Regards croisés : Quel cap pour l’agriculture ?

Si le le débat public, organisé par la députée Nicole Le Peih, a fait la part belle à la Pac et aux échanges commerciaux, ce sont surtout la sécurité alimentaire et le Plan protéines qui ont animé la soirée, jeudi 5 septembre à Pontivy (56).

Le projet de la future Pac est-il adapté aux enjeux de création de richesse, de protection de l’environnement…?
Jacques Carles, d’Agricultures et stratégies : Contrairement aux politiques agricoles déployées dans la plupart des grands États producteurs mondiaux, la Pac ne protège plus ses agriculteurs. L’Europe veut abandonner son rôle de régulation publique. Entre 2007 et 2027, le budget, en euros constants, aura baissé de 30 % si les propositions sont acceptées.
Les aides découplées n’ont pas de sens économique. Il faut réorienter cet argent vers les besoins réels, notamment les investissements. Ou encore vers l’organisation économique des producteurs, afin de leur permettre d’être, comme toute entreprise, en capacité d’ajuster leur offre pour ne pas déstabiliser ses marchés.

Olivier Allain, agriculteur et vice-président de la Région : Je suis un interventionniste. L’Europe doit contrôler les volumes de production car les variations liées aux aléas influent fortement sur les marchés.
Avec 28 états, une politique unique est difficile. Il faut laisser de la latitude aux états et défendre la décentralisation des actions du 2e pilier, comme les MAEC qui ne peuvent être les mêmes dans toutes les régions.

Le Ceta doit-il être condamné ?
Olivier Allain : L’accord Ceta est bénéfique pour notre agriculture. Depuis 2 ans, les volumes de viande bovine importée sont limités et n’influent pas sur le marché. Les volumes de produits laitiers exportés sont conséquents.

Jacques Carles : Si le degré de soutien diminue, comme prévu dans la prochaine Pac, cet accord se retournera contre les agriculteurs français dans moins de cinq ans.

Catherine Gelain-Lanéelle, déléguée ministérielle auprès du ministre de l’Agriculture et de l’alimentation
Les produits importés répondent à des normes environnementales et sanitaires de plus en plus contraignantes : nous ne sommes pas prêts à accueillir n’importe quoi. Le Ceta est bénéfique, grâce à la protection des produits AOC et aux volumes contingentés d’importation, mais attention à ne pas multiplier ce type d’échanges pour un marché où l’offre est déjà importante. Je pense à l’accord avec le Mercosur, par exemple.

La souveraineté et sécurité alimentaire sont-elles garanties?
Jacques Carles : L’abondance de produits agricoles n’est pas la règle. Celle-ci est conditionnée à des politiques prudentes, protectrices. Elle est au cœur des enjeux du XXIe siècle : sécurité et solidarité alimentaire, changement climatique, migrations…

Olivier Allain : Il n’y a quasiment plus d’intoxications alimentaires en Europe. Autre exemple de succès : le plan Éco-antibio, avec 45 % d’utilisation d’antibiotiques en moins en 5 ans, dans les élevages.

Catherine Gelain-Lanéelle : Il faut s’appuyer sur la science pour lever les inquiétudes sur les pesticides (résidus, exposition). Un gros travail a été réalisé pour évaluer les experts de l’Efsa (Autorité européenne de sécurité des aliments) et détecter leurs liens avec le secteur privé.

Jacques Carles : Le débat ne peut pas être une remise en cause permanente des procédés de production.

Olivier Allain : Je déplore la schizophrénie des consommateurs : ils exigent de la qualité mais refusent d’en payer le prix. Nous produisons désormais trop d’œufs bio et pas assez d’œufs de poules en cage. C’est le bouquet !

Le Plan protéines, c'est pour quand ?

Un médecin lorientais, présent dans la salle, appuyé par d’autres intervenants, y compris des agriculteurs : « Pourquoi attendre? Nous devons assurer l’indépendance en protéines de notre élevage, nous passer du soja brésilien, destructeur de la forêt amazonienne. Nous devons, en parallèle, augmenter la production de toute la gamme de légumineuses à destination de la consommation humaine car nous mangeons trop de viande. On ne voit pas d’argent public pour cela ou pour la protection de la biodiversité. »
Pour Olivier Allain, « Aucune région européenne n’a orienté autant d’argent pour la transition agro-écologique que la Bretagne, notamment à travers les MAEC (mesures agro-environnementales et climatiques). Je suis partisan du recouplage des aides pour, par exemple, encourager la production de protéines en Europe. »
Jacques Carles réagit : « Les objectifs du plan protéines seront difficiles à atteindre avec un budget prévisionnel du second pilier en baisse de 27 %. »
Mais pour Catherine Gelain-Lanéelle : « Il ne faut tout attendre de la politique publique qui ne se substitue pas au travail des acteurs économiques. »


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