Octobre 1987 : La nuit infernale

Dans les archives de Paysan Breton :

De mémoire d’ancien, on n’avait jamais vu ça !

Après la tempête de la nuit du jeudi 15 octobre, les adjectifs ont plu pour essayer d’exprimer ce qui s’était passé. Selon les endroits, la tempête est devenue ouragan, cauchemar, cyclone ou apocalypse…
La nuit infernale que la région a connue n’a pas fini de faire parler d’elle. À l’heure où les bilans sont à peine évalués, à l’heure où les Mutuelles totalisent des estimations pharamineuses, il faut bien dire que la Bretagne n’avait pas besoin de cela.

Aux dégâts que tout le monde a connus peu ou prou sur ses bâtiments, l’agriculture va ajouter les siens propres. Une fois de plus elle va être en première ligne.

Car si partout les maisons ont souffert, si nombre de véhicules se sont trouvés sous des arbres ou des branches, les exploitations agricoles possèdent des bâtiments particulièrement exposés. Les toits des hangars se sont envolés, exposant paille, foin; matériel aux intempéries. Pire encore, les bâtiments des nombreux élevages hors sol ont payé un lourd tribut à la tempête, laissant les porcs et les poulets sans abri. Pour ce type d’élevage, cela ne pardonne pas, les bêtes n’étant pas accoutumées à l’air libre. Les jours qui ont suivi ont vu les agriculteurs tenter de parer au plus pressé, pour sauver ce qui pouvait l’être. Mais à cette lutte contre la montre et le mauvais temps, sont venus s’ajouter des handicaps dont on aurait bien voulu se passer en la circonstance.

C’est le téléphone qui était coupé, quand on voulait joindre l’artisan. C’est l’électricité qui manquait à nouveau après les tribulations de l’hiver dernier, lorsque sonnait l’heure de la traite.
Une fois de plus, ceux qui ne possédaient pas de groupe électrogène se sont trouvés bien dépourvus, qu’il s’agisse de leurs vaches ou de la climatisation des élevages hors-sol. Et dans de telles circonstances, il est bien évident que tous ces matériels, que tous les matériaux d’urgence (telles les bâches) manquent très vite à l’appel.

C’est une dure leçon, mais contre laquelle on ne peut pas grand chose, faute de moyen. Et que dire des serres mises à bas en quelques heures. Les dégâts y sont énormes. À tout cela, viendront s’ajouter les dégâts aux cultures. Des maïs que tout le monde pouvait voir magnifiques se sont trouvés à terre vendredi 16 au matin. Au mieux si le temps revient au beau, ils ne pourront être récoltés que dans un sens. Encore un coût supplémentaire.

C’est donc bien d’une catastrophe économique qu’il faut parler pour l’agriculture bretonne. En n’oubliant pas que celle-ci est la principale activité de la région. Les retombées en amont et en aval seront considérables. Sans compter que pour nombre d’exploitations en difficultés, cela risque d’être le coup de grâce.
Alors que l’opinion a souvent tendance à l’oublier actuellement, elle, à qui on ne parle que d’excédents, nous tentons de rappeler régulièrement que l’agriculture est à la merci des aléas climatiques.
Cette fois, il ne s’agit pas du désagrément d’une pluie mal venue lors de la moisson par exemple. Il s’agit bien d’une catastrophe.

En elle-même, il n’est que de voir les dégâts. Mais en outre aggravée, parce que l’agriculture est en crise, parce que nos exploitations sont devenues trop vulnérables.

P. Gouérou


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