marche-mondiale-prix-ble-moisson-etat-unis - Illustration Le Blé en attente d’une histoire

Le Blé en attente d’une histoire

La baisse des prix n’y change rien. La récession mondiale, les moindres flux de pétrodollars, et une consommation qui progresse de manière plus régulière que l’offre entraînent un déséquilibre du bilan mondial du blé, avec des stocks qui vont encore grossir fin juin.

La campagne 2015/16 du blé est caractérisée par une demande mondiale correcte, mais insuffisante pour absorber les disponibilités apportées par les dernières récoltes et les stocks de report abondants. La situation est d’autant plus lourde que le blé disponible en quantité est plutôt de qualité fourragère et se retrouve confronté à des volumes de maïs très importants dans les silos américains et chinois. À moins d’un événement climatique majeur ou d’une décision économique forte dans un pays exportateur comme la limitation des exportations en Russie ou le recours à un nouveau « Quantitative Easing »* aux USA, le marché du blé restera plombé.

Quelle fin de campagne ?

D’ici la nouvelle récolte, la bataille pour placer son blé meunier va continuer à faire rage entre les exportateurs (Argentine, Russie, Allemagne, Roumanie en priorité). La France reste handicapée par une teneur en protéines plus faible que ses concurrents, ce qui limite sa marge d’action sur des pays comme l’Algérie, la Jordanie ou l’Arabie Saoudite par exemple. Et en ce qui concerne le marché égyptien, les inquiétudes sur la possibilité de voir des bateaux refusés sur des critères sanitaires ont refroidi les ardeurs, et les Français ne récoltent que les miettes….

Sur le marché du blé fourrager, les compétiteurs sont très nombreux, ce qui ne facilite pas non plus la tâche des négociants hexagonaux. Aux concurrents traditionnels, s’est jointe l’Argentine, de retour au marché depuis l’accession à la présidence de Mauricio Macri. La qualité moyenne des blés argentins à écouler la place, de fait, sur ce marché très disputé. Le Royaume-Uni est aussi un outsider qui bouscule la donne. Le pays doit écouler un stock colossal de blé fourrager, et la baisse de la livre sterling est un avantage compétitif bienvenu pour les vendeurs outre-Manche. La fin de campagne dépendra fortement de la prochaine récolte et notamment du besoin ou non, de porter les stocks. La météo et l’état des cultures à la sortie du printemps deviennent les éléments clés à surveiller. Si tout se passe correctement, la lourdeur des stocks fera bouger les lignes et peut entraîner un recul des prix sur le marché physique, en juin. Dans le cas contraire, le potentiel haussier restera cependant limité.

Des stocks à relativiser

Les stocks mondiaux de blé ont grossi de 43 Mt en 3 ans, rattrapant largement la baisse de 22 Mt survenue en 2012/13. Ils s’établiraient à la fin de cette saison à 213 Mt, au-dessus des deux précédents records (200 Mt en juin 2015 et 197 Mt en juin 2010). Pour autant, une part significative de la céréale est bloquée en Chine (36 % du total actuellement contre 32 % en 14/15 et 27 % en 09/10). En excluant les réserves chinoises (peu liquides), les stocks mondiaux sont identiques à 2014/15 et au-dessous de 09/10. La lourdeur tant décriée est donc à relativiser.

Quid de la récolte 2016 ?

Même si les conditions météorologiques sont favorables sur l’hémisphère nord, la production mondiale de blé 2016 pourrait diminuer pour la première fois en 4 ans. Les semis reculent dans des pays clés et le Conseil international des grains estime la prochaine récolte à 711 Mt (-21 Mt). Aux USA, nous nous dirigeons vers la plus faible superficie de blé semée en 40 ans. Mais avec des stocks de report qui s’annoncent énormes outre Atlantique, l’impact d’un recul des surfaces serait cependant limité. La parité monétaire aura plus d’effet sur les cours à Chicago que le niveau de l’offre dans les prochains mois.

Côté Mer Noire, les choses se compliquent en Ukraine. Après une politique exportatrice très volontariste sur la première partie de campagne 2015/16, le pays devrait rester en retrait pour ne pas trop taper dans ses stocks. Car il va devoir affronter une sévère chute de production cet été. Malgré des conditions climatiques particulièrement favorables depuis plusieurs mois, le marché table sur un recul de 30 % du tonnage produit, consécutif à un recul sévère des semis d’hiver. Et celui-ci ne sera pas compensé par des emblavements de printemps plutôt destinés à des cultures plus rémunératrices comme le maïs ou le tournesol. Les analystes tablent sur 17 à 19 Mt récoltés, contre 26,5 Mt en 2015. Pour le moment, les acteurs locaux misent sur un disponible exportable de 8,5 Mt contre 15,5 Mt cette campagne. Dans le pire des scénarios, les exportations pourraient même chuter à 4 Mt la saison prochaine. Voilà de quoi redonner de l’espoir aux producteurs français… qui devront cependant affronter la concurrence russe, exacerbée par un rouble et un fret bon marché. Si les semis ont aussi régressé en Russie, les rendements ont encore plusieurs mois pour s’exprimer et il est difficile de connaître les disponibilités exportables pour la prochaine saison. Pour le moment, la volonté du gouvernement est de faire entrer des devises et donc de favoriser au maximum les ventes de blé.

Le stock français plombe le bilan européen

L’Union européenne, quant à elle, devrait terminer la saison en cours avec des réserves en hausse d’au moins 40 %. En France, le stock de report est attendu à des niveaux stratosphériques (6 Mt) mais il est (avec le Royaume-Uni) le seul à vraiment plomber le bilan européen. Partout ailleurs, les bilans sont équilibrés, ce qui devrait limiter la baisse des cotations sur Euronext… mais pas celle des bases sur le marché physique français en fin de campagne. L’ampleur de l’ajustement entre les deux saisons, dépendra de la future production européenne. Pour l’instant les avis divergent. Certains l’annoncent en baisse d’environ 5 %. D’autres misent sur un nouveau record. En France, nous sommes partis pour une bonne production. Patricia Le Cadre / Céréopa

*QE : assouplissement quantitatif qui désigne des mesures de politiques monétaires non conventionnelles mises en place par les banques centrales.


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