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Une saison difficile pour le colza

Si l’UE produit suffisamment de graines de colza pour couvrir la hausse de ses besoins sans toutefois parvenir à l’autosuffisance, elle va subir l’impact des demandes croissantes des autres pays importateurs mondiaux, et tout particulièrement de la Chine.

La production mondiale de colza n’a cessé d’être révisée à la baisse depuis deux mois, et devrait reculer de 5,4 Mt par rapport à 14/15 pour s’établir à 62,5 Mt. Elle revient ainsi sur un plus bas de 4 ans. C’est en Chine, dans l’UE et les pays de la CEI, mais aussi l’Australie et le Canada que le colza cède du terrain. Seule l’Inde devrait faire mieux que l’an passé. Comme les stocks ont fondu l’année dernière chez les principaux pays producteurs, rien ne pourra empêcher une baisse de la trituration mondiale cette saison. Les tourteaux de colza seront donc moins disponibles.

Rappelons que le premier producteur de graines de colza reste de loin l’UE, avec 21,5 Mt cette saison (-2,8 Mt), suivie par le Canada (14,1 Mt), la Chine (10 Mt) et l’Inde (6,4 Mt). L’Australie ne pèse que pour 3,2 Mt, mais est scrutée de près, car elle exporte presque toute sa production. Si le colza circule moins que le soja, 18 à 20 % des disponibilités (13/16 Mt) intègrent malgré tout le marché mondial. Le Canada et l’Australie en sont les grands contributeurs (79 % du total). Le tourteau est un peu moins voyageur avec 16 % d’exportations (Canada et Inde essentiellement), soit environ 6 Mt.

L’UE est structurellement déficitaire, et doit chaque année, importer entre 2,5 et 3,5 Mt de graines selon l’état de ses ressources et les disponibilités mondiales. En effet, la demande européenne est liée en grande partie à la production de biodiesel à partir de l’huile de colza, fixée par une réglementation environnementale. L’Australie et l’Ukraine, sont nos deux fournisseurs parce qu’elles proposent des graines non OGM, contrairement au Canada.

La trituration européenne en berne

Mais depuis 5 ans, les acheteurs européens sont confrontés à la concurrence croissante de la Chine, qui vient aussi faire ses emplettes dans le supermarché mondial. Ses importations sont passées de 1,3 Mt en 10/11 à 4,6 Mt en 14/15 et le pays est devenu le plus gros acheteur mondial, devant l’UE. Difficile de savoir quel sera le comportement des Chinois cette saison et quelle part ils laisseront aux autres importateurs. Car le pays peut arbitrer ses achats en fonction du prix des autres graines oléagineuses ou des huiles. Alors, face à la raréfaction de la marchandise sur cette campagne, qui mettra le prix nécessaire pour la capter ? Car la cotation de la graine s’est logiquement apprécié face à celle de soja, très disponible. Si on compare actuellement le marché à terme parisien de colza (365 €/t), avec celui de Chicago pour le soja (290 €/t), on observe une prime de 75 €/t entre les deux oléagineux, contre un discount de 50 €/t il y a un an… Reste que malgré tous ses efforts, l’Union européenne ne pourra sans doute pas empêcher les volumes triturés de reculer d’environ 1,7 Mt.

Des stocks de soja pléthoriques

La production mondiale d’oléagineux devrait reculer de 11,5 Mt en 15/16 (-2 %). Les récoltes de soja et de colza diminueraient de 3,5 et 5,4 Mt respectivement et le coton de 4,5 Mt. Le tournesol stagnerait (+0,3 Mt), et l’arachide augmenterait à peine (+0,9 Mt). L’ampleur de la baisse des productions reste cependant à confirmer (météo, situation économique en Amérique du Sud). Malgré tout, l’offre globale sera encore en hausse cette saison (+8 Mt). La faute aux stocks de soja qui n’ont cessé de s’accumuler depuis 3 ans en Argentine. Là-bas, l’inflation est telle que les graines ont remplacé le peso et les silos sont devenus de vrais coffres-forts. L’élection présidentielle qui aura lieu à la fin du mois d’octobre pourrait changer la donne et permettre de fluidifier le marché en 2016. Le soja va donc pouvoir pallier le manque des autres oléagineux sans beaucoup taper dans ses réserves.

La France s’en sort bien

Au niveau européen, la France a ravi la première place à l’Allemagne cette année. Cette dernière voit sa production reculer de 18 % (-1,1 Mt) contre une diminution de seulement 5,4 % (-0,3 Mt) dans l’Hexagone. Le centre de l’UE a aussi subi un net revers (sécheresse), avec par exemple une baisse de 22 % en Roumanie ou de 21 % en Hongrie. Si les exportations européennes vers les pays tiers sont très faibles, il existe des flux intracommunautaires importants chaque saison. Ces derniers devraient être bouleversés, avec des échanges est-ouest beaucoup plus faibles.

Les triturateurs français vont faire face à un appel d’air de la graine locale par les pays voisins. Mais comme il est plus rentable actuellement de triturer du colza que du tournesol, et n’ayant pas la possibilité de travailler du soja (seule une usine le peut), ils devraient essayer d’en capter un maximum cette saison. Nous devrions donc avoir un volume de tourteaux français mis au marché à peu près semblable à l’an dernier. Pour autant, le ratio de prix entre colza et soja devrait rester plus élevé cette saison qu’en 14/15. Il faudra en effet que les coproduits (huile et tourteaux) restent rémunérateurs afin de payer une graine qui devra le moins possible s’exporter si l’on veut atteindre nos objectifs. Patricia Le Cadre, Céréopa, www.vigie-mp.com


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