soja-tourteau-moisson - Illustration Soja, le réveil du tourteau

Soja, le réveil du tourteau

Le marché du soja est à la fête. Ce réveil du marché du soja ne fait pas les affaires des éleveurs français qui, depuis deux ans, s’étaient habitués à un prix du tourteau plus proche des 300 €/t que des 400 €/t. 

Le tourteau de soja, c’est d’abord l’affaire de l’Argentine. Le pays s’est spécialisé (via des taxes différentiées) sur la vente du coproduit, laissant au Brésil et aux USA, le soin d’approvisionner la planète en graines. Malgré la libéralisation de l’économie qui a fait suite à l’élection du président Macri en 2015, les exportations du tourteau ne se sont pas envolées, contrairement à celles de blé ou de maïs (quand les bonnes récoltes étaient au rendez-vous). En effet, l’inflation argentine est récurrente, et la valse des étiquettes reste le principal cauchemar des Argentins.

Des silos transformés en coffres-forts

L’oléagineux, qui se stocke facilement, est devenu une monnaie d’échange, transformant les silos des producteurs en coffres-forts. Cela explique pourquoi les stocks argentins sont en hausse de 43 % (+ 4 Mt) en ce début de saison commerciale (mars 2018/février 2019). Et pourquoi, malgré la chute de production attendue, les réserves argentines devraient représenter 31 % des réserves mondiales, fin août, nettement au-dessus de celles de son voisin brésilien ou de celles des USA. Si la situation n’est pas nouvelle, elle s’accentue particulièrement cette année.

Après un point bas atteint en juillet 2017, l’inflation est, en effet, repartie régulièrement à la hausse (25,4 % sur 12 mois), avec l’augmentation des prix administrés (gaz, électricité, essence) et à la dépréciation du peso. La remontée des taux des bons du Trésor américains et le regain de vigueur du dollar ont d’ailleurs entraîné un net dévissage de la devise argentine la semaine dernière (10 %), ce qui devrait alimenter un peu plus l’inflation… et donc la rétention des producteurs de soja. Les triturateurs argentins se tournent donc vers l’importation de graines pour faire tourner leur usine, non pas par manque de graines locales, mais par la difficulté à les acquérir.

La deuxième source d’emballement des prix est la surenchère médiatico-financière concernant le risque de guerre commerciale entre la Chine et les USA. S’il n’y a, en fait, aucun problème d’approvisionnement en graines de soja pour la Chine sur la fin de cette campagne 17/18, le cadeau fait aux spéculateurs en manque de rendement était trop beau. Les investisseurs se sont jetés à corps perdu dans des arbitrages haussiers pour le soja. Le temps des négociations prendra fin le 31 mai : il reste donc encore du temps pour trouver des accords, notamment sur le soja (menacé de voir sa taxe à l’importation augmenter de 3 % à 25 %). 

Rappelons-nous que Xi Jiping et Trump, sont des « commerciaux », qui menacent pour mieux négocier. La période est particulièrement bien choisie, puisque sur les 4 dernières années, 5 % seulement des importations chinoises d’avril à août provenaient des États-Unis. La volatilité du marché et les opérations de couverture réalisées en prévention pourraient faire pschitt si un accord est trouvé. Les Brésiliens, en première ligne pour livrer la Chine, sont les premiers à ne pas croire à l’absence de compromis, mais ne boudent pas leur plaisir à engranger un maximum de profits à l’heure actuelle.

Quoi qu’il arrive, on peut affirmer avec certitude que les USA resteront incontournables dans l’approvisionnement chinois en 2018-2019 (environ 20 Mt), notamment sur septembre/décembre. Si la hausse de la taxe devient effective, les coûts devraient être partagés entre agriculteurs du Midwest et triturateurs chinois, sur un volume qui représente donc 17 % de la récolte US. En conclusion, les évolutions monétaires pourraient avoir nettement plus d’impact sur les prix mondiaux au cours des douze prochains mois que cette taxe de 25 % sur 6 % de la récolte mondiale (soit + 1,5 % à Chicago).

L’origine brésilienne prisée sur le marché français

Le coup de grâce sur le marché français a été porté par sa spécificité. D’une part, nous ne pouvons pas décider de reporter nos achats de tourteaux sur la graine, dont le prix monte moins vite, car nous n’avons pas comme dans les autres États membres, la possibilité de transférer l’activité des outils de trituration du colza ou du tournesol sur le soja. D’autre part, nous restons très attachés à l’origine brésilienne, fort occupée à livrer prioritairement la Chine. Enfin, nous subissons les évolutions du taux de change, avec une baisse de l’euro qui renchérit les importations.

La Chine diversifie ses sources de protéines

Le marché des matières premières ne sera jamais un long fleuve tranquille. Pour les mois à venir, il existe des facteurs baissiers qui peuvent empêcher le tourteau de grimper au ciel. Mais la montée en puissance du protectionnisme américain pourrait durablement modifier la politique d’approvisionnement de la Chine, qui a tout intérêt à diversifier ses sources de protéines. Et cela pourrait avoir un impact non négligeable sur certaines filières animales françaises. En effet, les Chinois s’intéressent de plus en plus au tourteau de tournesol HP(1) dont nous sommes très friands, et pourraient rapidement ne faire qu’une bouchée des tourteaux ukrainiens exportables (4,2 Mt en 17/18).

(1) Un tourteau titrant 36% de protéines


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