dinde - Illustration La dinde cherche encore sa place

La dinde cherche encore sa place

La production de dinde qui s’était remplumée au moment où le poulet export battait de l’aile est de nouveau en train de céder sa place à ce dernier. Une meilleure rémunération de l’éleveur et une planification plus stricte des arrivées et départs des animaux pourrait inciter des éleveurs à rebasculer en dinde.

« En France, la production de dinde est principalement faite par de vieux éleveurs, dans des vieux poulaillers », analyse Jean-Michel Choquet, éleveur de volailles dans le Morbihan et président du Cravi (comité régional avicole de Bretagne). Une réalité qui pose problème lorsque l’on évoque le sujet de la compétitivité de la filière. En effet, pas facile, voir impossible de construire un bâtiment neuf lorsque la marge Poussin/Aliment (marge PA) est de 55 €/m2/an pour de bons éleveurs en dinde comparé aux 65 à 70 €/m2/an que laisse la production de poulet lourd. Pour Jean-Michel Choquet : « Il manque 15 €/m2 en dinde, les jeunes éleveurs se tournent donc vers le poulet pour pouvoir amortir leurs investissements et dégager un peu de revenus. » L’enquête avicole réalisée par les Chambres d’agriculture révèle que les meilleurs éleveurs dégagent 25 €/m2/lot de marge PA en moyenne. Pour arriver aux résultats annuels obtenus en poulet lourd, il faudrait faire 3 lots de dinde par an, ce qui est impossible, les éleveurs tournent à 2,2 lots/an. « En poulet, avec 6 lots/an, c’est plus facile de garantir des rotations aux éleveurs. »

Pérenniser la production

Guénaël Le Sourd, responsable Huttepain Bretagne, chiffre l’érosion du parc bâtiment dinde à 7 % par an. « Dans les 5 ans, les prévisions sont de 9 %. Il est grand temps de l’anticiper. » L’objectif de reconquête du marché national est omniprésent pour l’industriel français LDC. « Nous croyons dans la production et souhaitons pérenniser la dinde, maintenir voire développer le nombre de nos éleveurs et le parc bâtiment. Preuve en est, nous investissons dans nos outils. Dans les cinq années qui viennent, 100 millions d’euros vont être investis en Bretagne sur l’ensemble des sites de la Société Bretonne de Volaille (groupe LDC). » Guénaël Le Sourd poursuit : « Nous avons remonté les marges au mois de mai, les résultats technico-économiques du 1er semestre sont supérieurs à ceux de l’année précédente. Nous avons des projets de bâtiments neufs et d’installation de jeunes en production dinde. Nous déplorons que certaines organisations de production n’y croient plus et laissent leur parc de bâtiments se dégrader. »

Un vrai potentiel de marché

Estelle Le Helloco, gérante de Le Helloco accouvage pointe un manque de stratégie et d’anticipation de la filière. « En France, nous avons des difficultés de mises en place à certaines périodes de l’année, notamment en été. Beaucoup d’éleveurs souhaitent des bâtiments vides l’été et les recharger fin août/début septembre. De notre côté, on ne sait pas demander à nos dindes de pondre le double en septembre. Pour chiffrer, dans l’Hexagone c’est environ 900 000 dindonneaux livrés chaque semaine. Sur cette période critique il faudrait livrer le double par semaine, c’est impossible. De plus, remplir les poulaillers à cette période crée un décalage avec la demande des abattoirs pour la période de Noël. » Le parc de reproducteurs est ajusté au marché et ne peut pas accepter de telles variations. L’idéal serait que les éleveurs puissent définir un planning annuel précis sur les dates de démarrage et de départ avec leur groupement. « Nos clients en Allemagne fonctionnent de cette manière et cela marche très bien. » La gérante de couvoir constate aussi qu’en France les éleveurs ont manqué d’un soutien politique pour investir dans leur outil de production et monter des bâtiments neufs. « Pendant ce temps, la Pologne a développé l’élevage de volailles. Ils ont un parc poulailler tout neuf subventionné par l’Europe, ils viennent de passer 1er pays producteur de volaille européen. » Malgré tout, la bataille n’est pas perdue. La filière a besoin d’une masse de jeunes qui investissent pour retrouver du dynamisme. « Il y a un vrai potentiel de marché, on a besoin de dinde et surtout d’éleveurs spécialisés. Les débouchés existent et il y a de réelles perspectives d’avenir. C’est plutôt rassurant pour celui qui veut investir. » Pour Jean-Michel Choquet, le volet industriel est réorganisé et ces entreprises restructurées font des bénéfices. « Il est temps qu’une partie de cet argent revienne aux éleveurs. Le marché doit rémunérer tous les maillons de la filière dont l’éleveur, c’est ce qui incitera des jeunes à s’installer. » Nicolas Goualan

L’avis de Gilles Le Pottier, délégué général du Cidef (comité interprofessionnel de la dinde française)

Un manque de surface en dinde Les difficultés du poulet export en 2013 et 2014 ont permis à la dinde de retrouver de la surface de production. Par contre, cette année, avec l’export qui reprend de l’ampleur et le poulet lourd qui se développe la production de dinde se retrouve limitée par manque de surface. Les éleveurs polyvalents se détournent de la dinde lorsqu’ils peuvent faire du poulet. Trop souvent l’élevage de dinde a été la variable d’ajustement du marché avec des vides allongés ou du stock sur pieds, c’est moins le cas en poulet. Ce mode de gestion n’est pas compatible avec l’élevage d’aujourd’hui. Tous les pays d’Europe sont au taquet en termes de surface à l’exception de la Pologne. En Allemagne par exemple, les investissements se font sur de gros outils d’abattage de poulet. La production de dinde est donc un peu délaissée. Il faut repenser beaucoup de choses, mécaniser au maximum pour attirer des jeunes vers cette production.


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