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Les normes rigides filtrent mal les nitrates

Plus de flexibilité. Néerlandais et Français sont convaincus que la même norme pour tous a montré ses limites. En 2016, chaque exploitation néerlandaise aura sa propre norme environnementale.

Même équation, mais approche littéralement différente. Vues de Bruxelles comme « Les » deux grandes régions d’élevage de l’Europe, les Pays-Bas et le Grand-Ouest français doivent composer avec une règle commune : la directive nitrates européenne de 1991 ; une directive dont l’objectif de 50 mg/L de nitrates dans l’eau n’est d’ailleurs plus vraiment contesté. Pour parvenir à cet objectif, France et Pays-Bas ont emprunté plus ou moins le même chemin, à savoir la mise en œuvre de  programmes d’action. La France en est à son 5e, les Pays-Bas à leur 6e. Voilà pour les similitudes.

Deux pays, deux méthodes

Lors d’une conférence intitulée « Regards croisés France-Pays-Bas », organisée dans le cadre du Space, Peter Brouwers, représentant du LTO, le syndicat des agriculteurs néerlandais, s’est félicité « de la collaboration de la profession avec le gouvernement néerlandais et la science ». Et de poursuivre : « Nous avons fait le choix d’avoir une approche flexible en fonction des exploitations et des sols ». La France, elle, demeure campée sur l’application de normes génériques identiques pour tous. Tant pis si l’application de la réglementation aboutit à des aberrations. Dans notre pays, encore très jacobin, les normes sont fixées en haut et irriguent (certains agriculteurs diront « noient ») tous les territoires de façon uniforme. Une politique qui ne convient pas à la profession, comme le résume Thierry Coué, président de la FRSEA et vice-président de la commission environnementale de la FNSEA : « Nous sommes arrivés au bout d’un système. Il est temps de remettre du bon sens paysan dans la norme. Et surtout, nous revendiquons le droit à l’expérimentation dans les territoires ».

Trois acteurs main dans la main

Aux Pays-Bas, les agriculteurs ne sont plus comme les Bretons à réclamer le droit à l’expérimentation. La réglementation s’est adaptée aux territoires, aux sols, aux pratiques agronomiques : moins d’azote quand les sols sont sableux ; plus d’azote quand les sols sont argileux car moins filtrants. Des coefficients sont également prévus selon les cultures, les rendements. Et ce n’est pas le lobby agricole qui est à l’origine de cette évolution comme le rappelle Nico Van Opstal, conseiller aux affaires agricoles de l’ambassade des Pays-Bas en France : « Les spécificités du développement agricole néerlandais sont fondées sur une logique où interagissent étroitement la recherche publique, la puissance publique et le terrain ».

En France, les données scientifiques existent et sont maintenant éprouvées. Pour autant, de nombreuses références dorment au sec dans les placards bien loin des flux de nitrates qu’elles pourraient endiguer. Réflexe de prudence ou manque de confiance dans les agriculteurs soupçonnés de ne pas jouer franc-jeu, l’administration s’obstine à appliquer des normes qui aboutissent parfois à l’effet inverse de celui recherché. Comme ces normes Corpen qui conduisent les éleveurs à limiter la part de pâturage sous prétexte qu’une vache à l’herbe serait responsable d’une fuite plus élevée d’azote dans l’eau.

Une longueur d’avance

« Les normes sont établies pour l’exploitation moyenne. Cela signifie que des fermes qui ont des rendements bas gaspillent l’azote. Ce qu’il faut ce sont des normes moins restrictives quand les rendements sont élevés et inversement quand les rendements sont faibles », défend Franz Aarst, chercheur à l’université de Wageningen aux Pays-Bas. Depuis plusieurs années, ce chercheur et son équipe de l’organisation « Plant research international » se sont attelés à créer un instrument de pilotage de la fertilisation individuelle pour les exploitations néerlandaises. Ainsi est né Anca, un outil qui tient compte des objectifs de la directive nitrates et des réalités de terrain. Après plusieurs années de test sur des fermes pilotes (lire page ci-contre), il deviendra obligatoire aux Pays-Bas en 2016. Didier Le Du

L’avis de André Le Gall, Institut de l’élevage

L’institut de l’élevage collabore depuis 25 ans avec les Pays-Bas sur le plan scientifique et technique dans le cadre de différents projets européens : Green Dairy, Dairyman. Des programmes axés sur la durabilité et l’efficience environnementales des exploitations laitières. Nous partageons ainsi l’intérêt d’une gestion globale de l’azote à l’échelle de l’exploitation laitière, basée sur l’efficacité réelle de l’azote. Cette approche nous paraît plus pertinente qu’un système normatif qui produit des effets de seuil pouvant générer des résultats contraires à ce que l’on souhaite obtenir.


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