b9945.hr - Illustration Ensiler sous contrôle qualité
Toutes les 30 minutes, François Piton prélève un échantillon d’ensilage pour s’assurer que la qualité du hachage et de l’éclatage des grains est conforme aux objectifs.

Ensiler sous contrôle qualité

Depuis 4 ans, un consultant nutrition réalise des audits lors des chantiers de récolte de maïs brins longs de l’ETA Robillard dans les Côtes d’Armor. 

Mardi 5 octobre, à l’EARL La Guichousais à Hénansal (22), 13,5 ha de maïs ont été ensilés (sur les 55 ha cultivés pour nourrir les 120 vaches laitières et la suite). Dès le démarrage du chantier, François Piton, consultant nutrition à Innoval (ex-BCEL-Ouest), s’active au pied du tas. Armé de ses outils – seau, balance, tamis, réglette –, il assure le contrôle qualité de l’ensilage en testant toutes les 30 minutes un échantillon de fourrage. « C’est un peu notre police du travail », plaisante Nicolas Robillard qui a lancé cette collaboration originale entre son entreprise de travaux agricoles et le spécialiste en nutrition il y a 4 ans. C’était au moment où il s’est équipé pour récolter le maïs en brins longs (une approche appelée Shredlage® chez le constructeur Claas). « Facturant plus cher l’ensilage brin long que le traditionnel, nous avons une obligation de résultat vis-à-vis de l’éleveur », confie l’entrepreneur. « Pour cela, nous avons besoin d’être accompagnés. Dans nos ETA, nous connaissons très bien la mécanique de nos machines, mais nous ne sommes pas des zootechniciens… Ce partenariat pousse à être meilleurs. »

Ajuster la coupe au taux de matière sèche

François Piton rappelle les enjeux de l’ensilage où, en quelques heures, une bonne partie de la nourriture du troupeau est stockée : « Plus le chantier est maîtrisé et la bonne conservation assurée, plus le fourrage sera ‘ laitier’ et aura un impact positif sur le coût alimentaire à l’arrivée. » Concrètement, le conseiller se concentre sur quelques points de vigilance incontournables comme le hachage de la plante, l’éclatage des grains, la qualité du tassage… « Je commence par estimer le taux de matière sèche à l’œil, comme lors d’un tour de champ. Aujourd’hui, le grain est vitreux, assez dur sur le dessus… Il est mûr, au bon stade pour être très bien éclaté par l’ensileuse. » À partir de ce taux de matière sèche, le spécialiste jauge ensuite la coupe en mesurant des brins à la réglette. « Avec un fourrage à 32 ou 33 % de MS comme ici, l’éclateur est serré à fond et on recherche des brins de 26 mm. Si je constate un passage plus sec, on peut demander à régler la coupe pour des brins plus courts de 23 ou 24 mm. » Plus globalement, la qualité du hachage est jugée en tamisant 400 g de fourrage vert. Cette quantité d’ensilage est triée par le passage à travers 4 grilles successives séparant les particules de plus de 19 mm, de 8 mm à 19 mm, de 0,17 à 8 mm et de moins de 0,17 mm. Chaque ensemble est pesé et comparé à des références. « Si par hasard les résultats ne sont pas conformes aux objectifs, j’interviens en demandant de revoir les réglages de la machine. C’est simple et rapide car le tasseur à côté de moi est relié au chauffeur de l’ensileuse par CB… »

