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Les sablières sculptées des charpentes bretonnes

Les sculptures présentes sur les sablières des édifices religieux bretons nous rappellent les centres d’intérêt des Bretons du XVe au XVIIe siècle.

Il faut bien souvent lever la tête pour les apercevoir. Posées sur un lit de sable qui, en fuyant, permettait à la poutre de prendre sa place lentement, les sablières des églises et chapelles supportent l’ensemble de la charpente. Peu à peu, elles sont devenues des supports de décorations sculptées, entre la fin du XVe siècle et le XVIIe siècle. La Bretagne est la seule région où une production artistique d’une telle ampleur a été recensée. Les artistes, des menuisiers et des charpentiers locaux, travaillaient au sol sur les poutres taillées dans un quart de tronc de chêne, avant de les installer sur les hauteurs. Ils y sculptaient des frises de plusieurs mètres. Dès qu’ils échappaient aux commandes du clergé, les sculpteurs s’adonnaient à la fantaisie, avec des scènes joyeuses, parfois grivoises, peuplées de créatures imaginaires et de figures joviales ou grimaçantes.

Le bestiaire, sujet préféré des sculpteurs

Durant cette période, les artisans sculpteurs ont en effet montré un intérêt nouveau pour les sujets distrayants.  Si l’être humain y occupe une place modeste, c’est surtout un univers joyeux, peuplé d’animaux familiers, qui y est représenté. Les êtres humains sculptés se livrent en général à des occupations divertissantes : on rit, on mange, on boit, on joue de la musique au XVe siècle. Des images en lien avec les réjouissances paroissiales de l’époque, pour oublier certainement un quotidien rural difficile. Les représentations de scènes de travail  sont rares. Quelques scènes agricoles sont visibles dans le Léon. Les accidents du travail n’ont pas été oubliés, comme à la chapelle Sainte-Marie du Menez Hom (29).

Que leur présence soit décorative, fantaisiste, comique, satirique ou symbolique, l’animal reste le sujet préféré des sculpteurs de sablières. Les chiens assistent aux scènes de chasse. Le cheval, le bœuf ou l’âne accompagnent les humains dans les activités quotidiennes, les cochons et la basse-cour animent des scènes amusantes. Certains animaux, présents sur les armoiries des commanditaires, peuvent être associés à des familles nobles. Mais quelques artistes, avec une pointe d’humour, jouent aussi de leur nom en breton pour signer leurs œuvres (exemple à Bannalec, l’artiste Le Maout – ar maout = le mouton en breton).

L’ouverture de la Bretagne aux courants artistiques extérieurs, et notamment d’Europe du Nord, explique l’apparition d’animaux hybrides : dragons, griffons, ou  grylles… Plus d’un millier de créatures fantastiques sont ainsi dénombrées sur les sablières bretonnes. Représenté à 400 reprises, le dragon reste le sujet de prédilection des charpentiers décorateurs. Une importance qui peut s’expliquer aussi par le fait que les artisans avaient pour habitude de copier les modèles existants et non de les créer.

Un monde à l’envers, animé par des animaux

Le Moyen Âge voit l’émergence d’une iconographie satirique : les animaux se comportent comme les humains et singent leurs activités. Le renard est l’une des figures les plus emblématiques, grâce au roman qui porte son nom et qui circule en Europe dès le XIIe siècle. Il est ainsi commun à l’époque de relever les parentés entre les caractères humains et animaux, les correspondances entre vice et animalité. Le renard est la métaphore de la perfidie humaine, le porc celle de la gourmandise et le bouc celle de la débauche, etc. Le monde animal devient alors un monde à l’envers, celui de la fantaisie, de la déraison, où tout est possible. Dans ce monde imaginaire, l’artiste donne une âme, la parole et le pouvoir aux animaux.

La musique à l’honneur

Quelques sablières révèlent des exemples rares d’instruments à cordes. Mais ce sont sans conteste les cornemuses et les flûtes qui sont « de la fête » en Bretagne.  Et si ces instruments sont utilisés de temps en temps par des musiciens, actifs dans le cadre des fêtes populaires, on retrouve énormément d’animaux, tel le lapin musicien, qui semblent singer les gestes humains.

Difficile d’analyser ces œuvres d’art, plus ou moins bien conservées. Mais, ces sablières, situées en hauteur, étaient assez peu lisibles dans les conditions d’éclairage de l’époque et étaient sûrement destinées avant tout à servir d’éléments décoratifs, plus que de supports pédagogiques religieux. Ces décors répondaient sans doute plus à une volonté de prestige et de démonstration d’opulence entre paroisses, durant cette période de la fin du XVe siècle au milieu du XVIIe siècle, où de nombreux ensembles paroissiaux et chapelles ont été bâtis. Carole David

En savoir plus :

  • Trésors cachés des sablières de Bretagne, Claire Arlaux, Éditions Equinoxe.
  • Les sablières sculptées en Bretagne, Sophie Duhem, thèse de doctorat, Presses  unviversitaire de Rennes.

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