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Crise profonde pour la viande bovine

D’un côté, trop d’abattages, de l’autre une consommation qui s’amenuise, et pas seulement du fait de la tendance « vegan ». Pour renouer avec le consommateur, l’offre bovine doit aussi se remettre en cause.

Plombé notamment par les arrivées massives de vaches laitières, le marché de la viande bovine reste bien encombré sur cette fin d’année. « De janvier à septembre 2016, les abattages français de vaches laitières sont supérieurs de 4 % par rapport à la même période en 2015 », a chiffré Caroline Monniot, du service économie des filières de l’Institut de l’élevage, lors de la conférence Grand angle viande, le 15 novembre à Paris.

« C’est une tendance que l’on observe partout en Europe. Elle s’explique par l’augmentation du nombre de vaches qui avait eu lieu dans la perspective de fin des quotas. Elle ne restent pas dans les élevages compte tenu de la mauvaise conjoncture laitière. Et le plan d’aide à la réduction de la production laitière pourrait inciter à anticiper des réformes au 4e trimestre. » D’un autre côté, « la qualité médiocre des fourrages et les espoirs d’une meilleure conjoncture laitière pourraient freiner les réformes françaises », note Bruno Colin, président section bovine Coop de France.

Recapitalisation allaitante

S’agissant des vaches allaitantes, les abattages sont également en hausse : + 6 % en septembre 2016, par rapport à 2015. Et le stock de femelles allaitantes s’accroît depuis 2013. « C’est une vraie recapitalisation, la file d’attente s’est plutôt réduite aux portes des abattoirs », notent les services de Coop de France. Les primes Pac, désormais attribuées à l’animal, ont peut-être joué un rôle… Reste à savoir comment ce type de viande pourra être valorisé.

Car à l’autre bout de la chaîne, le consommateur boude de plus en plus les viandes. Entre janvier et fin septembre 2016, par rapport à la même époque l’an passé, les achats toutes viandes confondues ont chuté de 3,4 %. « Même la volaille baisse de 1,4 % en volume. Dans les autres pays européens aussi, la consommation de viande régresse », continue Caroline Monniot.

Le discours anti-viande pas seul en cause

Pour expliquer cette baisse, le monde agricole dans son ensemble pointe du doigt les nombreuses actions des groupes « anti-viande » et les discours négatifs sur les viandes. « Nous allons devoir apprendre à vivre avec eux. Il nous faudra porter nos vérités, montrer le professionnalisme de la filière, préparer des argumentaires », note Denis Lerouge, directeur de la communication et des études chez Interbev.

L’interprofession organise par exemple des ateliers régionaux pour former les professionnels à la prise de parole sur Internet. Les rencontres « Made in viande » qui ouvrent les portes des différents maillons de la filière vont être annualisées.
« Mais les attaques contre la viande n’expliquent pas à elles seules le comportement des consommateurs », continue-t-il. « Ne confondons pas les discours sur l’image et l’impact sur le consommateur. » Selon le communicant, il faut plutôt se demander si « la viande est encore indispensable aux yeux des consommateurs. Est-elle encore utile, pratique ? »

Retrouver la confiance dans les abattoirs
Les abattoirs ont connu ces dernières années une crise médiatique majeure, liées aux images chocs de mauvais traitements infligés aux animaux. Mise en place en 2016, une commission parlementaire demande notamment davantage de transparence et une amélioration des pratiques. Les partenaires ont toutefois commencé dès 2008 à travailler sur un Guide des bonnes pratiques pour la protection animale des bovins à l’abattoir. Aujourd’hui, les entreprises peuvent s’appuyer dessus pour la conception des équipements, des modes opératoires normalisés, du contrôle…
Améliorer la protection animale est profitable à l’entreprise, cela ne signifie pas une baisse de cadence, mais apporte plutôt une meilleure fluidité. Pour retrouver la confiance, il est essentiel d’éviter toute souffrance inutile à l’animal. La question de la mise à mort de l’animal (et de sa naissance et son élevage en amont) non acceptée par certains est un autre sujet… Luc Mirabito, chef de projet « Bien-être animal » à l’Institut de l’élevage

Agir sur l’offre

Nous sommes passés d’une civilisation où l’alimentation était vitale et le repas central, à une société nomade où l’alimentation est secondaire. « Dans les apéritifs dinatoires, les sandwichs, les salades vite faites du soir… la viande a-t-elle sa place ? » Pour la viande de bœuf plus précisément, 50 % des volumes sont achetés par des personnes de plus de 50 ans. Les « moins de 35 ans achètent plutôt de la viande de volaille… » Malgré tout, « la viande de bœuf est vecteur de plaisir gustatif, et est un aliment que l’on partage avec plaisir » : un discours tenu également par les jeunes consommateurs. « Pour mieux la vendre demain, il faut agir sur l’offre. La viande doit être présente sous forme d’émincés, de cubes… L’usage des viandes doit être renouvelé. »

« La qualité et la régularité sont un enjeu en steak haché, créneau en développement. Mais elles doivent aussi être travaillées sur les morceaux nobles », pense un éleveur. Une démarche similaire au MSA australien pourrait être mise en place en France. Basé sur des dégustations en masse mises en parallèle avec diverses informations sur les animaux et les viandes, cet outil permet d’évaluer la qualité potentielle pour le consommateur. L’Irlande, la Grande-Bretagne et la Pologne s’intéressent à ce type de système qui a permis d’enrayer la chute de consommation de viande bovine en Australie.


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