bovin-fievre-aphteuse-algerie-maghreb - Illustration La fièvre aphteuse pèse déja sur les cours

La fièvre aphteuse pèse déja sur les cours

L’Algérie est un débouché important pour les bovins français : 1er importateur de génisses pleines et 3e acheteur de broutards. Ainsi la fièvre aphteuse au Maghreb risque de peser lourd sur nos marchés.

Rappel des faits : un premier cas de fièvre aphteuse est suspecté en Algérie le 23 juillet dernier. Il est rapidement confirmé. Fin juillet, le pays prend des mesures draconiennes en fermant ses frontières à toute importation d’animaux de rente vivants. Sur le territoire, les autorités sanitaires et les vétérinaires sont sur le pont : interdiction du transport d’espèces sensibles, fermeture des marchés, quarantaine, vaccination… Malgré tout, l’épidémie progresse : l’OIE, l’organisation mondiale de la santé animale, rapportait 43 foyers avérés au 7 août ; 198 au 25 août… Le sérotype du virus est le même que celui présent dans les pays voisins, la Libye et surtout la Tunisie dont les importations de bovins sont suspendues depuis le mois de mai à cause de la maladie…

L’Algérie aimante la moitié des génisses holstein exportées

Si tout cela paraît lointain vu de France, il faut avoir à l’esprit que le Maghreb est un partenaire économique majeur de la production bovine hexagonale. « En 2013, nous avons édité 12 575 pedigrees pour des animaux à l’export. 6 111 d’entre eux concernaient la seule Algérie, premier débouché pour les amouillantes françaises. Loin devant les 3 025 documents pour l’Espagne », rapporte Denis Biéri, directeur de Prim’Holstein France. Pour la Montbéliarde, les chiffres sont encore plus éloquents : « En 2013, sur 11 167 pedigrees édités, 9 172 concernaient des génisses en partance pour l’Algérie », chiffre Maria Hanriot de l’organisme de sélection de la race.

Pour Gilles Serais, responsable d’Ouest Génis’ qui commercialise 13 000 bovins par an dont 60 % à l’export, « heureusement que la fermeture de l’Algérie est intervenue en pleine période de vacances estivales » quand l’activité est au plus bas. « Nous étions dans un contexte avec de la demande. Le prix des génisses se tenait bien. Mais à la rentrée, tout va être renégocié. » Pour lui, « ce qui sera déterminant est la durée du problème. Si les importations algériennes ne reprennent qu’en décembre ou janvier, ce sera dur pour nos marchés. » Il rappelle que l’Algérie importe des animaux gestants de 3 à 6 mois environ. « Alors quand ces animaux qui n’ont pas pu partir aujourd’hui vont approcher de leur terme, ils pèseront sur l’offre en fin d’année. Or la demande française, même si la Normandie est à l’achat actuellement, n’est pas capable de tout absorber. » D’autant que sur le territoire européen, les génisses d’Allemagne et de Hollande, les plus gros exportateurs, seront aussi restées à quai.

Le prix des amouillantes a déjà baissé depuis un mois

En fait, les conséquences commerciales sont déjà sensibles : « Nous travaillons également avec le Maroc qui a déjà commencé à négocier les tarifs sachant que l’issue algérienne est bouchée », précise Gilles Serais. Ces derniers mois, le marché de l’amouillante était en effet très porteur : « une génisse holstein de qualité se négociait autour de 1 600 ou 1 700 € », rapporte Michel Peudenier d’Ille-et-Vilaine, représentant de la Fédération des commerçants en bestiaux en Bretagne. Rappelant au passage la « réactivité immédiate du marché dès qu’il y a un souci quelque part. » Une remarque qui se matérialise déjà dans les échanges. A la tête de Berthet Bétail, un des principaux acteurs français de l’export avec plus de 10 000 bovins (amouillantes et mâles pour l’engraissement) commercialisés chaque année au Maghreb, Christian Berthet rapporte qu’au marché de Bourg-en-Bresse (01), « le prix des reproductrices a déjà baissé de 200 à 250 € par tête en trois semaines, depuis l’annonce de la fièvre aphteuse en Algérie. »

Le Maghreb, régulateur du marché des broutards

Les spécialistes s’inquiètent également beaucoup pour les filières viande. « La saison des broutards va bientôt débuter », précise Michel Peudenier. Si tous bovins confondus, les premiers clients français sont l’Italie, l’Espagne et l’Allemagne, Christian Berthet rappelle tout de même l’importance de l’Algérie et de la Tunisie : « En période normale, cela représente 100 000 têtes par an pour l’export français. Cette porte de sortie, c’est de la viande qu’on enlève du marché européen. Ce régulateur fait pression sur les prix en notre faveur face aux acheteurs italiens. Dans ce contexte, ces derniers vont rapidement essayer d’en profiter. »

L’espoir que le Maroc reste épargné

L’autre crainte est de voir l’épizootie continuer à refermer des marchés. « Les foyers se rapprochent d’Oran », explique Gilles Serais, une ville située à moins de 150 km de la frontière marocaine. Alors que la plateforme d’épidémiosurveillance animale (Esa) considère le transport illégal d’animaux comme une cause principale de diffusion du virus, Michel Peudenier jugerait très « pénalisante » l’entrée de la fièvre aphteuse au Maroc : « comme les éleveurs là-bas ne renouvellent pas leur cheptel, c’est un marché quasi-permanent pour la génisse laitière… »

Christian Berthet, lui, fonde l’espoir que « l’indépendance géopolitique de l’Algérie » puisse jouer en faveur d’une reprise des importations. « Là-bas, la fièvre aphteuse est une maladie dramatique que les professionnels relativisent : les éleveurs touchent jusqu’à 100 % de la valeur de l’animal qui est abattu et récupère la viande… Mais si le prix de la viande devient trop haut pour les consommateurs, le pays n’ayant pas d’accord spécifique avec ses voisins peut décider unilatéralement la réouverture des frontières avant la fin des vaccinations… » Toma Dagorn

L’avis de Gilles Serais, directeur commercial d’Ouest Génis’’

Depuis un mois, plus un seul bovin n’entre en Algérie, premier importateur d’animaux gestants français. Si la France reste un petit vendeur de génisses par rapport à l’Allemagne ou aux Pays-Bas, nous avons quand même besoin d’aller sur le marché européen et mondial. Car même le contexte porteur de l’après-quota ne suffira pas à absorber l’offre sans solution à l’export. De l’autre côté du continent, l’embargo russe n’impacte pas les ventes de génisses vers la Russie. Ce sont surtout les pays du Nord de l’Europe qui profitent de ce débouché, mais cela dégage du volume et évite l’engorgement sur le marché communautaire.


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