Si le Brésil et l’Argentine sont en train de récolter de gros volumes de maïs, ils vont être rejoints cet automne par les USA et l’Ukraine, eux aussi avec des tonnages conséquents à exporter, sauf problème météo cet été. Les cotations résistent actuellement sur le marché à terme parisien, où les opérateurs sont inquiets des conditions climatiques en cours sur le continent européen. Mais elles pourraient devoir céder sous la pression mondiale. Car face au déluge de maïs attendu, la demande n’est pas au rendez-vous. La Chine est aux abonnés absents, et l’UE, deuxième importateur derrière le Mexique, sera dans le viseur des pays exportateurs.
Une récolte attendue pléthorique
En Amérique du Sud, les récoltes en cours, retardées par la pluie en Argentine et au Brésil, promettent d’être très élevées.
Un Brésil agressif sur les marchés ?
Les bonnes prévisions sur le maïs brésilien issu de la deuxième récolte[2], laissent espérer une production totale à plus de 138 Mt. L’analyste brésilien Agroconsult évoque même un possible chiffre de 150 Mt… Si une telle récolte est réalisée, alors la capacité exportatrice du Brésil ne serait plus de 43 Mt comme annoncée par l’USDA (base 131 Mt produites) mais de beaucoup plus. Le record des ventes brésiliennes avait été atteint 54 Mt en 22/23 (base 137 Mt produites). Mais, cette saison-là, les USA avaient engrangé une mauvaise récolte et exporté seulement 42 Mt (contre 68 Mt espérées cette saison). Si la consommation locale de maïs pour produire de l’éthanol est en pleine croissance dans le Mato Grosso[3], la majeure partie de la safrinha reste destinée à l’exportation. En général, les volumes chargés culminent en septembre, entraînant à ce moment-là des plus bas à Chicago. Mais cette saison, le Brésil pourrait rester un adversaire redoutable de l’automne jusqu’à janvier 2026. Les prix dans le Mato Grosso sont descendus à 3 $/bu début juillet, un niveau bas mais qui a encore un potentiel de baisse vers 2,3 $/bu (atteint en juillet 2023), car 15 % seulement des agriculteurs ont de quoi stocker à la ferme. Le marché intérieur pourrait donc rester bas jusqu’à la fin de l’année car la logistique est toujours critique dans le pays qui engrange cette saison d’aussi bonnes récoltes de soja que de maïs. De plus, les engagements d’exportation sont les plus bas depuis 13 ans à date, il va donc falloir que les Brésiliens restent agressifs pour atteindre leurs objectifs. Ajoutons à cela la pression de l’Argentine, qui offre actuellement les cotations les plus basses sur le marché mondial. Là-bas aussi, la récolte s’avère excellente. Les droits à l’exportation y sont revenus à la normale au 1er juillet (repassant de 9,5 % à 12 %), ce qui devrait obliger les vendeurs à fournir un effort sur le prix pour continuer à rester compétitifs. Car 62 % de la production argentine de ces 3 dernières années ont été destinées à l’exportation contre 39 % pour le Brésil et 15 % pour les USA.
Un dollar compétitif
Ajoutons à cela que les USA sont en embuscade, avec des prix mieux situés qu’au Brésil. La baisse actuelle du dollar rend le pays compétitif, un avantage décisif face à une récolte attendue pléthorique (402 Mt vs 378 Mt l’année précédente), la météo étant pour le moment très favorable. Les ventes y sont aussi en retard, suggérant une lutte sans merci dans les semaines à venir sur le marché mondial. Le Mexique (premier importateur mondial avec 25 Mt) semble rester un débouché de choix pour les USA. Quant aux deals possibles avec la Chine, rien ne permet de dire si cela permettra aux Yankees d’y placer le peu de maïs que l’empire du Milieu compte acheter cette saison. Mais les agriculteurs américains sont confiants, espérant compenser les efforts sur les prix par les aides promises par le président.
Patricia Le Cadre, www.cereopa.fr
[1] Octobre/septembre
[2] La safrinha (« petite récolte » en portugais) représente 80 % de la production de maïs et est cultivée en deuxième récolte, derrière du soja. Le climat tropical sur une partie du pays permet en effet la « safra », récolte traditionnelle en été, et la « safrinha » en hiver.
[3] Au 1er août, le Brésil fera passer l’obligation de mélange de l’éthanol dans l’essence de 27 % à 30 %.
Un ratio en faveur du blé en France
Les craintes sur la récolte européenne (annoncée pour l’instant à 60/62 Mt vs une moyenne de 62 Mt sur 5 ans), ne sont pas le gage d’une remontée pérenne des prix sur Euronext. Le prix moyen y est de 205 €/t sur la campagne 25/26 contre 206 €/t en 24/25. En parallèle, le prix du blé est à 207 €/t sur 25/26 vs 218 €/t la saison précédente. Le ratio entre les deux céréales est donc en faveur du blé (1,01 en 25/26 vs 1,06 en 24/25) en France alors que cela est l’inverse à Chicago (1,23 vs 1,19). Et n’oublions pas que le stock de report français sera élevé car la demande n’a pas absorbé le surplus d’offre cette saison.
Recul de la demande chinoise
Le déséquilibre du marché mondial vient de la Chine. Car après quatre années d’explosion de ses importations, les volumes se sont drastiquement rétractés. Sur 24/25, les estimations sont passées de 23 Mt à désormais 7 Mt, alors même que seulement 1,5 Mt ont été importées entre octobre et mai, ce qui laisse espérer au mieux 2,5 Mt d’ici la fin de cette saison. En 25/26, les estimations sont de 8 Mt. Ce recul est multifactoriel : baisse de la population chinoise depuis 2022, rationalisation de l’alimentation animale, achats de DDGS (dont l’offre mondiale progresse) et coupe sombre dans les stocks qui chuteraient de 211 Mt en 23/24 à 181 Mt en 25/26 selon USDA.Selon ou non le retour au marché des Chinois et leur volonté de contracter aux USA, les stocks de maïs US s’alourdiront plus ou moins. Le ratio stock/consommation qui s’affiche à 8,9 % en 24/25 pourrait se positionner entre 11,7 % et 14,3 % en 25/26. Le prix moyen annoncé par l’USDA sur la future campagne à 4,2 $/bu (4,5 en 24/25) est sans doute surestimé et peut descendre à 3,8 $/bu à moins d’une flambée du prix du pétrole pour des raisons géopolitiques qui se répercuterait par ricochet sur celui de l’éthanol. Le gros facteur de swing pour les prix restera l’ajustement du contrat décembre à chicago. Les données historiques nous rappellent que nous pourrions voir le contrat décembre rechuter dans les prochaines semaines.