peche-legumes-mer - Illustration À la récolte des légumes de la mer

À la récolte des légumes de la mer

Passionné par la mer, Julien Racault s’est lancé dans la cueillette et la préparation d’algues comestibles.

Dans ce petit coin de côte du Nord-Finistère, les vagues viennent invariablement s’échouer. Face au large, sur la gauche, l’attraction vient souvent des surfeurs bravant les lois de la gravité pour décliner leurs figures de style. Plus à droite, dans un champ de rochers, un autre spectacle se joue les jours de marées à forts coefficients. Même en plein hiver, quelques personnes crapahutent sur l’estran, quand l’océan s’est retiré. Armés de paires de ciseaux, ils récoltent des algues. Julien Racault, par exemple, en a fait son métier. « Ce cueilleur de légumes de mer » a installé il y a deux ans sa petite entreprise artisanale à Portsall (29) avec l’objectif de valoriser « différentes variétés d’algues comestibles ramassées sur des “jardins” de l’Aber-Benoît à l’Aber-Ildut. »

Une gamme de 4 tartares d’algues

« Tout est bon dans le goémon », aime à répéter Julien Racault. Nature, à la spiruline, au piment doux ou aux figues et au miel… Sa marque Algo’Manne se décline en 4 tartares bio vendus en petits pots de 90 ou 200 g. Ils sont préparés « à partir d’un mélange de trois algues et d’huile d’olive, de jus de citron, de vinaigre de cidre, d’oignons et d’échalotes, de câpres… »

Profiter des marées à forts cœfficients

Tous les mois, au moment des plus grandes marées, il est sur le pont. En combinaison de plongée, bonnet vissé sur la tête, pour affronter l’air frais du bord de mer. Sautant de rocher en rocher, le temps que la mer lui laisse avant de remonter, il coupe et amasse dans ses sacs le précieux butin… « Au début du printemps, je ramasse ces grandes algues brunes, des laminaires, qui se développent bien en hiver. Mais il faut un coefficient minimum de 110 pour y avoir accès… » La marée du siècle en mars dernier aura été un moment privilégié donnant accès à une zone de l’estran exceptionnellement découverte. « Je cherche des algues bien développées, d’une longueur 1,50 m environ, baignant toujours un peu dans l’eau. » Au total, « une vingtaine d’espèces sont autorisées à la commercialisation parmi les 700 à 1 000 que comptent les côtes bretonnes. » De son côté, Julien est habilité par les Affaires maritimes de la DDTM à en cueillir une dizaine, entre Plouguerneau et le Conquet, sur des zones bien délimitées, car « certains endroits sont protégés. »
La dénomination réglementaire de sa profession est récoltant d’algues de rive à pied, à ne pas confondre avec « le goémonier qui travaille d’un bateau ».

[caption id=”attachment_950″ align=”aligncenter” width=”300″]algue-brune-bretagne Julien appelle Alaria esculenta, cette grande algue brune présente notamment en Bretagne, « le wakamé breton » en référence à une algue sombre très consommée par les Asiatiques. Une exclusivité Algo’Manne.[/caption]

Un « paysan de la mer » déclaré à la MSA

Ce « paysan de la mer » est d’ailleurs déclaré à la MSA comme chef d’exploitation agricole qui « embauche parfois des saisonniers en Tesa au printemps et en été quand il y a de grosses cueillettes et une bonne activité de transformation et vente. » Cette corporation confidentielle compte d’ailleurs 60 cueilleurs professionnels en Bretagne, dont 90 % dans le Finistère. Julien Racault raconte comment et pourquoi il s’est lancé : « J’avais envie de faire connaître ces légumes de mer qui sont finalement très méconnus en France. Les algues sont très nourrissantes, riches en protéines. C’est aussi une démarche écologique de fournir une nourriture produite sans intrants puisque la mer est déjà suffisamment riche, surtout en CO2 », explique-t-il.

Petits cueilleurs contre gros arracheurs

Les cueilleurs sont rassemblés au sein d’un syndicat Syndicat des récoltants professionnels d’algues présidé par le Finistérien André Berthou. Ils essaient notamment de défendre leur travail et le respect de l’estran contre « les travailleurs intérimaires envoyés par de grosses entreprises pour les fournir en algues. » Un business qui a le vent en poupe tant le champ des possibles (propriétés physico-chimiques, ingrédients…) est large pour l’industrie. « Quand nous récoltons 70 à 100 kg par marée avec des ciseaux pour que les algues repoussent, d’autres sont capables d’en ramener 500 kg en les arrachant… »

Valoriser le potentiel exceptionnel des côtes bretonnes

Mais au départ, l’idée lui est venue un peu par hasard. Après une licence en physique – chimie à Rennes, « pour mettre cette science en action », le jeune Finistérien a suivi à l’Agricampus de Hyères dans le Var une formation de 3 mois pour apprendre à cultiver la spiruline. « Mon projet s’orientait plutôt vers le développement à vocation humanitaire de cette algue bleue particulièrement riche en protéines pouvant aider à lutter contre la malnutrition. J’ai d’ailleurs travaillé sur des bassins au Burkina Faso montés par une ONG qui distribuait les produits dans les hôpitaux et les commerçait pour se financer… » Mais, à l’école de la spiruline, ce sont finalement ses camarades de classe du sud de la France qui lui ont ouvert les yeux sur la richesse de son territoire d’origine : « Chez eux, ils déploraient n’avoir qu’une algue à consommer et enviaient les Bretons qui ont la chance d’avoir une large variété d’espèces comestibles sous la main avec différents goûts, aspects, textures ou saveurs… » Pour le passionné de surf, l’idée de faire de la récolte des algues un métier, chez lui, dans un cadre de travail incroyable, n’avait pas de prix.
Aujourd’hui, Julien Racault vend ses préparations dans quelques boutiques spécialisées et en vente directe sur les marchés au nord de Brest ou via son site internet. Il propose ainsi 4 tartares d’algues. « Certains restaurants en utilisent également dans leurs plats, ou des crêperies dans des galettes… » Toma Dagorn  

Contact Algo’Manne www.algomanne.com


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