La fine lame de la boucherie

Être forgeron, tout en connaissant parfaitement les différents morceaux de viande d’un animal : cette double compétence est détenue par un jeune Breton, passionné par ces 2 activités.

Le petit atelier constitué d’une cabane en bois trône au fond de ce coquet jardin du bassin rennais. Affairé à son travail, Baptiste Josse-Lesage trahit de sa présence, car les bruits métalliques que produisent les coups de marteau répétés sur l’enclume se font entendre. Le jeune Breton forge différentes lames, pour son plus grand plaisir. Les morceaux de papier s’embrasent et font rougir après quelques coups de soufflets le charbon. La barre de fer doux y est plongée, la forge s’active. Non, pas encore : le métal se colore de rouge cerise, il a atteint les 600 °C. Quelques secondes plus tard, il est d’un jaune étincelant, prêt à être frappé.

[caption id=”attachment_31150″ align=”aligncenter” width=”720″]Baptiste-Josse-Lesage Baptiste Josse-Lesage a une double compétence : il est forgeron boucher.[/caption]

La fascination de la flamme

« J’ai toujours été fasciné par le feu », avoue le forgeron. Poussé par un père artiste sculpteur qui dompte différents matériaux, Baptiste Josse-Lesage a toujours voulu créer des objets issus de sa forge, avec pour finalité être un objet utile. « Je n’ai pas une âme d’artiste », avoue-t-il. « Si un plan est élaboré au début du travail, la lame de couteau va ensuite évoluer. Je repars parfois à zéro quand le résultat ne me convient pas. C’est à l’homme de s’adapter à la matière ». La forge est pour lui une passion, qui l’amène à travailler des métaux pour faire plaisir à des amis, en échange de son temps et de sa technicité.

Durant ses années d’études en faculté de psychologie, la nécessité de faire quelque chose de ses mains et d’avoir une activité physique se fait sentir. Ce sera fait avec la remise en marche de la forge laissée de côté pendant quelque temps. « Je me suis alors intéressé à la forge de couteaux. J’ai lamentablement raté mes premiers modèles », explique-t-il sans gêne. L’artisanat demande de vives compétences, c’est pourquoi il s’est tourné vers le maître forgeron Philippe Le Ray, de Pléchatel (35). « C’est un très bon maître, il m’a donné les clés pour démarrer en solo ». À la sortie de cette initiation, Baptiste produit une volute, pièce forgée de métal qui reprend les bases des techniques à mettre en œuvre.

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Les Vikings débarquent

Suite à une rencontre avec la compagnie Berserkr, association de reconstitution historique viking, ses membres sollicitent l’artisan pour fabriquer diverses épées et autres haches. Le marteau frappe alors de plus en plus longtemps, « les lames sont de plus en plus longues. Une lame est constituée d’un seul bloc d’acier, jusqu’une longueur de 30 cm. Au-delà, les lames sont réalisées par un feuilletage d’acier et de fer doux, pour garder des propriétés de dureté et de tranchant ». Le forgeron peut travailler des aciers, composés de fer et de carbone, et du fer doux, à teneur inférieure à 0,25 % de carbone.

Pour cette troupe de reconstitution, Baptiste démarre la forge d’un prototype de scramasaxe, arme blanche utilisée par le peuple scandinave. « Je démarre par le manche, afin d’obtenir une bonne prise en main ». Les allers-retours entre l’enclume et la forge donnent petit à petit la forme désirée. « J’ai besoin de connaître l’utilité de l’arme, afin de comprendre comment elle se manie ». L’expression battre le fer tant qu’il est chaud prend ici tout son sens : « Il faut réfléchir à ses coups de marteau avant de poser la pièce sur l’enclume », afin de profiter de la température du métal.

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La viande est nourrissante

Après avoir été nourri intellectuellement pendant ses études, Baptiste Josse-Lesage a cherché un moyen de se nourrir physiologiquement. « J’ai travaillé dans des abattoirs pendant ma jeunesse, et j’ai toujours eu un contact très positif avec la viande. J’y ai même découvert une passion. Ma grand-mère m’a appris la cuisson d’épaisses pièces de bœuf, j’aime cette ambiance de boucherie où l’on parle gras, où la parole est libérée ». C’est décidé, le forgeron passe alors un bac pro dans ces métiers de bouche. Après une expérience en grandes surfaces, il termine son apprentissage sur les marchés.

Aujourd’hui, il met son expérience au service d’un abattoir, où il détaille les pièces. « Je sais travailler entièrement une bête ». Dans cette fonction, le forgeron manie différents couteaux, du trancheur, très coupant et rigide, à l’éplucheur, plus fin et se glissant plus facilement dans la viande.

Le temps, c’est du charbon

Baptiste Josse-Lesage s’attache à être autonome en énergie, comme lui a appris son maître. « Produire du charbon ne me demande que du temps. Pour ce faire, j’introduis du bois dans une charbonnière, que je fais monter en température pendant 4 ou 5 heures. La fumée est tellement dense à l’intérieur qu’il n’y a plus d’air. C’est important de chasser cet air, sous peine d’autocombustion du bois, et qui deviendrait alors cendre. Les essences utilisées importent peu ».

Une passion avec un côté écologique, les métaux forgés par Baptiste Josse-Lesage provenant souvent de récupération. « Il existe des fournisseurs qui approvisionnent les grands secteurs de la coutellerie, comme la région de Thiers (63). Pour ma part, je retravaille des tôles ou des corniches ». Une seconde vie pour les pièces métalliques qui retrouvent, à coups de marteau et de savoir-faire, une nouvelle forme.

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