Un grain non éclaté peut arrêter la machine

Vient ensuite le test du seau. Un volume d’1 L d’ensilage est noyé dans de l’eau. « Je retire le plus gros des feuilles qui flottent alors que l’amidon coule et se dépose au fond. » Après avoir retiré l’eau, la masse d’amidon est scrutée. « Dans cette parcelle, le résultat est au-dessus de la norme car cette année le maïs est très riche en grain », constate François Piton. Mais c’est avant tout la qualité du travail qui retient toute son attention. « Si je trouve un seul grain non éclaté, il y a un problème et je donne l’alerte. » Heureusement, c’est rare. En quatre ans de suivi avec l’ETA Robillard, le cas ne s’est présenté qu’une fois. « Nous avons alors arrêté le chantier pendant trois heures pour changer d’éclateur. En pleine saison d’ensilage, c’est une décision difficile. Mais le brin long nous oblige à faire bien. Ce genre de coupe fait aussi la signature de notre ETA », termine Nicolas Robillard. Chaque chantier fait d’ailleurs l’objet d’un compte-rendu avec photos et commentaires envoyé à l’éleveur suite à l’audit réalisé par le consultant ou l’entrepreneur lui-même.

Un vrai apport de la technologie

En changeant d’éclateurs sur nos ensileuses, nous pouvons ensiler aussi bien en brins longs qu’en traditionnel. Mais je fais la promotion du brin long car, pour moi, c’est une manière de mieux valoriser les fourrages et d’économiser de l’aliment à l’arrivée. Par rapport à tous les gadgets que les constructeurs mettent sur le marché, cette technologie a un vrai apport technique. Tous nos clients éleveurs qui ont essayé l’ont adoptée. Et tous les ans, quelques nouveaux se lancent. Aujourd’hui, le brin long concerne 55 % des 1 150 ha que nous ensilons. Car ramené à la tonne de matière sèche, le surcoût d’1,60 € est faible. Le vrai argument, c’est le service, pas le prix.Nicolas Robillard, Dirigeant de l’ETA Robillard


Des brins saupoudrés d’amidon non triés

En 2017-2018, une étude terrain de BCEL Ouest a comparé les ensilages de maïs brins longs et brins courts (ou traditionnels). « Cette enquête avait révélé peu de différences », rappelle François Piton. « Mais parmi les 50 élevages que je suis, 10 ont démarré en brins longs et poursuivent. À dires d’éleveurs, il y a moins de tri à l’auge, moins de refus et un effet positif sur la santé métabolique des animaux. » Le conseiller insiste sur l’avantage de la technique : « Le grain n’est plus cassé en 2 ou 4, mais bien pulvérisé. L’amidon est ainsi projeté sur les brins, comme saupoudrés de farine. C’est très visible à l’œil. »

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L’avis de l’éleveur : « Plus aucun grain de maïs dans les bouses »

À l’EARL La Guichousais, l’ensilage brins longs a été adopté dès que l’entrepreneur l’a proposé il y a quatre ans. « Je voulais tester la nouveauté en visant une meilleure valorisation de la ration », se rappelle Laurent Rault. « Le plus impressionnant en maïs brin long est d’observer le front d’attaque : il y a partout une farine d’amidon. » Côté ration, le changement le plus flagrant est la suppression de la paille dans le régime. « Avant le brin long, nous incorporions 700 à 800 g de paille broyée par vache dans le mélange. À raison de deux bols préparés par jour pour le troupeau, c’est une économie de temps, de carburant et d’intrant puisque nous sommes acheteurs de paille. »

L’éleveur apprécie l’aspect de la ration – basée sur ce maïs brin long et de l’ensilage d’herbe ou de l’enrubanné de luzerne – et le comportement des vaches à l’auge. « Ça mange. Il n’y a pas de refus. Plus de problème métabolique… », liste Laurent Rault. « Surtout, on ne voit plus aucun grain de maïs dans les bouses, même au moment d’une transition d’un silo à l’autre. Des tests de résidu de valeur alimentaire ont été effectués dans les bouses : le résultat était très positif. »

Reste la question du surcoût de ce type de chantier d’ensilage plus consommateur de carburant et plus usant pour les éclateurs. En fonction du rendement, cela représente 1,4 à 1,6 € / tonne de matière sèche. « Vue l’importance du maïs dans nos systèmes fourragers, c’est insignifiant. Tout comme se battre pour 5 € par dose de semence ou vouloir économiser sur le prix et donc la qualité de la bâche… », tranche l’éleveur.


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