Le besoin en fonds de roulement : un investissement trop souvent sous-estimé

 - Illustration Le besoin en fonds de roulement : un investissement trop souvent sous-estimé
Un BFR de 1375 € par vache en élevage laitier.
Le décalage dans le temps entre les dépenses engagées par une entreprises et les recettes perçues crée un besoin de trésorerie. Évaluer cette avance d’argent et en prévoir le financement est primordial au démarrage d’une activité ou lorsque celle-ci s’accroît.

L’exploitation agricole doit en permanence avancer de l’argent pour réaliser sa production (approvisionnements, travaux réalisés par les tiers, assurances, fermages, salaires, etc.) avant de le récupérer dans le règlement des ventes. Elle fait aussi l’avance des crédits consentis aux clients qui ne règlent pas tout de suite les livraisons qu’ils ont reçues. À l’inverse, le fait de ne pas payer immédiatement les fournisseurs diminue le poids de cette avance. Ce décalage de trésorerie entre dépenses et recettes constitue le besoin en fonds de roulement (BFR) ou besoin de financement du cycle d’exploitation.

En termes comptables, il se mesure le plus souvent à la clôture de l’exercice à partir du bilan (BFR = stocks et encours de production + créances clients – dettes fournisseurs et dettes sociales). Il peut être considéré comme un investissement obligatoire du fait de son caractère permanent et financé comme tel. L’intérêt principal du BFR se situe en analyse prévisionnelle.

À partir du bilan du cédant

Lors de la reprise d’une exploitation, le besoin de financement du cycle d’exploitation peut s’apprécier à partir du bilan du cédant.  Les études apportent aussi un éclairage. Les résultats de 894 exploitations laitières spécialisées accompagnées par Cerfrance Brocéliande montrent un BFR proche de 100 000 €. Ces structures commercialisent 530 000 litres de lait et disposent de 83 ha, dont 23 ha de cultures de vente. Ainsi le BFR total (incluant l’ensemble des activités) est de 190 € / 1 000 litres vendus ou 1 375 € par vache.
Pour une exploitation laitière, avec un système de production donné, le besoin de financement du cycle d’exploitation ne descend pas, en cours d’année, en dessous d’un plancher appelé BFR structurel. Celui-ci, à l’instar des investissements, devrait être couvert par des ressources durables : capitaux propres et emprunts à long et moyen terme.

Seule la partie cyclique du BFR, liée notamment aux avances en terre sur les cultures annuelles, peut éventuellement être financée par des crédits de trésorerie : ouverture de crédit, avance sur aides Pac ou prêt de campagne. Le respect de ces règles de financement contribue à la stabilité des équilibres financiers.

Développement, une phase sensible

Une étude Cerfrance/Cniel sur la situation financière de jeunes agriculteurs, en trajectoire de croissance, montre qu’un jeune sur trois se trouve en situation de trésorerie tendue après trois années d’activité. En cause, le besoin de financement lié à la croissance souvent sous-estimé et qui « assèche » la trésorerie de l’exploitation.
Il n’y a pas ou peu « d’économies d’échelle » sur le BFR : l’analyse des résultats des exploitations laitières selon leur taille montre que le BFR évolue de façon assez linéaire avec le niveau d’activité. Augmenter sa production se réalise le plus souvent avec une intensification de la productivité, notamment à la vache, et nécessite entre autres d’adapter le système d’exploitation. Effet indirect de la croissance – et parfois aussi de la robotisation – la surface accessible au pâturage tend à se réduire. La proportion de fourrages conservés augmente et accroît le niveau des stocks alimentaires à financer.

Des BFR variables selon l’activité

En agriculture, le BFR est fortement lié au niveau des stocks nécessaires à l’activité. Il est élevé lorsque le cycle de production est long (exemple : bœuf 30 mois), réduit pour un cycle plus court, voire nul pour les activités sous contrat d’intégration. Une politique de « flux tendus », c’est-à-dire avec des stocks bas tout au long de l’année, est risquée compte tenu des aléas climatiques et sanitaires.
Des délais fournisseurs longs contribuent à réduire les avances d’argent, à condition toutefois que ces délais soient obtenus sans intérêt ni pénalité.
La vente, au détail ou en direct, peut permettre d’éviter les délais de paiement habituels des collecteurs. La vigilance s’impose en vente directe où une facturation tardive et/ou un délai de paiement long accordé à ses clients augmentera le BFR.

Geneviève de Lansalut /Cerfrance Brocéliande


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