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Tirer les leçons de l’expérience acquise

Depuis cinq ans, Jean-Marc Onno, éleveur porcin dans le Morbihan exploite l’un des  premiers méthaniseurs installés en Bretagne. Fervent promoteur de cette filière de valorisation, l’exploitant accepte volontiers de partager son expérience sur la maintenance et la sécurité dédiées à ce type d’installation.

Ce matin, Jean-Marc Onno attend la visite d’André Paugam, expert prévention chez Groupama. Deux hommes qui se connaissent et s’apprécient ; et pour cause. Jean-Marc Onno sait que se faire suivre et conseiller par un service prévention est une carte à jouer pour garder un œil averti sur la sécurité de ses installations. André Paugam, quant à lui, suit de près le développement de la méthanisation. Avec la transition énergétique, cette méthode de valorisation des effluents est promise à un bel avenir en Bretagne, terre d’élevage par excellence. L’unité du Moustoir-Remungol constitue à ce titre un exemple d’autant plus intéressant qu’elle fonctionne déjà depuis plus de cinq ans. De quoi en tirer un premier retour d’expérience.

À son heure, Jean-Marc Onno s’était appuyé sur celle d’Alain Guillaume, agriculteur à Plélo (22) et pionnier de la méthanisation. « Quand j’ai commencé à réfléchir au projet, ses conseils m’ont été très utiles », remarque-t-il. Mais il lui a aussi fallu collaborer avec nombre de partenaires : concepteur de l’installation, divers experts (dont ceux de la Chambre d’agriculture) et assureur. Une nécessité pour bâtir un dossier solide et franchir le cap de l’enquête publique. Parce qu’à ce stade, les volets sécurité et préservation de l’environnement se doivent de répondre strictement aux normes. « Le travail que j’ai mené avec Carine Pessiot, de la Chambre d’agriculture du Morbihan, a été validé par Évalor, groupement qui a conçu l’installation. Son principe était de pouvoir faire face à chaque danger en lui apportant une réponse concrète ». Bien entendu, les concepteurs et constructeurs d’unités de méthanisation ont les capacités et le savoir-faire pour respecter les protocoles en matière de sécurité. Mais à long terme, l’efficacité dans ce domaine dépend avant tout d’une réelle adaptation des dispositifs aux spécificités de l’exploitation et d’une rigueur soutenue.

Données chiffrées

L’exploitation :

  • Élevage porcin 250 truies / 1 900 places d’engraissement,
  • 126 ha  de cultures.

L’unité de méthanisation : Méthane obtenu à partir de la  fermentation d’un mix : lisier + matières végétales et animales. 32 à 35 tonnes de coproduits  admis chaque jour par le digesteur :

  • 45 % de lisier,
  • 30 % matière végétale (cultures intercalaires et déchets verts),
  • 25 % graisses de flottaison.

La puissance installée :  2 moteurs de cogénération 130 kw et 220 kw

Valorisations par la combustion du méthane :

  • Revente d’électricité,
  • Chauffage de l’élevage, de plusieurs logements, d’une champignonnière et d’une serre.

Digestat : Fertilisation des sols.

Montant de l’investissement :  1 600 000 € dont 280 000 € de subventions.

Amortissement :

  • infrastructure : 12 ans,
  • équipements et moteurs : 7 ans.

Achat du Kwh par EDF = 0,165 €. Coût du KW installé : 3 700 €. Ratio obtenu en divisant le coût total de l’unité (hors subvention) par la puissance des moteurs installés. Le chiffre peut s’avérer bien supérieur (5 000 à 6 000 €) si l’installation ne s’appuie pas suffisamment sur l’existant (utilisation d’anciennes fosses à lisier).

Attention à la routine

Trésorier de l’AAMF  (Association agriculteurs méthaniseurs de France), Jean-Marc Onno est bien placé pour le savoir : « Avec le concours de la Trame* et de Groupama, nous avons fait réaliser une enquête d’accidentologie auprès des membres de notre réseau. Il en résulte que 70 % des problèmes rencontrés sont dus, pour une part, à de petits incidents à répétition essentiellement liés à la routine. Il faut rester vigilant et apporter des correctifs si l’on veut éviter le gros sinistre.

[caption id=”attachment_7242″ align=”aligncenter” width=”300″]André Paugam contrôle le système de détection de méthane et de fumées André Paugam contrôle le système de détection de méthane et de fumées dans le local de cogénération. Il doit être vérifié et étalonné tous les ans.[/caption]

En second lieu et c’est important de le dire, ils s’expliquent par un accompagnement insuffisant de l’agriculteur dans les premiers mois d’exploitation. Autrement dit, il est impératif, pour limiter les risques d’accident et de dysfonctionnement, de rédiger avec l’éleveur des règles de sécurité sur mesure. Même si cela doit prendre une journée ou plus, l’exploitant doit pouvoir se référer à un texte techniquement accessible et écrit dans sa langue, pas en anglais ou en allemand… ».

Ce point est essentiel pour Jean-Marc Onno, convaincu que le développement de la méthanisation ne doit surtout pas échapper aux agriculteurs : « Ce système de valorisation s’intègre parfaitement au cycle d’exploitation, donc à notre métier. Un bon éleveur peut faire un bon méthaniseur qui doit rester maître du jeu, c’est-à-dire majoritaire en capital. » Textes et photos : Pierre-Yves Jouyaux, pour Groupama

L’avis de André Paugam, Expert prévention Groupama

Le rôle du service prévention n’est pas seulement de limiter les risques de l’assureur qui souhaite garantir une exploitation ou une unité de méthanisation, mais bien d’établir une relation de confiance avec l’éleveur. Il n’y a qu’en cas de manquement grave à la sécurité qu’un contrat d’assurance peut être remis en cause. L’un des dangers liés à la méthanisation étant l’explosion due au méthane, tout risque de fuite de gaz et de départ d’incendie doit être regardé de près. En arrivant sur site, si l’on constate une anomalie (par exemple la présence d’un matériau inflammable dans le local de cogénération), elle est signalée à l’éleveur et on lui en préconise le remplacement. Puis, lors d’une visite ultérieure, on vérifie la prise en compte par l’éleveur de ces recommandations.

Ce qui importe, c’est d’être à l’écoute pour lui proposer une couverture la plus pertinente de ses risques. À titre d’exemple, sur le site du Moustoir, la casse d’un moteur de cogénération (et donc son remplacement) peut entraîner plusieurs semaines d’arrêt de la production d’électricité…  Dans ce cas de figure, on conseille à l’exploitant de se couvrir par une garantie perte sur recettes suite à un bris de machine. En contrepartie, les modalités et le montant de cette garantie vont dépendre directement de la qualité des contrats de maintenance souscrits par l’exploitant. Bien étudié, le risque est mieux couvert.

*Trame : Tête de réseaux pour l’appui méthodologique aux entreprises. Trame AAMF – Paris – Tél : 01 44 95 08 25


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