a eu le droit de distribuer les prêts bonifiés à l’installation, reste d’ailleurs gravée dans sa mémoire. « C’est à partir de ce moment-là que nous avons vraiment pu nous développer en agriculture. Nous avions enfin une gamme complète nous permettant d’accompagner les agriculteurs bretons dans toutes les étapes de la vie de leur exploitation ». Une opportunité que le CMB ne laissera pas passer. « Cela nous a ouvert des portes et… permis d’en forcer d’autres ! », reconnaît Christian.

Se méfiant des « professionnels de la représentation », lui qui se veut un représentant professionnel a toujours mis un point d’honneur à être parfaitement crédible dans son activité agricole. « C’était pour moi une forme d’exigence morale. Je ne pouvais pas être un “ambassadeur” du métier avec une exploitation en vrac… » Alors, sur la ferme de Kerantiec, les journées ont parfois été longues entre les cochons, le lait et les différentes réunions à travers la Bretagne. Mais Christian ne regrette aucun de ses engagements passés. « J’ai adoré ma vie. Et j’ai le sentiment qu’avec mes collègues administrateurs et les salariés du Crédit Mutuel de Bretagne, nous avons formé un vrai collectif et réalisé du bon travail ensemble. Le CMB fait aujourd’hui partie intégrante du paysage agricole en Bretagne. Nous sommes devenus un acteur de référence du secteur. Lorsque je constate que les jeunes qui s’installent sont de plus en plus nombreux à nous faire confiance pour les accompagner, c’est la plus belle des récompenses. La belle histoire de la Caisse de Bretagne, créée en 1926 par des agriculteurs pour des agriculteurs, se perpétue ».

[caption id=”attachment_46295″ align=”aligncenter” width=”720″] « Marie-Paule m’a suppléé sur l’exploitation lorsque j’étais absent, elle m’a toujours soutenu dans mes engagements. Sans elle, rien de tout cela n’aurait été possible ! »[/caption]

Les rencontres humaines

Rassembleur, veillant à défendre la pluralité de l’agriculture sans jamais opposer entre eux les tenants des différents modèles, Christian a su fédérer les énergies pour faire avancer ses dossiers : méthanisation, portage du foncier, prestation de service environnemental… Reconnu et apprécié par ses pairs – il faut l’avoir vu se frayer un chemin dans les allées des salons agricoles… –, Christian ne cache pas son émotion au moment de tourner la page de la Caisse de Bretagne. « Cette maison, je l’ai vraiment dans les tripes. Sans doute parce que je m’y suis senti considéré, et même aimé ». De ce parcours d’excellence qui l’aura vu occuper des fonctions au plus haut niveau (y compris à l’échelon national avec la présidence du Crédit Mutuel Agricole et Rural qu’il assuma durant plusieurs années), lui retient surtout la richesse des rencontres humaines.

« Avec mes collègues de la Caisse de Bretagne, nous avons noué des liens forts. Dans le monde agricole, nous avons pour habitude de nous dire les choses parfois de manière assez “cash”. Mais il y a toujours eu du respect et de la bienveillance. J’ai également eu la chance de former des binômes très complémentaires avec Jean-Pierre Denis et Philippe Rouxel, les dirigeants du CMB, et les spécialistes du marché de l’agriculture ». Et puis il y a eu ces moments d’exception avec des personnalités qu’il n’aurait jamais imaginé croiser un jour : le climatologue et prix Nobel Jean Jouzel, les académiciens Erik Orsenna et Michel Serres… « Entendre ce dernier expliquer que le nom latin pagus est à l’origine des beaux mots que sont pays, paysan, paysage reste pour moi un souvenir presque magique. C’était un grand philosophe mais surtout un conteur extraordinaire et je suis ravi d’avoir pu faire partager cette expérience à l’occasion du 90e anniversaire de la Caisse de Bretagne ».

Rendez-vous en 2026

En tant que président de la CBCMA, Christian a également eu le plaisir d’effectuer deux mandats à la tête du Conseil d’administration de Paysan Breton, dans le cadre de la présidence tournante existant entre les trois principaux actionnaires. « C’est un journal que j’ai toujours connu, mes parents le recevaient déjà. Il a accompagné ma vie et j’y suis toujours resté fidèle. Je le lis de la première à la dernière page, en commençant systématiquement par l’éditorial ».

Libéré désormais de ses principaux mandats, Christian va avoir davantage de temps à consacrer à sa famille, à l’entretien de son potager et aux parties de boules disputées entre amis sur les terrains qu’il a aménagés dans d’anciens bâtiments de son exploitation. Une perspective qui n’est pas pour déplaire à ses proches. « Récemment, l’une de mes petites filles, avec ses mots d’enfant, m’a dit : Mamie et moi, nous sommes contentes. Maintenant, Arkéa va te laisser tranquille ! Cela m’a fait réaliser tout ce que je dois à mon épouse Marie-Paule qui m’a suppléé sur l’exploitation lorsque j’étais absent et toujours soutenu dans mes engagements. Sans elle, rien de tout cela n’aurait été possible… »

Il est pourtant une dernière obligation que Christian a à cœur d’honorer. Et elle est programmée pour 2026. « La Caisse de Bretagne fêtera alors ses 100 ans. Je veux être là pour célébrer la modernité de cette centenaire, en phase avec son époque et respectueuse de ses racines ». Le rendez-vous est pris !

Jean-Yves Nicolas


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